Plein d’automobilistes ont l’impression que le nombre de places de stationnement est en baisse dans le centre-ville. Ils ont parfaitement raison. Le nombre de places a baissé et continuera à baisser un peu. Mais ce qui va vraiment baisser, c’est le nombre de places gratuites. Le but ? Convaincre les gens d’abandonner leur voiture en augmentant les tarifs.

Combien de places ont été supprimées dans le centre-ville ?

Depuis le début de l’année, 251 espaces tarifés ont été éliminés dans l’arrondissement de Ville-Marie, selon les données de la Ville de Montréal fournies à La Presse. Les raisons sont multiples : réaménagement de rue, implantation d’une piste cyclable, d’un débarcadère d’hôtel, d’un arrêt d’autobus, etc. Le centre-ville se trouve dans Ville-Marie, quoique le territoire de cet arrondissement soit beaucoup plus vaste et englobe une partie de la montagne, les îles Sainte-Hélène et Notre-Dame et l’est de Montréal jusqu’à Hochelaga-Maisonneuve.

Ces données ne tiennent toutefois pas compte de l’impact, considérable, des travaux publics et privés qui privent les automobilistes de centaines de cases de stationnement, voire de milliers.

Combien y a-t-il de places de stationnement au centre-ville ?

Au total, 7251 places tarifées et 5733 places réservées aux résidants munis d’une vignette. On compte 32 zones de stationnement pour les motocyclettes et 111 zones de stationnement et de débarcadère pour personnes à mobilité réduite. La Ville de Montréal s’est dite incapable d’évaluer le nombre de places non tarifées, invoquant la grande variabilité des règles de stationnement.

Combien y a-t-il de places dans tout Montréal ?

Environ 1 million : autour de 500 000 sur la voie publique, dont 18 000 tarifées et 35 000 réservées aux résidants, et 500 000 hors rue, dans des stationnements publics et privés. Depuis l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal, en 2017, plus de 4300 places sur rue ont été remplacées par d’autres usages : pistes cyclables, zones réservées, stations de BIXI, espaces de stationnement pour les vélos, mobilier urbain de détente, espaces verts, etc.

Qui gère le stationnement ?

L’Agence de mobilité durable, un organisme paramunicipal créé en janvier 2020 par la Ville de Montréal.

« Historiquement, le stationnement était plutôt utilisé comme outil de génération de revenus, explique Laurent Chevrot, son directeur général. C’est pour ça d’ailleurs que la Ville avait concédé l’exploitation des parcomètres à Stationnement Montréal, une filiale privée de la Chambre de commerce, avec comme seul objectif de générer le maximum de revenus possible. »

L’Agence relève de l’administration municipale. C’est la Ville qui fixe les paramètres, les règlements et les tarifs. L’Agence, elle, gère, exploite et surveille les places de stationnement. Elle retourne l’argent des parcomètres à la Ville et fait des recommandations pour « faciliter le partage équitable de l’espace et l’accessibilité de la ville pour tous ». Sa mission est de faire du stationnement un outil de gestion de la mobilité, plutôt qu’un simple outil de génération de revenus.

Comment les 500 000 places dans la rue sont-elles utilisées ?

« On n’a pas de données précises sur les places de stationnement, indique M. Chevrot. On veut obtenir cette information. Ces 500 000 places, on veut savoir exactement à quoi elles servent, comment elles sont réglementées, de quelle heure à quelle heure, parce que c’est important pour les stratégies et pour faire évoluer la surveillance. Il n’y a aucune ville, en Amérique du Nord, qui sait précisément l’affectation de sa bordure de rue. Nous, on pense que c’est indispensable de le savoir. »

Quel est le coût d’une place tarifée à Montréal ?

Ça dépend des quartiers. Par exemple, c’est 1,75 $ l’heure dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, 2,25 $ dans Verdun, 2,75 $ dans Outremont et 3,75 $ dans Le Plateau-Mont-Royal, tout comme dans Ville-Marie.

Consultez la carte du stationnement tarifé sur rue

Le nombre de places tarifées va-t-il augmenter ?

Très certainement. Pour favoriser la mobilité durable, il faut augmenter le nombre de places tarifées partout à Montréal, de même que les tarifs, croit Laurent Chevrot.

« Le stationnement est le levier le plus puissant pour faire le changement de comportement, affirme-t-il. Si on n’intervient pas sur le stationnement, on a beau mettre les plus belles solutions durables, les gens ne transfèrent pas. À partir du moment où ils ont un stationnement facile à destination, les automobilistes vont continuer à utiliser leur auto. C’est très humain. »

La congestion ne décourage pas les gens, semble-t-il. « On a toujours pensé, dans les politiques publiques, que c’était la congestion qui provoquait le transfert modal, explique M. Chevrot. Mais ce n’est pas vrai : il y a une tolérance à la congestion qui est très forte ; les gens s’habituent. »

Est-ce que Montréal a un objectif de réduction de cases de stationnement ?

Non. Contrairement à d’autres grandes villes, dont Paris qui veut supprimer la moitié de ses 140 000 places de stationnement de surface d’ici 2026, et Bruxelles qui compte en éliminer 65 000 d’ici 2030, Montréal n’a pas l’intention de réduire de façon significative le nombre d’emplacements. Son objectif est de limiter l’utilisation de l’auto, en particulier au centre-ville, en misant sur la hausse des tarifs.

« Quand on va trop vite, trop fort, ça peut générer moins d’acceptabilité sociale, estime M. Chevrot. Mais quand on prend le temps de tout analyser, de tout expliquer, ça passe mieux et il y a moins de marche arrière.

« Je pense que la dynamique générale, c’est qu’il va y avoir de plus en plus de places payantes, qu’elles soient réservées aux résidants par permis ou tarifées à court terme, et de moins en moins de places gratuites, parce qu’elles ont de plus en plus de valeur, poursuit-il. La logique n’est pas de retirer des places pour les retirer, c’est parce qu’on s’en sert pour faire autre chose. »

Ailleurs dans le monde, le stationnement dans la rue est-il plus cher ?

Pas à Toronto, où le tarif moyen est de 2,50 $ l’heure, mais à Paris, oui, c’est beaucoup plus cher. Les prix augmentent de façon exponentielle en fonction du nombre d’heures de stationnement et du secteur de la ville. Dans la zone 1 (du 1er au 11e arrondissement), c’est 6 euros pour une heure, 24 euros pour trois heures et 57 euros pour cinq heures. Le stationnement au même emplacement est limité à six heures.

39,3 millions

Revenus provenant des parcomètres sur la voie publique, en 2021. Ils étaient de 60,1 millions avant la pandémie.

Source : Agence de mobilité durable

Le stationnement 2,0

Si l’Agence de mobilité durable veut décourager l’utilisation de l’auto au centre-ville par la réglementation et par la tarification, elle veut aussi éviter aux automobilistes de tourner en rond. Comment ? En leur disant où il y a des places de stationnement disponibles.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Laurent Chevrot, directeur général de l’Agence de mobilité durable

« À partir du moment où les gens ont fait le choix de venir au centre-ville et de payer le tarif qui est requis, notre rôle, c’est que leur expérience soit la meilleure possible, explique Laurent Chevrot, directeur général. Si on leur donne la bonne information sur les places disponibles, ils vont moins tourner en rond, il y aura moins de congestion et ils feront le meilleur choix. »

Pour y arriver, l’organisme développe une application mobile à partir, notamment, des données provenant de son application P $ Service mobile, utilisée par plus de 500 000 personnes pour payer leur place de stationnement sur leur téléphone intelligent. La nouvelle application, qui ne sera pas offerte avant « deux ou trois ans », donnera une idée des places libres dans la rue, selon le lieu et l’heure de la journée.

« Ce sera des moyennes, précise M. Chevrot. On va vous dire sur ce tronçon de rue, normalement, à l’heure où vous y allez, il y a des chances de trouver des places ou, d’habitude, il n’y en a pas de disponibles. »

L’Agence de mobilité durable mise par ailleurs sur l’augmentation des tarifs pour assurer une plus grande rotation des places. Plus le tarif est élevé, plus il y a de rotation, croit-elle.

« Logiquement, des véhicules sur rue, il faut qu’il y ait du roulement », explique Catherine Morency, titulaire de la Chaire mobilité à Polytechnique Montréal et membre du conseil d’administration de l’Agence de mobilité durable. « C’est pour faciliter l’accès à des services, ce n’est pas pour faire dormir des autos pendant 10 heures. En plus, si on avait tous des petites Smart, on aurait plus de places de stationnement. Si chaque véhicule prend plus de place, on a forcément moins d’espace. »

Et Laval ?

À Laval, la presque totalité des emplacements sur rue et hors rue est gratuite. Et l’offre est abondante : plus d’un demi-million, selon les données publiées dans la Politique du stationnement, en 2019. « Chaque voiture dispose en moyenne d’au moins trois espaces de stationnement, peut-on lire. Le taux d’utilisation moyen des espaces de stationnement sur rue sur l’ensemble du territoire est faible, à environ 20 %. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de Laval, Stéphane Boyer

Laval n’a pas pour autant l’intention de réduire de façon significative ses places de stationnement. « Ce qu’on essaie surtout de faire, c’est d’utiliser le stationnement existant de manière plus intelligente », explique le maire Stéphane Boyer.

Par exemple, lorsque la Ville refait une rue, elle tient compte du taux d’occupation des places de stationnement. Si ce taux est élevé, elle refait la rue à l’identique. Mais s’il est faible, elle étudie la possibilité de concentrer les cases de stationnement d’un seul côté de la rue pour récupérer « un peu d’espace pour faire une piste cyclable, pour faire des trottoirs, pour planter des arbres », précise le maire.

Son administration mise sur l’amélioration de l’efficacité de son réseau de transports en commun pour inciter les gens à se tourner vers le transport actif. « Il ne faut pas être trop dogmatique », dit M. Boyer, qui « préfère la carotte au bâton ».

Et Longueuil ?

De son côté, Longueuil a éliminé 1600 places depuis cinq ans, principalement dans le cadre de projets de mise aux normes des pistes cyclables.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier

« Les gens réclament des pistes cyclables. Ils veulent aussi avoir des rues plus sécuritaires pour les enfants qui se déplacent pour aller à l’école, mais c’est sûr qu’on se heurte au syndrome “pas dans ma cour”, souligne la mairesse, Catherine Fournier. Les gens veulent une piste cyclable, mais ne veulent pas perdre l’espace de stationnement devant leur maison. C’est très humain. On veut tous un peu le beurre et l’argent du beurre. »

Mme Fournier ajoute que Longueuil « part de loin ». « Les villes comme Laval et Longueuil sont des villes qui ont été construites autour de la place de l’automobile, rappelle-t-elle. On a besoin d’avoir notre voiture, surtout pour les déplacements à l’extérieur de notre ville, mais c’est sûr qu’on va essayer de créer plus de services de proximité, du meilleur transport en commun et des aménagements urbains pour permettre aux gens de choisir leur mode de transport. »

983 230

Nombre de véhicules en circulation dans les rues de Montréal, en 2020, soit 45 000 de plus qu’il y a cinq ans.

Source : Société de l’assurance automobile du Québec

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des gens croisés à Montréal nous ont fait part de leur avis sur le stationnement au centre-ville.

« Le stationnement, c’est l’enfer »

La Presse est allée à la rencontre d’automobilistes qui vont au centre-ville en voiture. Certains tous les jours, d’autres de façon très occasionnelle. Voici ce qu’ils avaient à nous dire.

Laurence Labat

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Laurence Labat

« Je viens souvent au centre-ville en voiture. Je tourne en rond pour trouver du stationnement, c’est l’horreur. J’ai mon studio de photographe ici. Effectivement, je pourrais prendre le métro, mais je prends la voiture parce que je transporte du matériel. Donc, j’ai une excuse ! »

Rizwan Rangrej

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Rizwan Rangrej

« Je travaille pour Uber Eats. Il y a de la construction partout. J’ai l’impression que les rues sont plus étroites et qu’il y a plus de monde. Je viens ici pour chercher des commandes et quand je ne trouve pas de stationnement, je reste dans la rue et je mets les clignotants. »

Tania Lichtblau

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Tania Lichtblau

« Je vais au collège Dawson, qui est au début du centre-ville, et j’ai souvent affaire dans le coin. Je préfère venir en auto. Je pense que c’est plus sécuritaire pour moi. Pour trouver du stationnement, ça peut me prendre 15, 20 minutes, parfois. C’est vraiment difficile. »

Jean-François Simard

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Jean-François Simard

« On est partis du Plateau Mont-Royal en voiture. Après 45 minutes de recherche, on a trouvé un petit stationnement. Mais depuis quelques années, je n’utilise à peu près jamais ma voiture. Je fais mes courses à pied. Ma principale dépense de carburant, c’est pour déplacer ma voiture. Le stationnement, c’est l’enfer. La circulation et les travaux, c’est l’enfer à Montréal. »

Yoga Thambi

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Yoga Thambi

« Je fais de la livraison de nourriture pour un restaurant au centre-ville. Je pars de Toronto et je viens ici une fois par semaine. J’appelle mon client et il me réserve un espace de stationnement. À Toronto, c’est encore plus difficile de trouver du stationnement. Il y a plus de congestion, plus de monde et plus de voitures Uber. »

Hoda Xakaria

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Hoda Xakaria

« On habite au centre-ville, mais on utilise rarement la voiture parce que tout est proche. Je suis à l’université. Donc, je pars à pied, c’est plus facile. Le stationnement est très difficile et il y a vraiment beaucoup de monde. Ce n’est pas sécuritaire de rouler en voiture. Et l’hiver, c’est catastrophique avec la neige ! »