Longueuil vient de perdre en Cour d’appel une cause qui l’opposait à Brossard et à Saint-Bruno-de-Montarville. Cette défaite a pour conséquence que Longueuil est maintenant la seule ville du Québec à ne pas pouvoir nommer elle-même son directeur général ou prendre des décisions de routine, comme lancer une campagne d’image.

Pour ces actes, comme pour des dizaines d’autres, elle doit obtenir l’aval d’autres municipalités de l’agglomération, dont elle est la ville centre.

La Ville de Longueuil aurait pu en appeler de la décision de la Cour d’appel ou se tourner vers Québec pour demander un amendement législatif. Mais la mairesse, Catherine Fournier, a plutôt décidé de donner une chance à la collaboration après 20 ans de conflits avec les villes liées.

« Ma philosophie, c’est de dire : si on tend la main, si on installe un climat de confiance, il va y avoir des effets à long terme, explique la mairesse, en entrevue avec La Presse. On fait l’essai et on pourra réviser notre position si les choses ne se déroulent pas comme prévu. Mais je pense qu’on a une belle occasion de bien faire les choses, et c’est au bénéfice des citoyens que nous représentons tous. »

Elle prévient, toutefois : « Si on se retrouve dans un scénario où la situation nous paralyse, j’aurai la responsabilité de revoir la position de la Ville de Longueuil, c’est évident. »

Un cas unique

Pour comprendre ce qui se passe sur la Rive-Sud, il faut remonter loin en arrière, au moment d’un référendum qui a permis à des villes de dire non aux fusions municipales, en 2005. Les municipalités de Saint-Lambert, Saint-Bruno-de-Montarville, Boucherville et Brossard ont alors retrouvé leur statut de ville. À la suite de ces défusions, sur la Rive-Sud et ailleurs au Québec, le gouvernement a instauré des conseils d’agglomération pour assurer la mise en commun de services municipaux.

Dans les petites agglomérations, les conseils municipaux des villes centres ont le pouvoir de prendre des décisions sur des actes mixtes, c’est-à-dire sur des activités ou des services qui touchent à la fois la ville centre et les autres municipalités de l’agglomération. Sauf pour trois villes, Montréal, Québec et Longueuil, où ces actes mixtes doivent être approuvés par le conseil d’agglomération aux deux tiers des voix.

Cette obligation ne pose pas de problème pour les villes de Montréal et de Québec, fortement majoritaires au sein de leur conseil d’agglomération.

En théorie, Montréal et Québec doivent avoir l’approbation du conseil d’agglomération. Ils passent à travers le même processus que Longueuil. La différence, c’est qu’ils n’ont pas à avoir l’aval d’autres villes. Ils ont la possibilité de faire adopter tout ce qu’ils veulent de façon automatique, étant donné leur poids démographique.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Mais ce n’est pas le cas de Longueuil qui, face à Brossard ou à Boucherville, par exemple, n’a pas le poids démographique pour obtenir les deux tiers des voix au conseil d’agglomération.

C’est ce qui en fait un cas unique. Et c’est pour cette raison que le conseil d’agglomération de Longueuil a adopté, en 2007, une résolution donnant à son conseil municipal le pouvoir de prendre des décisions portant sur des actes qui relèvent à la fois de l’exercice d’une compétence de proximité de la ville centre et de l’exercice d’une compétence d’agglomération.

« C’est fini, les chicanes »

Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno-de-Montarville contestaient la légalité de cette résolution depuis 2014.

La Cour supérieure avait donné raison à Longueuil, en 2019. Mais la Cour d’appel a infirmé cette décision le 22 août dernier. Résultat : pour les décisions portant sur des actes mixtes, comme l’embauche du directeur général et du greffier de la ville centre ou encore l’attribution de contrats pour l’entretien de l’hôtel de ville, Longueuil doit avoir l’accord du conseil d’agglomération où, pour atteindre un appui des deux tiers, elle doit obtenir celui d’au moins une ville liée.

Malgré certaines anomalies et certains questionnements, j’ose croire en la bonne foi de mes homologues, mairesses et maires, qui partagent cette volonté de collaboration et qui, déjà, en ont fait la preuve depuis le début de notre mandat, en novembre dernier.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

La mairesse de Brossard, Doreen Assaad, se réjouit de la décision de la Cour d’appel, qui permettra, selon elle, « de belles conversations transparentes » et donnera l’occasion de débattre et de voter sur les dépenses pour lesquelles sa ville paie une partie de la facture. La part du budget de Brossard qui va à l’agglomération est de 50 %.

Mme Assaad constate par ailleurs que le climat a radicalement changé depuis l’arrivée au pouvoir de Catherine Fournier. « La dynamique est bien meilleure, assure-t-elle. C’est fini, les chicanes, il faut passer à une autre étape. »

Quelques dates

1er janvier 2006

Création de l’agglomération de Longueuil

17 décembre 2007

Le conseil d’agglomération adopte, pour une durée de 20 ans, une résolution prévoyant la délégation au conseil municipal de Longueuil du pouvoir de prendre des décisions concernant des actes mixtes sans l’approbation des villes liées.

11 décembre 2014

En conférence de presse, les maires de Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno-de-Montarville affirment que la résolution du 17 décembre 2007 est illégale.

17 décembre 2014

Longueuil dépose une requête à la Cour supérieure pour faire déclarer valide la résolution du 17 décembre 2007. Brossard et Saint-Bruno-de-Montarville demandent, de leur côté, de faire déclarer cette résolution invalide.

5 août 2019

La Cour supérieure donne gain de cause à Longueuil. Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande de Brossard et de Saint-Bruno-de-Montarville en raison d’un délai déraisonnable.

11 septembre 2019

Brossard et Saint-Bruno-de-Montarville font appel de la décision.

22 août 2022

La Cour d’appel donne raison à Brossard et à Saint-Bruno-de-Montarville et déclare illégale la résolution du 17 décembre 2007.

En savoir plus
  • 434 373
    Nombre d’habitants de l’agglomération de Longueuil
    Source : Ville de Longueuil
    251 639
    Nombre d’habitants de Longueuil, 5ville du Québec pour la population
    Source : Ville de Longueuil