Planchers couverts de boue, murs gondolés, meubles détruits : des résidants d’Hochelaga-Maisonneuve inondés mardi soir doivent maintenant réparer les dommages causés par le déluge.

« Ça ne se peut pas. Mes petits-enfants n’ont plus de chambre », dit en sanglotant Manon Desgagnés en s’appuyant sur un mur complètement déformé par l’eau. Elle observe pour la énième fois ce qu’il reste de son sous-sol inondé.

Le plancher noirci jonché de peluches sales, des fils électriques trempés, des vêtements d’enfants éparpillés dans toutes les pièces. « C’est le chaos. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Manon Desgagnés, constatant les dégâts dans sa résidence, mercredi

Mme Desgagnés était dans sa salle de bains à l’étage mardi soir. Des bruits inhabituels provenaient du sous-sol et des toilettes. Elle s’est précipitée en bas avec sa fille. Il était déjà trop tard. Le niveau d’eau montait à toute vitesse. Elles n’ont pu sauver que les matelas.

« L’eau a défoncé la porte. C’était comme des grosses chutes dans la cave. Je me suis dit que pour que ça défonce la porte, pour moi, ce n’est pas une petite pluie normale », décrit-elle en s’essuyant les yeux.

Elle habite ce bâtiment de la rue Nicolet depuis une dizaine d’années. Sa fille – mère seule de trois enfants de 5, 10 et 14 ans – réside en dessous.

On est locataires et on n’a pas d’assurance. On ne sait pas comment on va faire.

Manon Desgagnés

Le groupe Qualinet, spécialisé en nettoyage après sinistre, est d’ailleurs bombardé d’appels depuis mardi soir, confirme l’entreprise par communiqué.

« Ç’a été très rapide »

La famille Desgagnés n’est pas la seule à subir les conséquences des averses. Entre les dégâts d’eau et les sous-sols inondés, de nombreux habitants d’Hochelaga-Maisonneuve ne savaient plus où donner de la tête mercredi matin.

Des résidences et des commerces ont été touchés par les 56 millimètres de pluie qui se sont abattus sur la région de Montréal en l’espace de quelques heures.

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Félix Tousignant dans son sous-sol endommagé par les pluies diluviennes de mardi

Félix Tousignant et Chantal Lanthier n’en reviennent pas. « Il y avait quatre pieds d’eau dans le sous-sol. Ç’a été très rapide. En une heure, les pompiers n’avaient pas pu tout pomper », explique Mme Lanthier, bottes de pluie aux pieds.

Elle et son mari ont pu sauver les instruments de musique entreposés dans la cave de leur logement de la rue Adam. Sauf la batterie éventrée, qui trône au milieu d’un petit studio insonorisé. Dans les pièces adjacentes, le divan brunâtre et le lit sont imbibés d’eau.

Les toilettes, la chambre de leur fille, la salle de musique : tout est à refaire. Dans le sous-sol où règne une odeur de brûlé, le plancher est complètement recouvert de terre, de vêtements et de détritus.

PHOTO FOURNIE ÉTIENNE BOUCHARD-LAMONTAGNE

Cour inondée près de la rue Nicolet, dans Hochelaga-Maisonneuve

Le couple se considère tout de même comme chanceux. « Nous sommes assurés et je suis un bricoleur. On va pouvoir se débrouiller. Beaucoup de gens sont encore plus mal pris », estime M. Tousignant.

Il se demande tout de même s’il devrait réaménager son sous-sol en prévision d’un autre déluge.

« Les égouts de la Ville n’ont pas résisté au torrent. Je me dis que ça pourrait se reproduire. »

Un organisme perd ses denrées

« Les pluies [de mardi] soir, c’était du jamais vu », raconte le directeur général de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve, Benoist de Peyrelongue.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Benoist de Peyrelongue, directeur général de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve, fait le tri des denrées qui doivent aller aux ordures.

L’organisation distribue fruits, légumes et denrées à sept organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire.

« On voyait les plaques d’égout se surélever. Pour faire sauter les clapets du toit, la pression devait être intense. »

Il a rapidement vu le niveau de l’eau monter jusqu’à trois pieds.

La priorité pour les pompiers était de s’occuper des sous-sols habités. Si bien qu’au lendemain du déluge, il avait toujours les pieds dans l’eau.

Environ 300 familles n’auront pas leur panier de nourriture cette semaine. On a perdu une grosse partie de notre stock.

Benoist de Peyrelongue, directeur général de la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve

Son regard se pose sur une vaste chambre froide, où se trouvaient divers légumes jusqu’à tout récemment. « 600 kg ! À la poubelle ! », se désole-t-il.

Il prévoit revoir le drainage du toit. Mais ces changements d’infrastructure demandent du financement pour un organisme comme le sien.

Il lâche un profond soupir en regardant les bacs de laitues et de radis trempés dans l’eau. « La moitié va partir à la poubelle. On a réussi à sauver les tomates et les conserves. »

Le bâtiment sera nettoyé et les activités reprendront un jour. « Mais on a comme une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. On ne sait pas comment se préparer au prochain déluge. Il faudra s’adapter », conclut M. de Peyrelongue.