Ils étaient naguère très présents au centre-ville de Montréal, mais ont progressivement disparu durant la pandémie de COVID-19. Avec la popularité du télétravail et les tours de bureaux beaucoup moins pleines, les camions de cuisine de rue, ou food trucks, ont changé de modèle d’affaires. La plupart se tournent maintenant vers les évènements privés, au détriment des rues de la métropole.

« Surtout au centre-ville, Montréal est de plus en plus délaissé par nos membres. Ils sont maintenant très occupés avec les évènements privés, les festivals. Les gens ne sont pas retournés au bureau en nombre, donc ce n’est pas rentable pour les food trucks de sortir de façon hyper régulière dans les rues de la ville », explique la vice-présidente de l’Association des restaurateurs de rue du Québec (ARRQ), Gaëlle Cerf.

Elle affirme que l’industrie se porte malgré tout « très bien ». « On a fait beaucoup de recrutement, on est rendus à au-delà de 550 évènements privés. C’est le double d’activités par rapport à 2021. Ça donne vraiment accès à des clientèles différentes, plus sûres financièrement », évoque la femme d’affaires.

À ses yeux, les camions reviendront au centre-ville « quand les gens y reviendront vraiment ». « Ça sera vraiment intimement lié à ça. Il faut que l’on continue de dynamiser le centre-ville. Nous, on surveille la situation, et on garde les canaux de communication ouverts avec la Ville », insiste Mme Cerf.

On voit clairement que la cuisine de rue est en train d’évoluer. Tout le monde a besoin d’atteindre un certain seuil de rentabilité. Les priorités commerciales, ce sont les festivals, le corporatif. Et ensuite, s’ils ont un trou au calendrier, ils vont aller faire des sorties en ville.

Gaëlle Cerf, vice-présidente de l’ARRQ

Une ville « de moins en moins » intéressante

Dès le début de la journée, l’équipe de Benoit Dessureault s’active à préparer son camion de cuisine de rue. Au passage de La Presse, des employés remplissent et garnissent l’intérieur du camion. Le propriétaire de la « Delmobile » — le camion du restaurant Chez Delmo — doit se rendre en après-midi dans un évènement privé tenu par une école, pour la rentrée scolaire. Le commerçant constate lui aussi que le modèle de l’industrie change.

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Benoit Dessureault prépare la « Delmobile », son camion de cuisine de rue.

C’est de moins en moins intéressant en ville. C’est très aléatoire, on ne sait pas combien on va vendre de produits. Et surtout, on doit par règlement se stationner là où les pancartes de la Ville le prévoient, sauf que ça arrange plus la Ville que les camions.

Benoit Dessureault, propriétaire du restaurant chez Delmo

« Ces règles qu’on nous impose ne sont souvent pas conscientes de nos réalités. Sur Notre-Dame, par exemple, ils ont mis l’an passé les lieux de cuisine de rue sur le côté gauche, en direction est. Il fallait donc garder le camion avant le parc, à l’ouest de Place-d’Armes. Sauf que ça fait en sorte que la fenêtre de service, elle se retrouve dans le trafic. Pour nous, c’est inutilisable. Cette année, on n’a fait aucune sortie dans la ville, en grande partie à cause de ça », fait valoir M. Dessureault.

Il dit trouver « dommage » que Montréal n’ait pas cherché davantage à consulter l’industrie au cours des dernières années, afin de trouver des solutions concrètes.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Un employé du food truck de Chez Delmo remplit le camion.

« Je fais affaire avec bien d’autres municipalités, et ce n’est vraiment pas comme ça. On nous demande plutôt quel est le meilleur emplacement pour avoir la meilleure dynamique de food truck possible, et après, on s’ajuste en conséquence. À Montréal, je me fais imposer des règles qui n’ont rien à voir avec la dynamique de la cuisine de rue », poursuit le propriétaire.

« Opportunités intéressantes »

Au comité exécutif de la Ville, le responsable du développement économique, Luc Rabouin, affirme que la Ville continue de collaborer avec les partenaires, dont l’ARRQ, « afin de trouver les meilleures solutions pour les soutenir ».

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Luc Rabouin

Nous comprenons qu’ils saisissent des opportunités intéressantes, comme la participation à des évènements privés, et nous sommes régulièrement en discussion avec l’association afin que la population puisse continuer de profiter de la présence des food trucks durant la saison estivale.

Luc Rabouin, responsable du développement économique et commercial au comité exécutif de la Ville de Montréal

En règle générale, la gestion de la cuisine de rue est déléguée aux arrondissements. Dans Ville-Marie, l’arrondissement mandate l’ARRQ pour gérer la cuisine de rue. Pour la saison 2022, qui s’étend du 16 avril au 31 octobre, quatre sites sont réservés aux camions de cuisine de rue.

Au centre-ville, les camions doivent en effet se stationner à des endroits précis. Ils ont le choix entre le monument à sir George-Étienne Cartier, sur l’avenue du Parc, la place d’Armes, du côté nord de la rue Saint-Jacques, la place du Canada, rue de la Cathédrale au sud-ouest de René-Lévesque, ou encore le parc Jos-Montferrand, du côté est de la rue Frontenac.