L’arrivée prochaine d’une nouvelle école francophone à Mont-Royal continue de provoquer des remous, alors que le maire Peter Malouf refuse toujours de donner l’heure juste aux citoyens. Dans la municipalité, une rumeur persistante voulant que ce nouvel établissement scolaire s’installe sur le terrain d’un parc préoccupe bon nombre de résidants, qui s’inquiètent de perdre un « poumon vert » particulièrement important pour les plus vulnérables.

« Il faut préserver tous nos espaces verts. On ne peut pas se permettre de perdre un espace vert d’une telle envergure. Non, il faut retourner à la source de la demande, et mener une vraie étude pour identifier les vrais besoins », estime la conseillère indépendante du district 2 de la Ville de Mont-Royal, Maryam Kamali Nezhad.

Voilà plus d’un an que des discussions ont lieu dans cette municipalité de 22 000 habitants au sujet de l’arrivée d’une nouvelle école primaire francophone. La ville, frappée par un bouleversement démographique qui a engendré un nombre important de nouveaux élèves francophones, en est venue à la conclusion qu’elle devait se doter d’une quatrième école primaire pour accueillir cette jeune clientèle.

Une solution a été lancée dès le départ : construire cette école sur un terrain adjacent à l’école Dunrae Gardens, établissement primaire anglophone. Cet espace, propriété de la commission scolaire English-Montréal (CSEM), a toutefois été écarté depuis. Selon nos sources, c’est aujourd’hui le parc Ernest-B.-Jubien qui serait considéré comme le lieu le plus « propice » pour accueillir la nouvelle école.

Des citoyens qui s’impatientent

Un groupe d’environ 900 citoyens a déposé ces dernières semaines une pétition s’opposant à la construction d’une école au parc Ernest-B.-Jubien, considéré comme un « poumon vert ».

« La disparition de ce parc toucherait énormément de gens dans le secteur, et surtout des gens plutôt défavorisés par rapport aux autres secteurs. Il y a un centre de personnes âgées, des locataires en appartements, un CHSLD, donc beaucoup de gens qui utilisent le parc et pour qui c’est une valeur essentielle au quotidien », affirme la porte-parole des signataires de la pétition, Françoise Le Gris.

Son groupe et elle-même proposent d’ailleurs une « solution de rechange » à l’administration : le 1000, chemin Lucerne, soit le terrain d’une ancienne synagogue qui doit bientôt être démolie.

C’est déjà zoné institutionnel. C’est le lieu idéal en ce moment, qui ne sacrifierait pas un espace vert, et qui ne priverait pas les gens d’îlots de fraîcheur dans un contexte de crise climatique.

Françoise Le Gris, porte-parole des signataires de la pétition s’opposant à la construction d’une école au parc Ernest-B.-Jubien

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Le 1000, chemin Lucerne

Mme Le Gris déplore de surcroît que l’administration « garde la population dans le noir » au sujet de ses intentions. En juin, en pleine séance du conseil, le maire Peter Malouf avait promis aux citoyens de donner des réponses sur le lieu choisi d’ici quelques semaines, ce qui n’a pas encore été fait. « Il y a un comité de gestion derrière le dossier dont on ne connaît même pas les membres ni le mandat. Tout est flou. On est dans des procédures vraiment étranges de part et d’autre. La réalité, c’est qu’il n’y a pas de besoin des résidants pour une école », tranche-t-elle.

Un choix « extrêmement politique »

Maryam Kamali Nezhad estime que la démarche de l’administration est « extrêmement politique ». « Ils veulent un choix simple et rapide, pour ensuite dire à la prochaine campagne électorale qu’ils ont livré l’école. Mais il faut se poser la question : le besoin vient-il des zones autour comme Côte-des-Neiges, comme Saint-Laurent ? Si oui, imaginez la circulation que ça va amener dans nos quartiers », s’inquiète-t-elle.

Aucune décision n’est encore « officiellement arrêtée », affirme toutefois le maire Peter Malouf, qui dit avoir étudié pas moins de « 17 scénarios » avec le centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB), l’éventuel gestionnaire de la nouvelle école. « Il faut travailler avec les priorités du centre de services pour le type de site. Ce n’est pas quelque chose qui est facile à déterminer. […] Moi, je fonctionne sur les faits, pas sur les émotions », affirme M. Malouf.

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Le maire de Mont-Royal, Peter Malouf, en novembre 2021

« On vise le bénéfice des enfants. Actuellement, on a des jeunes qui sont dans des roulottes et qui n’ont même pas de cour pour aller jouer. Il faut qu’on trouve une place pour eux, c’est ça, la priorité », répond aussi le maire, qui reproche aux « militants » de « s’attaquer systématiquement » à son administration.

M. Malouf dit avoir étudié le dossier « de fond en comble ». « On sait combien d’enfants vont venir de Mont-Royal, combien de l’extérieur, on regarde tout ça en profondeur. Et on sera en mesure de partager toute notre analyse avec les citoyens éventuellement », assure-t-il, sans s’avancer sur une date précise. Il ajoute toutefois, en fin d’entretien : « N’oubliez pas qu’il y a une élection le 3 octobre, et il faut qu’on sache avec qui on va faire affaire. »