Premier jalon, mais encore des questions. Montréal a annoncé lundi qu’un projet « 100 % » consacré à du logement abordable verra le jour sur le site de l’ancien hippodrome, dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. La Ville veut transformer l’endroit en un « écoquartier » qui pourrait à terme accueillir 6000 logements.

Un appel de projets sera lancé d’ici quelques semaines afin de doter ce vaste terrain, près du métro Namur, d’environ 200 logements sociaux et abordables d’ici 2025. La Ville compte vendre une parcelle du terrain à un groupe communautaire en habitation. « On demande à tous les organismes à but non lucratif qui sont actifs en habitation de préparer leur proposition », a expliqué le responsable de l’habitation, Benoit Dorais.

Il affirme que la Ville veut « tester de nouveaux modèles d’attribution de terrain ».

La Ville va être plus accessible et agile que jamais.

Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation

Le projet « Namur-Hippodrome » devait initialement accueillir plus de 8000 logements, mais cette cible a depuis été revue à la baisse par la Ville, autour de 6000. La mairesse Valérie Plante a souvent décrit le projet comme « l’anti-Royalmount ».

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La mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Gracia Kasoki Katahwa, le responsable de l’urbanisme au comité exécutif, Robert Beaudry, et le vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation, Benoit Dorais, sur le site de l’ancien hippodrome, lundi.

Montréal dit viser à obtenir « une diversité de logements », allant d’unités « de petite taille à des logements de très grande taille ». Dans une déclaration, Mme Plante a indiqué lundi que « le lancement de ce premier appel de projets contribuera à l’atteinte des cibles ambitieuses ».

« En dédiant un premier terrain à une offre de logements 100 % abordables, nous témoignons de notre engagement à assurer la qualité de vie des Montréalais et des générations futures. La mobilisation des organismes à but non lucratif est une étape essentielle pour répondre aux besoins en matière de logements sociaux et abordables », a-t-elle insisté.

Construire « encore et encore »

L’avenir du site de l’ancien hippodrome fait l’objet de débats depuis des décennies à Montréal. Aucun cheval n’y a couru depuis 2009. Les bâtiments de l’hippodrome ont été démolis en 2018.

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Le site de l’ancien hippodrome, dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

Au fil du temps, trois administrations municipales se sont succédé : de Gérald Tremblay à Valérie Plante en passant par Denis Coderre, aucune n’a encore concrétisé de projet.

Dès 2019, la Ville de Montréal, à qui Québec a cédé les terrains de l’ancien hippodrome en 2017, avait dévoilé sa vision du grand secteur Namur-Hippodrome de 95 hectares au total. Valérie Plante et son équipe rêvent d’en faire un quartier carboneutre qui accueillerait plus de 12 000 unités d’habitation, dont 6000 seulement sur l’ancien site de Blue Bonnets.

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Le site de l’ancien hippodrome, dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

« On vit aujourd’hui un moment marquant », a de son côté avancé la mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Gracia Kasoki Katahwa, parlant de « milliers de logements » abordables qui seront bientôt disponibles pour la population. « On ne refera pas les erreurs du passé », a-t-elle assuré, en garantissant l’arrivée d’un « milieu de vie » réunissant des parcs, des écoles et des infrastructures communautaires.

M. Dorais, lui, affirme que la Ville veut cette fois avancer pour de bon.

On veut réussir à répondre à deux crises : la crise climatique et la crise du logement.

Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation

« Le nerf de la guerre, c’est certainement de construire, de construire et de construire encore du logement abordable, et surtout de s’assurer que ces logements demeurent abordables dans le temps », a-t-il affirmé.

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme au comité exécutif, a assuré que plusieurs mesures seront prévues pour atténuer les polluants au cours de la construction. Un plan directeur d’aménagement est d’ailleurs en cours d’élaboration pour tout le secteur, et devrait voir le jour en 2024, a-t-il renchéri.

« Ça ne doit surtout pas s’arrêter là »

La porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, s’est réjouie de l’annonce de la Ville.

« Cela dit, ça ne doit surtout pas s’arrêter là compte tenu de l’ampleur des besoins, notamment pour les familles de Côte-des-Neiges qui sont condamnées à vivre dans trop cher, trop petit et trop souvent insalubre », a-t-elle insisté.

Ce site est un terrain public que la population a déjà payé plusieurs fois. Il devrait être réservé 100 % pour des projets de logements sans but lucratif, hors marché privé, hors logique spéculative.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Au Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-MTL), le responsable des dossiers d’urbanisme, Blaise Rémillard, salue aussi la volonté des autorités, mais souligne que plusieurs questions restent encore en suspens.

« Il faut voir dans quel ensemble ça va s’inscrire. Deux cents logements, c’est une fraction de l’ensemble du site. Et pour l’instant, ça va être situé entre un terrain vague et une mer de stationnement. On y croit, mais développer un projet pareil, c’est excessivement difficile avec tant de nuisances », rappelle-t-il.