Un projet résidentiel crée des remous à l’ouest de Montréal, à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot. En cause : son emplacement. Il se situera près d’une usine produisant et nettoyant des toilettes portatives, ce qui fait craindre à l’entreprise qui l’exploite des problèmes de cohabitation avec les futurs résidants.

La Ville plaide la nécessité d’agir pour offrir du logement. « Oui, c’est un gros projet, mais c’est quelque chose qui est souhaité par la population. Notre ville compte très peu de locataires, et c’est important d’offrir du logement, entre autres pour les jeunes qui veulent rester. Il y aura aussi un édifice voué au troisième âge. Le développement répond réellement à la demande des citoyens », affirme la mairesse de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, Danie Deschênes.

Le projet initial a été présenté il y a plus de deux ans. Cet automne, la construction d’un millier de logements – condos, maisons de ville, appartements – doit être lancée. Un projet de zonage autorisant la construction a d’ailleurs été adopté par le conseil municipal en juin. L’entièreté des coûts associés au chantier sera assumée par le promoteur, le groupe Farand.

Les logements, au sud de l’avenue Forest devant la rue du Pinacle, seront tout près de l’usine de Sanivac, grand fournisseur de toilettes portables dans le Grand Montréal, qui dit s’y être installé en raison de la nature « industrielle » du quartier.

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Terrain boisé où est prévu un projet résidentiel à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot

« Le projet immobilier représente un risque majeur quant au vivre-ensemble dans le secteur », affirme le PDG de Sanivac, Vincent Kelly, dans une lettre envoyée à la Ville ces derniers jours. Il déplore que bien que le futur quartier du développement soit zoné « résidentiel », il jouxte une zone industrielle. Dans l’entourage de l’entreprise, on dit craindre un « prochain Sanimax », en référence au conflit opposant l’entreprise à l’administration Plante dans Rivière-des-Prairies.

Près de 200 camions en transit

Jour et nuit, toute la semaine, plus de 325 employés avec près de 200 camions font « transit[er] un parc de 9500 toilettes sèches » sur le site adjacent au futur quartier résidentiel, « et y transbordent des quantités très importantes de boues liquides et de boues solides », insiste M. Kelly.

Le bruit, la lumière et les odeurs générés par les activités industrielles de l’entreprise doivent être considérés dans le contexte de la demande de permis du promoteur en cause.

Vincent Kelly, PDG de Sanivac

« Il appert des plans du promoteur immobilier que des édifices d’appartements de cinq étages avec des terrasses aménagées sur les toits seront directement adjacents aux installations de Sanivac, et ce, sans aucune zone tampon. Cette situation est préoccupante et il serait déraisonnable que la Ville y donne son aval », insiste le PDG.

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L’usine de Sanivac à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot

Mme Deschênes, elle, assure que la Ville a tout prévu. « On n’est pas bêtes, on va prévoir des mesures pour préserver l’intimité de tout le monde, avec une gestion du bruit et des odeurs. Il y a déjà des mesures que le groupe Farand est en train de préparer », explique-t-elle, en évoquant justement une éventuelle « zone tampon » entre les résidences et l’activité industrielle.

La Ville a le feu vert

En décembre prochain, un règlement de contrôle intérimaire (RCI) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) – entériné par Québec en juin – entrera en vigueur. Il protégera au total 12 367 hectares de milieux naturels supplémentaires, portant le total à 53 435 hectares faisant l’objet de mesures de conservation, ce qui équivaut grosso modo à l’île de Montréal.

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Installations de Sanivac à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot

Dans sa missive, Sanivac affirme que le territoire visé par le développement de la Ville a justement « été reconnu par la CMM comme étant un milieu terrestre d’intérêt métropolitain devant être protégé de tout développement ».

En fait, l’administration de la mairesse Deschênes est habilitée à procéder, confirme la porte-parole de la CMM, Julie Brunet. « On ne peut pas faire en sorte que du jour au lendemain, il n’y a plus rien qui se développe. On laisse un délai aux villes pour finir de gérer les projets qu’ils ont déjà mis en branle avec des entrepreneurs. Ici, si l’entente était déjà en cours, ils ont le droit de la respecter », explique-t-elle.

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La construction d’un millier de logements doit être lancée cet automne.

Plusieurs autres municipalités se trouvent dans cette situation, à travers le Grand Montréal. « Notre RCI, c’est vraiment pour le futur qu’on le fait, pour que le développement se stabilise à long terme. Ça pourrait donc prendre encore un peu de temps avant qu’on en voie l’effet complet », illustre Mme Brunet.

Sanivac accuse aussi la Ville de construire sur un territoire « adjacent à l’habitation de la rainette faux-grillon », une espèce menacée au Canada et vulnérable au Québec. « La rainette, à ma connaissance, ça fait longtemps qu’il n’y en a plus directement sur le site. Cela dit, il y a des zones humides sur le terrain, et qui seront préservées. Elles vont demeurer et être intégrées », rétorque la mairesse Deschênes.