Durement touché par les travaux sur le boulevard Saint-Laurent, un restaurateur déplore l’absence de soutien de la Ville de Montréal. Devant « l’ampleur des dommages causés à la rue et au trottoir », le propriétaire du Darbar dit avoir été contraint de fermer de manière temporaire. Et il n’est pas le seul à subir des contrecoups dans le secteur.

« Nous sommes fermés depuis deux semaines maintenant, et je crains que de rester fermés plus longtemps, ça nous oblige à fermer définitivement », résume Simar Anand, qui possède le Resto Darbar, un restaurant indien situé sur le boulevard Saint-Laurent, entre les rues Ontario et Sherbrooke.

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Travaux de réhabilitation d’une large conduite d’eau sur le boulevard Saint-Laurent

Depuis le début de juillet, la Ville y mène des travaux de réhabilitation d’une large conduite d’eau. La situation engendre des entraves importantes à la circulation. Ces travaux, qui ne devraient pas se terminer avant la fin de septembre, « ont complètement chamboulé mes activités », affirme M. Anand.

« Chaque jour, je recevais de moins en moins de réservations, et donc de clients. C’est tranquillement devenu très inaccessible dans le secteur, surtout pour les personnes avec des enjeux de mobilité. Et franchement, aujourd’hui, plus personne ne veut venir s’asseoir ici avec tout le bruit que ça cause. Ça n’avait plus de sens financièrement de rester ouvert », dit-il.

Sur fond de COVID-19

Le commerçant dit comprendre que la Ville doive procéder à des rénovations d’infrastructures, mais déplore de n’avoir jamais été consulté pour « minimiser les impacts ».

Même la pandémie, qui a été excessivement difficile pour tout le monde, n’a pas eu raison de mon restaurant, qui est très bien installé dans la communauté. Là, j’ai 11 personnes sans emploi en raison de la situation.

Simar Anand, propriétaire du Resto Darbar

Son père — qui a fondé ce restaurant il y a 26 ans – s’est éteint en raison de la COVID-19 durant la première vague de la pandémie, à l’âge de 57 ans. « Je veux poursuivre l’héritage de mon père. Je veux continuer. Mais présentement, je ne peux pas », lance l’homme d’affaires.

« On ressent beaucoup d’impacts », confirme Lorena Castillo, propriétaire du salon de massothérapie Maya Lorenn, situé tout près. « Normalement, j’ai plus de 20 rendez-vous par jour au salon. Là, aujourd’hui encore, avec le blocage de la rue, j’en ai seulement eu quatre. J’ai 12 employés, mais actuellement, j’alterne à raison d’un seul par jour. C’est le mieux que je peux faire », explique-t-elle.

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Trottoir barré sur le boulevard Saint-Laurent

Voisine du Resto Darbar, la gérante du magasin Famaliving Montréal est moins durement touchée, puisqu’elle se situe au coin de Saint-Laurent et d’Ontario — à la limite du début des travaux. « Les gens ont toujours accès à nos portes. C’est juste par chance qu’on survit en ce moment », ironise Mélanie Smith.

« On passe à travers, mais honnêtement, c’est plate et c’est dommage pour nos clients. C’était beaucoup plus facile l’été passé, c’était plus accessible », poursuit Mme Smith.

Les problèmes de stationnement sont encore pires que l’an dernier.

Mélanie Smith, gérante du magasin Famaliving Montréal

Pas « pour le plaisir », dit Montréal

En 2020, la mairesse Valérie Plante avait annoncé le report de 20 des 64 chantiers majeurs de la Ville de Montréal pour « donner du répit » aux commerçants, qui étaient alors durement fragilisés par la pandémie de COVID-19. L’expérience n’a toutefois pas été répétée cette année.

Le cabinet de Mme Plante se dit « conscient que les travaux causent des désagréments ». « On s’efforce de les limiter le plus possible. Nous ne faisons évidemment pas de travaux pour le plaisir. Nous parlons ici d’une situation qui implique des travaux d’aqueduc et de remplacement d’une entrée d’eau au plomb. Malheureusement, ces travaux doivent être effectués pour éviter un bris d’aqueduc et pour la santé et le bien-être des citoyens », affirme l’attachée de presse Marikym Gaudreault.

Montréal dit être en contact avec les propriétaires et promet de proposer différentes solutions afin de les accompagner pendant la durée des travaux et pour limiter les impacts sur leurs activités. Des agents de liaison sont d’ailleurs disponibles « pour régler tous problèmes pouvant survenir en lien avec les travaux ». « Nous allons continuer d’être à l’écoute de nos commerçants », conclut Mme Gaudreault.

Dans l’opposition, le conseiller Julien Hénault-Ratelle souligne que « c’est loin d’être la première fois que des commerçants déplorent le manque d’écoute de l’administration ». « Cette dernière a beau dire qu’elle est au fait des embûches causées par les chantiers, rien ne change. Pas même la réforme du programme Chantiers majeurs bonifié en 2021 et toujours aussi dysfonctionnel que depuis sa création par Projet Montréal. Alors que nos commerçants en arrachent, plus de 20 millions de dollars dorment dans ce fonds », lance-t-il.