(Montréal) Une dizaine de manifestants ont planté leurs tentes au bord du canal de Lachine samedi, à quelques mètres de l’activité d’initiation au camping organisée par Parcs Canada, pour dénoncer le démantèlement des abris de fortune. Mais contre toute attente, les deux camps se sont entendus.

Ici, un groupe d’amis revient d’une sortie de kayak. Là, une jeune famille se prépare à passer une première nuit en plein air.

Et quelques mètres plus loin, des manifestants qui voulaient souligner l’ironie de l’activité, alors que des personnes en situation d’itinérance voient régulièrement leurs campements démantelés, à Montréal.

L’activité en question : une initiation au camping organisée par Parcs Canada, qui s’est entamée samedi sur la berge des Coursiers. Un premier évènement programmé en juillet avait été annulé sous le feu des critiques.

« Chaque jour, il y a des démantèlements qui se passent. Mais quand Parcs Canada fait une activité de camping, il n’y a pas de problème », déplore l’intervenante en itinérance Annie Archambault, qui a organisé la manifestation.

« Après, ils se retirent encore plus »

Autour d’elle, une dizaine de tentes ont été érigées. Parmi les campeurs, Maryse Tanguay et sa petite famille, qui ont fait la route depuis Lévis pour l’occasion.

« Quand j’ai vu ça, j’étais outrée. Honnêtement, j’étais scandalisée », dit la femme, qui a travaillé quelques années comme intervenante de rue.

Chasser les personnes en situation d’itinérance les rend seulement plus vulnérables, plaident les manifestants.

« Quand on parle de campement, ce n’est pas 50 tentes à la même place. Souvent, c’est une personne seule dont la tente va se faire démanteler. Après, ils se retirent encore plus. On est moins capable d’avoir accès à ces gens-là et de les aider », fustige Mme Archambault.

De la sensibilisation au lieu d’une manifestation

Mais contre toute attente, les deux camps se sont entendus. En après-midi, un dialogue s’est ouvert entre les manifestants et Parcs Canada, qui leur a offert de s’installer sur leur terrain.

« On leur a proposé de donner un atelier de sensibilisation et d’éducation. Ils vont venir après l’atelier de feu discuter avec les participants », a indiqué Simon St-Germain, responsable du programme d’initiation plein-air.

De son côté, Annie Archambault a salué l’écoute de Parcs Canada.

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Annie Archambault

Ils sont venus s’asseoir avec nous pour savoir comment aider et appuyer la cause. Ça a fini super bien, dans l’éducation et la sensibilisation. Et c’est ça, le but.

Annie Archambault, intervenante en itinérance

La jeune femme ne montre pas le même optimisme envers la Ville de Montréal, qui se « déresponsabilise toujours » de cet enjeu.

« Ils ont une ouverture, mais ça n’efface pas le passé. Je pense que les gens en situation d’itinérance qui se sont fait enlever leur campement sont encore amers », croit pour sa part Maryse Tanguay.

« Pas du camping de luxe »

Sur le terrain de Parcs Canada, Omar Hadjar prépare tranquillement ses deux petites filles pour le dodo. C’est la première fois qu’elles dormiront en plein air.

« Pour l’instant, elles aiment ça, mais elles n’ont pas encore passé la nuit. On verra après ! », rigole-t-il.

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Parcs Canada y organise une initiation au plein air dans un parc au bord du canal de Lachine où aura aussi lieu une manifestation de soutien aux itinérants aujourd'hui

Intrigué par le camp voisin, le père de famille s’est dit disposé à participer à l’atelier organisé par les manifestantes.

« Ce n’est pas simple, parce qu’on leur dit de partir, alors qu’on installe des tentes. Ce n’est pas pour les mêmes raisons, mais je comprends. Le timing n’est pas idéal », remarque-t-il.

Simon St-Germain tient à le souligner : « Ce n’est pas du camping de luxe. »

Au coût de 108 $, la participation à l’évènement couvre aussi des activités d’initiation à la pêche, au kayak et au yoga.

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Simon St-Germain

Pour nous, c’est important que les gens viennent s’initier ici, parce que ce n’est pas vrai que les gens vont faire trois heures de route pour voir s’ils aiment le plein air ou le camping. On leur offre la possibilité de le faire à proximité de la maison dans un contexte très sécuritaire.

Simon St-Germain, responsable du programme d’initiation plein-air de Parcs Canada

M. St-Germain ajoute que Parcs Canada tolère les personnes en situation d’itinérance au canal de Lachine, « dans la mesure où ça demeure sécuritaire, propre et qu’on n’a pas besoin du terrain ».

Montréal procède de temps à autre au démantèlement de campements de fortune, notamment pour contrer les risques d’incendie. Le 13 juillet, un tel campement a été démantelé rue Notre-Dame. La semaine dernière, la municipalité a publié une offre d’emploi pour un « agent de liaison en itinérance » dont le mandat « consiste à coordonner les actions à prendre lors d’éviction ou de démantèlement des abris temporaires, campements et tentes sur le domaine public et privé », tout en redirigeant les campeurs vers des organismes de soutien. Cette annonce avait été critiquée par des intervenants du milieu communautaire.

Avec La Presse Canadienne