Montréal serre la vis à Sanimax, dont l’usine située dans Rivière-des-Prairies continue de susciter l’ire des citoyens en raison des odeurs nauséabondes. L’entreprise devra bientôt entreposer les matières animales dans un bâtiment et ne pourra plus la conserver à l’extérieur, a appris La Presse.

« Sanimax ne pourra plus continuer à faire attendre ses camions en plein ciel ouvert. Ça veut dire qu’ils devront avoir un garage pressurisé, avec des épurateurs d’air. Ils ne pourront plus laisser la matière animale dans la rue. C’est majeur, car c’est l’une des grandes causes des odeurs », explique la vice-présidente du comité exécutif et mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Caroline Bourgeois.

Cette nouvelle mesure découle en fait d’un règlement « sur les rejets à l’atmosphère », adopté à la mi-juin par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). À Montréal, les effets du règlement viseront surtout et spécifiquement Sanimax, ont indiqué des sources municipales bien au fait du dossier.

Le règlement exige notamment que « l’ensemble des activités liées à l’entreposage de la matière animale destinée à une usine d’équarrissage se déroule dans un bâtiment », et interdit du même coup « toute forme de conservation de la matière animale à l’extérieur d’un bâtiment ».

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L’usine de Sanimax est située dans l’est de Montréal, sur le boulevard Maurice-Duplessis, tout près de quartiers résidentiels.

« On vient forcer l’entreprise à se doter d’installations adéquates pour respecter la réglementation », illustre Mme Bourgeois. « Quand tu as une file de camions qui attendent en bordure du boulevard Maurice-Duplessis, à quelques pas des quartiers résidentiels, ça ne peut pas fonctionner », ajoute Mme Bourgeois.

Moins de batailles juridiques

Dans le règlement de la CMM, les autorités viennent aussi « déterminer les méthodes de prélèvements, d’analyse et de calcul d’un polluant de l’atmosphère », précisant au passage les documents qui doivent être fournis aux autorités pour demander un permis de rejets dans l’atmosphère. Enfin, le règlement vient « baliser les conditions de suspension et de révocation » de ce type de permis, et ajoute une série d’activités industrielles dans la catégorie « usine d’équarrissage ».

Mme Bourgeois espère que ces nouveaux éléments permettront d’éviter « des batailles juridiques d’interprétation ».

Que ce soit avec Sanimax ou d’autres, on se retrouve souvent avec des débats devant les tribunaux, ce qui n’aide en rien le citoyen qui aspire à une qualité de l’air.

Caroline Bourgeois, vice-présidente du comité exécutif et mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles

« On veut donc clarifier ces enjeux d’interprétation. Et ce sont des outils supplémentaires pour le faire », indique la mairesse d’arrondissement.

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Caroline Bourgeois, vice-présidente du comité exécutif et mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles

À la CMM, la porte-parole Julie Brunet précise que le règlement touche toute l’agglomération de Montréal au sens large et qu’il s’appliquera aussi à d’autres entreprises. « Il n’avait pas été mis à jour depuis plusieurs années. Cela dit, c’est officiellement adopté, mais ce n’est pas encore en vigueur. On demande 60 jours au gouvernement pour l’approuver, donc on pense qu’à la mi-août, ce sera en vigueur », avance-t-elle.

Un plan pour Montréal ?

Il y a trois mois, en avril, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait annoncé un plan gouvernemental pour réduire les odeurs à l’usine Sanimax de Lévis. Mme Bourgeois avait alors dénoncé que Rivière-des-Prairies ne fasse pas partie de ce plan. Elle dit aujourd’hui « espérer » que ce plan arrive « plus tôt que tard ».

On ne peut pas continuer d’accepter que les résidants ici soient considérés comme des citoyens de seconde main.

Caroline Bourgeois, vice-présidente du comité exécutif et mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles

D’abord spécialisée dans la récupération d’animaux de ferme morts, Sanimax cumule les plaintes citoyennes depuis plusieurs années. À l’été 2021, notamment, les villes de Montréal, Lévis et Saint-Hyacinthe avaient reçu un nombre de plaintes inégalé à l’endroit de Sanimax. Depuis janvier de cette année-là, l’entreprise avait à elle seule fait l’objet de 46 % des plaintes relatives à la qualité de l’air enregistrées dans toute la métropole.

En janvier, la Cour supérieure avait tranché que la multinationale québécoise avait pollué l’air et l’eau. Dans le jugement, on lisait que l’équarrisseur tente d’échapper à la loi au nom d’arguments « tordus », « effrontés », « absurdes », dénués de « toute base juridique valable » ou n’ayant « strictement aucun sens ». La Cour avait toutefois jugé que Sanimax ne pouvait être punie pour avoir laissé des viscères recouverts de mouches et de sang dans des remorques dépourvues de toile.

Au total, Sanimax a été condamnée à au moins trois reprises par la cour municipale, dont deux fois en 2018. La première fois, c’était pour avoir empêché la Ville de mesurer les émissions malodorantes de son usine. Et la seconde, c’était plutôt pour avoir déversé des eaux noires ou graisseuses qui contenaient jusqu’à six fois trop de contaminants.

Avec Marie-Claude Malbœuf, La Presse