Pas moins de 491 habitations à loyer modique sont inoccupées à Montréal

En pleine crise du logement, près de 500 habitations à loyer modique (HLM) sont actuellement barricadées ou complètement vides à Montréal.

En tout, 372 logements ont été évacués dans les dernières années, car ils exigeaient des travaux importants de réfection ; 119 autres appartements, dans quatre immeubles différents, ont été incendiés et nécessitent aussi des rénovations. C’est donc un total de 20 adresses qui sont placardées ou vides aux quatre coins de la ville de Montréal.

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Le HLM La Pépinière, rue Albani, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

« C’est sûr que ce chiffre est énorme quand on sait qu’il y a des dizaines de locataires qui n’ont pas trouvé de nouveaux logements pour le 1er juillet. Certains ménages doivent être hébergés chez un proche, d’autres sont relocalisés en hébergement d’urgence », affirme Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

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Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain

Mais ce chiffre, il illustre l’indifférence des gouvernements envers le logement social.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

L’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), qui gère ces 20 immeubles en décrépitude, a disposé d’un budget annuel d’environ 83 millions de dollars entre 2008 et 2019. Avant cette date, l’organisme recevait entre 30 et 50 millions de dollars par année. Puis, l’année dernière, il a reçu 94 millions grâce à l’Entente Canada-Québec pour rénover 650 logements.

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Le HLM Chester, avenue Walkley, dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

L’OMHM doit prendre des décisions avec l’enveloppe budgétaire qu’on lui donne, explique Mathieu Vachon, directeur du service des communications de l’organisme. « Parfois, on fait des travaux en présence des locataires, d’autres fois, on les déménage. Les deux façons de faire ont des impacts sur la vie des gens. Se faire déraciner de son milieu de vie, c’est traumatisant et angoissant pour certaines personnes. Et lorsqu’on fait des travaux et que les locataires sont présents, c’est aussi dérangeant », explique-t-il.

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Le HLM Beaudry, rue La Fontaine, dans l’arrondissement de Ville-Marie

M. Vachon souligne que l’OMHM gère un parc immobilier de 23 041 portes, dont 20 810 sont des HLM. Les 491 logements vacants ne représentent donc que 2 % de l’ensemble des logis gérés par son organisme. Ce taux est d’ailleurs relativement stable d’une année à l’autre, soutient-il. « Des logements sont rénovés pendant que d’autres tombent en désuétude. Ceux-ci seront ensuite rénovés à leur tour », dit-il.

« Mais c’est quand même trop », admet-il, loin de jouer à l’autruche.

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Le HLM Saint-André, rue Saint-Timothée, dans l’arrondissement de Ville-Marie. Des travaux sont en cours dans cet important immeuble de 108 logements.

D’ici 2024, 45 % de ces logements vacants seront rénovés, assure l’OMHM. Des travaux majeurs ont d’ailleurs commencé au HLM Saint-André, dans Ville-Marie, un important immeuble de 108 logements.

« Des choix impossibles »

Selon la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ), la vétusté des logements est causée par un sous-financement et non par une mauvaise gestion des budgets.

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Le HLM Morgan-Lafontaine, rue de Chambly, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

Le manque d’argent oblige l’office montréalais à faire des « choix impossibles », des « choix de fous », affirme Robert Pilon, coordonnateur à la FLHLMQ.

« Entre des gens qui vivent dans des immeubles remplis de moisissures et des tours de logements où il faut réparer les toits qui coulent pour éviter des travaux exponentiels, qu’est-ce qu’on fait ? Qui doit-on choisir et qui doit-on sacrifier ? », demande M. Pilon, qui s’est pourtant montré critique du travail de l’OMHM à quelques reprises par le passé.

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Le HLM Terrasse Coursol, rue des Seigneurs, dans le Sud-Ouest

M. Pilon explique que les investissements de la Société d’habitation du Québec ont permis à 12 régions du Québec de remettre en bon état leur parc immobilier de HLM depuis 2017. C’est le cas notamment dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

En même temps, dans le bilan de l’état de santé de tous les HLM de la province, on constate qu’au lieu de s’améliorer, la situation se détériore à Montréal. Il y a plus d’immeubles cotés D [mauvais état] et E [très mauvais état] aujourd’hui qu’il y a cinq ans.

Robert Pilon, coordonnateur à la FLHLMQ

À Montréal, la moitié des HLM ont une cote de D ou E. Avec Laval, il s’agit des deux pires endroits au Québec où vivre dans une habitation à loyer modique, ajoute M. Pilon.

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Le HLM Îlots Saint-Martin, rue Saint-Antoine, dans le Sud-Ouest

Véronique Laflamme, du FRAPRU, estime que 24 000 ménages locataires attendent une place en HLM. Cette liste s’allonge de mois en mois, affirme celle qui presse les gouvernements d’investir dans la rénovation, mais aussi dans la construction de nouveaux logements sociaux.

Mercredi dernier, Québec a justement annoncé la construction de 3000 logements abordables d’ici 3 ans. La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a promis une bonne répartition géographique de ces habitations à travers la province. Elle a évoqué des constructions dans les régions de Sherbrooke, Granby, Rimouski et Trois-Rivières.

Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse