Des citoyens montent le ton après la fermeture du jardin communautaire Souligny, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, en raison de la construction d’un projet immobilier. Soutenus par un conseiller de l’opposition, ils réclament de pouvoir continuer d’avoir accès à une portion du jardin malgré le chantier.

« Si le maire avait tenu une consultation publique avant de fermer le jardin, il aurait vu qu’il est difficile pour plusieurs d’entre nous de se déplacer », affirme un résidant du secteur, Franz Charneux.

Ancien président du jardin communautaire Souligny, M. Charneux déplore que la Ville ait agi sans prendre en compte la volonté de la population, en fermant complètement l’accès au site dès le 13 juin dernier. « La réalité est que ça semble avoir fait leur affaire, car quand j’ai essayé de leur faire valoir cet enjeu, on m’a répondu qu’il y a déjà une liste d’attente pour [le jardin communautaire] Clément-Jetté », déplore-t-il.

Situé à proximité, cet autre jardin est toutefois difficile d’accès pour plusieurs résidants qui souffrent de handicaps ou d’autres problèmes de santé, selon M. Charneux. C’est un vaste projet immobilier, situé dans l’ex-cour de voirie Honoré-Beaugrand, qui a forcé la fermeture du jardin Souligny. Le promoteur prévoit y ériger près de 300 unités d’habitation.

La Ville affirme avoir informé les résidants il y a près de deux ans, soit dès l’automne 2020, qu’ils devraient se trouver un nouvel espace.

Des besoins « criants »

Les citoyens et le conseiller de Tétreaultville, Julien Hénault-Ratelle, dénoncent toutefois qu’une trentaine de jardinets – situés « à l’abri du chantier » – sont fermés alors qu’ils pourraient être ouverts au public en toute sécurité. Qui plus est, « ce jardin est situé dans l’un des quartiers de l’arrondissement où les besoins en matière d’accès alimentaire sont les plus criants », fustige l’élu.

« Avec l’inflation et le temps d’attente qui s’élève à plusieurs années pour obtenir un espace dans un jardin communautaire à Montréal, il ne fait aucun sens de fermer mur à mur cet espace qui fait une réelle différence pour plusieurs familles qui résident dans des habitations à loyer modique », ajoute-t-il, en réclamant une « réelle consultation ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Vue aérienne du chantier et de ce qui reste du jardin communautaire Souligny

M. Hénault-Ratelle dénonce également qu’aucun projet post-chantier n’ait encore été présenté aux résidants, les travaux devant durer au moins trois ans. Une pétition signée par 160 personnes devrait être déposée par M. Charneux lors de la prochaine séance du conseil d’arrondissement, prévue le 4 juillet.

Au cabinet du maire de l’arrondissement, on réitère que le projet est déjà passé devant l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM). « Toutes les personnes admissibles au jardin Souligny ont été relocalisées au jardin Clément-Jetté avec un nouvel espace », affirme l’attachée de presse Laury Chayer, en précisant que le jardin Souligny « a toujours été destiné à une activité temporaire ».

Une vingtaine de jardinets sur les 125 étaient déjà « contaminés », affirme l’arrondissement, et aucun d’entre eux ne disposait d’un accès universel, contrairement au jardin Clément-Jetté, qui compte 147 jardinets en bonne santé.

« La construction de logements se fait sur plusieurs phases, donc au lieu de retirer les gens dans des conditions précipitées et désorganisées, l’arrondissement trouvait plus responsable de fermer et de s’assurer qu’il y ait un autre espace, sans bris de service », insiste Mme Chayer.

Jardinets en demande

L’engouement pour le jardinage en milieu urbain est actuellement très fort, surtout depuis la pandémie de COVID-19. En avril dernier, la firme Angus Reid démontrait dans un sondage que plus de 1 million de ménages canadiens souhaitent s’initier au jardinage en 2022, un nombre qui s’ajoute à celui des jardiniers convertis durant la pandémie et avant.

Mais il y a l’envers de la médaille. En mai, Radio-Canada révélait que l’attente pour obtenir une place dans un jardin communautaire est en forte hausse à Montréal. Dans certains secteurs très denses comme Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, il faut carrément attendre entre six et dix ans avant d’avoir une place. Idem sur le Plateau Mont-Royal (de sept à dix ans) ou encore à Verdun (trois ou quatre ans). Plus au nord, la situation est plus tolérable ; on doit attendre de un à trois ans dans Ahuntsic-Cartierville.

« Si, en 2020, l’insécurité alimentaire était un argument fort pour inciter les gens à cultiver leurs aliments à la maison, cette considération est partiellement redirigée vers des soucis d’abordabilité et de fraîcheur des aliments », a par ailleurs expliqué en avril le directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, Sylvain Charlebois.