L’époque du beau gazon vert et bien coupé est-elle révolue ? Faut-il laisser la nature reprendre ses droits sur les terrains des maisons, pour favoriser la biodiversité ?

C’est l’avis d’un nombre grandissant de citoyens soucieux de l’environnement, qui se heurtent toutefois aux règlements municipaux en vigueur à plusieurs endroits, exigeant que l’herbe soit coupée à moins de 15 ou 20 centimètres, généralement.

C’est ce qui est arrivé à Lucie Giroux et John Brewster, citoyens de Saint-Bruno-de-Montarville, qui ont dû couper leur parterre d’herbes indigènes, sous peine d’amende.

En mai, on avait décidé de laisser pousser l’herbe pour aider les insectes butineurs.

Lucie Giroux, résidante de Saint-Bruno-de-Montarville

Les plantes, comme le trèfle, le lotier et l’achillée, sont donc montées en fleurs. Le couple avait l’intention d’attendre la fin de juin avant de les couper, pour que les fleurs puissent sécher et que les plantes se ressèment d’elles-mêmes.

Mais ils ont reçu un avis d’un inspecteur municipal leur demandant de tondre l’herbe à moins de 20 centimètres, comme prévu dans les règlements de la Ville.

« On a demandé si c’était possible d’attendre quelques semaines, mais ç’a été refusé », poursuit Mme Giroux.

Règlements dépassés

La retraitée estime que de tels règlements municipaux sont dépassés.

Elle déplore d’ailleurs que de nombreux propriétaires utilisent des produits chimiques pour traiter leur gazon et qu’ils arrosent leur terrain avec des systèmes d’arrosage cachés.

Ce n’est pas normal d’avoir un gazon vert, parfait, sans aucune autre plante à travers.

Lucie Giroux, résidante de Saint-Bruno-de-Montarville

À la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, la directrice des communications, Suzanne Le Blanc, assure qu’il y a une tolérance pour les « arrangements herbicoles, les bosquets ou platebandes comportant des herbes hautes, qui démontrent un entretien régulier par les propriétaires ».

« Et les citoyens peuvent bien sûr semer des espèces vivaces indigènes sur leur terrain ce qui contribue à la santé de la biodiversité », indique-t-elle, dans une réponse envoyée par courriel.

Elle précise que le règlement sur les nuisances, où l’on retrouve la règle des 20 centimètres, a pour but d’assurer un entretien régulier des terrains, pour éviter les pelouses laissées à l’abandon.

« Selon notre inspecteur, un seul citoyen lui a parlé de ses plantes indigènes. L’inspecteur lui a alors conseillé de nettoyer autour et de les préserver », ajoute Mme Le Blanc.

Réflexion en cours

De nombreuses villes québécoises et arrondissements montréalais limitent la hauteur de l’herbe sur leur territoire, pour éviter que les terrains vacants soient envahis par la broussaille.

Mais à Montréal, une réflexion est en cours à ce sujet, révèle Marie-Andrée Mauger, responsable de l’environnement au comité exécutif et mairesse de Verdun.

On voit une adhésion de la population à de nouvelles pratiques, pour avoir des terrains plus axés sur la nature, moins manucurés, et c’est très encourageant.

Marie-Andrée Mauger, responsable de l’environnement au comité exécutif et mairesse de Verdun

Elle souligne que Verdun comporte plusieurs zones naturalisées où on laisse pousser la végétation.

Mais il serait difficile pour les autorités municipales de simplement retirer le règlement sur la hauteur de l’herbe, ajoute-t-elle.

« Un inspecteur doit pouvoir intervenir à des endroits où il n’y a aucun entretien, sans visées de biodiversité. Il faut déterminer si c’est un aménagement ornemental ou horticole, ou alors des herbes non entretenues. »

« On est beaucoup dans la monoculture du gazon, ça fait propre, ça a l’air bien entretenu, et on voudrait qu’il soit vert même en période de sécheresse », dit-elle.

Mais ça serait beaucoup mieux d’avoir des espèces rustiques plus diversifiées, qui vont mieux résister aux sécheresses et aux épisodes de pluie.

Marie-Andrée Mauger, responsable de l’environnement au comité exécutif et mairesse de Verdun

Selon la mairesse, le terme « mauvaise herbe » est en train de changer de signification.