Le géant du recyclage Ricova se tourne vers la Cour supérieure pour contester la décision de la Ville de Montréal d’inscrire son propriétaire Dominic Colubriale et ses filiales sur la « liste noire » des contrats publics pendant cinq ans.

« Montréal agit illégalement, fait preuve de mauvaise foi et outrepasse ses pouvoirs », martèle le groupe dans un communiqué publié jeudi, en faisant valoir que la décision de la Ville « se base sur les conclusions non fondées du Bureau de l’inspectrice générale (BIG) ».

En mars, le BIG avait appelé à rompre les contrats de Ricova « dès que possible », au terme d’une enquête qui avait révélé des « manœuvres dolosives » de Ricova pour éviter de remettre à la Ville sa juste part des profits réalisés sur la vente des matières recyclables.

Le BIG avait aussi révélé que le groupe se gardait des revenus « non déclarés » de 20 $ par tonne. C’est à la lumière des informations que la Ville dit avoir voulu empêcher Services Ricova et Ricova International – le deuxième achète les matières recyclables au premier – de participer à tout appel d’offres public jusqu’en 2027. « Nous sommes devant une situation préoccupante, et des actions doivent être prises », avait fait valoir la responsable de l’environnement au comité exécutif, Marie-Andrée Mauger, le 8 juin dernier.

Ricova nie toutefois en bloc ces conclusions, jugeant plutôt n’avoir « jamais contrevenu aux dispositions contractuelles » avec la Ville ni procédé à des « manœuvres dolosives ou frauduleuses ». « La Ville de Montréal savait très bien que la matière était vendue au prix du marché́ québécois à Ricova International. D’ailleurs, Ricova International était l’acheteur pour plus de 90 % des matières recyclées provenant des centres de tri de Lachine et de Saint-Michel avant même leur prise en charge par Services Ricova », a insisté jeudi la directrice des communications de Ricova, Stéphanie Dunglas.

À l’instar de ses propos passés, l’organisation réitère qu’elle « n’a fait que maintenir les pratiques en vigueur alors que ces centres étaient gérés respectivement par la Compagnie de recyclage de papiers MD et par Rebuts Solides Canadiens (RSC) ».

Un « agenda caché »

L’entreprise s’en prend aussi à ce qu’elle appelle « l’agenda caché de la Ville », dénonçant la fermeture des autorités à dialoguer pour régler le litige. « Les représentants et les élus ont toujours refusé de nous parler, bien que nous ayons le contrat en bonne et due forme. S’ils avaient des enjeux à discuter avec nous sur nos pratiques, ils auraient pu le faire avec un dialogue constructif. […] Pour la Ville, il est politiquement plus important de s’en prendre à nous que de nous aider à améliorer la situation », a indiqué́ Mme Dunglas.

Par courriel, la Ville a rétorqué jeudi qu’elle ne fait qu’appliquer sa réglementation, réitérant qu’elle « a tenu en compte les recommandations du rapport du BIG et continue de le faire ». « Ricova peut bien sûr se défendre devant la Cour supérieure, ceci dit, nous ne commenterons pas davantage, comme le dossier est judiciarisé », a indiqué la porte-parole, Mélanie Dallaire.

Tant au centre de tri de Saint-Michel que de Lachine, Ricova estime avoir « livré la marchandise ». On rappelle que 6,5 millions ont été investis depuis 2020 à Saint-Michel pour acheter de nouveaux équipements, dont cinq trieuses optiques pour « réduire le taux de contamination des ballots ». En tout, 7 millions ont aussi été versés en deux ans à la Ville, pour les matières vendues à Saint-Michel.