Pour la deuxième fois en moins d’un mois, des orages violents ont touché de nombreuses régions du sud du Québec et de l’Ontario jeudi, causant des pannes électriques, des inondations et d’autres dégâts. Un avant-goût des étés à venir, selon un météorologue d’Environnement Canada.

« On peut s’attendre à de plus en plus d’orages et d’épisodes de temps violents au cours des prochaines années », a assuré Maxime Desharnais, météorologue d’Environnement Canada. Les orages de jeudi surviennent quelques semaines après que d’autres violentes tempêtes ont balayé le sud du Québec et de l’Ontario le 21 mai, laissant des dégâts importants dans leur sillage.

Lisez un compte-rendu des violentes tempêtes du 21 mai dernier

« Comme l’orage du 21 mai a été provoqué par un derecho – un type de phénomène météorologique rare de convection profonde extratropicale qui se déplace rapidement et qui produit de très fortes rafales descendantes causant d’importants dommages généralisés – la météo était très propice à la formation de cellules orageuses et de super cellules », explique-t-il. « Le cocktail idéal pour la formation d’orages, c’est de la chaleur et de l’humidité. Dans les dernières semaines, on a eu droit à tout ça », souligne le météorologue.

À cette période de l’année, les orages sont relativement rares. La pointe convective pour la formation d’orages se situe normalement entre la fin du mois de juillet et la mi-août. Hors de cette période, les cellules orageuses sont vraiment plus rares.

Maxime Desharnais, météorologue d’Environnement Canada

Avant ces dernières semaines, le dernier derecho que nous avons eu au Québec remonte à 1999. « La grêle que nous avons eue montre aussi qu’il y avait un fort contenu en eau dans l’atmosphère. »

M. Desharnais a indiqué que les municipalités de Saint-André-d’Argenteuil et de Pointe-Calumet avaient été les plus touchées par la grêle. « Pointe-Calumet avait reçu des grêlons de plus de 5 cm en fin d’après-midi. »

Chose certaine, indique M. Desharnais, les deux tempêtes extrêmes des dernières semaines donnent le ton pour les étés à venir.

Dans son plus récent rapport sur les conséquences des changements climatiques, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) note que « les aléas climatiques affectés par les changements hydrologiques, y compris […] les précipitations extrêmes et les tempêtes plus intenses, devraient s’intensifier » en Amérique du Nord.

Consultez le rapport du GIEC (en anglais)

Des restaurateurs incertains

La tempête a chamboulé les festivités rue Crescent, maintenant piétonne à l’occasion du Grand Prix de Montréal. La rue s’est vidée en raison des intempéries alors que les commerçants s’attendaient à une soirée achalandée.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Passants sous la pluie, rue Crescent, à Montréal

Après deux ans de pandémie, le Grand Prix est un évènement majeur pour les restaurateurs du centre-ville de Montréal. « On engage des employés seulement pour des évènements comme celui-ci », rappelle Bass Fredj, gérant du restaurant Tuscolo, rue Crescent. Alors que les terrasses ont dû fermer jeudi soir et que la clientèle n’était pas au rendez-vous, les heures de travail de plusieurs employés du Tuscolo ont été réduites, se désole Bass Fredj.

En prévision du Grand Prix, Bass Fredj avait acheté plusieurs milliers de dollars en alcool pour répondre à la demande habituelle, mais il craint d’être incapable de tout revendre si l’affluence reste faible.

« Normalement, on s’attend à ce que la Formule 1 nous amène une plus grande clientèle », souligne Billy Liu, gérant du Bistro K2+, qui s’inquiète que la tendance ne change, alors que MétéoMédia annonce des orages et des averses pour les deux prochains jours.

Bien que la pluie décourage les gens à sortir, le gérant du pub Sir Winston Churchill a bon espoir que la vie reprendra dans le secteur. Déjà, le restaurant a accueilli de nombreux touristes dans la dernière semaine, assure-t-il.

La tempête a aussi forcé les commerçants de la rue Crescent à fermer les chapiteaux durant les orages. Certains kiosques, dont celui des bières Labatt, ont décidé de fermer pour la soirée, alors que les employés prévoyaient vendre aux passants jusqu’à 23 h.

Le groupe de musique Rusty devait donner un concert à l’extérieur jeudi soir. De crainte que la pluie ne s’infiltre dans l’équipement technique, le groupe a annulé sa prestation, explique le batteur du groupe, Charles Dumont. C’était leur seule soirée pour se produire lors du Grand Prix.

Ailleurs au centre-ville, plusieurs concerts extérieurs des Francos ont dû être annulés en raison des intempéries.

Lisez le texte « La météo bouscule les Francos »

Des cultures ruinées

Des agriculteurs ont aussi subi les conséquences de l’orage. Pierre Desjardins, propriétaire du verger Méli-Mélo, à Saint-Joseph-du-Lac, dans les Laurentides, a confirmé que son verger avait subi de gros dommages. « Le verger est détruit, et les champs sont complètement inondés. La grêle n’est jamais la bienvenue dans nos champs, mais encore moins à ce temps-ci de l’année ! », a confié l’agriculteur, qui n’a jamais vu d’aussi gros grêlons de toute sa vie. « Ils étaient gros comme des 2 $ ! »

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE DESJARDINS

Grêlons du diamètre d’une pièce de deux dollars tombés sur le Verger Méli-Mélo, à Saint-Joseph-du-Lac

De son côté, Louis Marineau, de la Ferme Marineau, à Laval, n’a pas subi les affres de la grêle, mais bien celles des pluies diluviennes. « Nos tout petits plants de fraises qu’on venait tout juste de planter pour l’année prochaine ont été arrachés et déterrés par la force des gouttes », s’est-il désolé.

Fortes accumulations de pluie et surverses à Montréal

« On a eu une fin de journée difficile », a admis Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville de Montréal, faisant référence aux fortes accumulations de pluie. Les averses ont surtout touché les secteurs centraux et l’ouest de l’île, a indiqué M. Sabourin. De l’accumulation d’eau a été constatée sur la chaussée en de nombreux endroits – et relayé sur les réseaux sociaux par des internautes.

La station hydrométrique de Montréal a enregistré 40 mm de pluie. « C’est certain qu’il y a eu plus de pluie que ça, mais qu’elle n’a simplement pas touché la station », a précisé M. Desharnais, d’Environnement Canada.

De nombreux puisards ont été obstrués, et des points bas, comme des passages sous des ponts d’étagement, ont dû être fermés temporairement, a indiqué le porte-parole de la Ville. Ç’a notamment été le cas au rond-point l’Acadie, pourtant rénové en 2015 pour éviter les inondations. « L’évènement le plus important qu’on a eu, c’était dans le rond-point l’Acadie. On a dû fermer de 17 h à 19 h 40 la bretelle qui mène de la 15 Sud vers la Métropolitaine Est », a déclaré Sarah Bensadoun, porte-parole du ministère des Transports du Québec (MTQ).

Lisez l’article « Rond-point L’Acadie : des accumulations d’eau malgré les travaux »

Trois personnes ont dû être évacuées du secteur inondé par les équipes du MTQ assistées de policiers, a-t-elle ajouté, précisant qu’elles n’ont pas été blessées.

La Ville a également dû procéder à des surverses – et donc libérer de l’eau sans la traiter – pour soulager son système d’égouts, une opération que M. Sabourin a qualifiée de « rare ».

Des dizaines de sous-sols ont néanmoins été inondés, a déploré le porte-parole, sans pouvoir donner un nombre exact. Il a rappelé que les citoyens qui ont subi des dommages peuvent se tourner vers le bureau des réclamations sur le site web de la Ville de Montréal.

Consultez le site web de la Ville de Montréal

Pannes et transports perturbés

En début de soirée, la Société de transport de Montréal a averti les usagers sur Twitter qu’une interruption de service touchait la totalité de la ligne bleue, et ce, en raison d’infiltration d’eau à la station Outremont, a précisé une porte-parole. Un service de navette a été mis en place entre les stations Snowdon et Saint-Michel, et le service a pu être rétabli vers 20 h.

Au plus fort des pannes, plus de 40 000 clients d’Hydro-Québec étaient privés d’électricité, principalement à Montréal, dans les Laurentides et en Montérégie. Vers 22 h, ce nombre était toutefois descendu à 16 900 clients.

« On a eu plusieurs appels […], mais on n’a pas d’intervention confirmée », a indiqué George Bele, du Service de sécurité incendie de Montréal, peu avant 18 h. Ces citoyens et des systèmes d’alarme ont signalé des dégâts d’eau et des problèmes électriques, mais l’intervention des pompiers n’a pas été nécessaire sinon pour aider à pomper l’eau hors des sous-sols.

En début de journée, Environnement Canada avait lancé des alertes d’orages violents et potentiellement mortels pour de nombreuses régions du sud du Québec et de l’Ontario. L’agence avertissait que l’évènement météorologique pourrait produire « de la grêle de la taille d’une balle de baseball ou plus et de la pluie forte ». « Il s’agit d’une situation dangereuse pouvant causer des blessures mortelles », avait indiqué l’agence fédérale dans son avertissement pour Montréal.