Devrait-on taxer davantage les propriétaires de locaux commerciaux vacants à Montréal ? C’est ce qu’entend faire l’administration municipale de Vancouver, au moment où, au Québec, de plus en plus de voix s’élèvent pour trouver une solution à la dévitalisation des artères commerciales.

Le maire de Vancouver, Kennedy Stewart, a en effet proposé à la fin du mois d’avril une « taxe sur les locaux vacants commerciaux », au moment où les taux d’inoccupation augmentent sur plusieurs grandes artères commerciales de la métropole britanno-colombienne. Le conseil municipal a voté pour l’idée d’explorer cette idée plus sérieusement.

C’est que dans certains quartiers de Vancouver, les taux d’inoccupation des locaux commerciaux atteignent parfois 20 % et plus, nuisant durement au dynamisme et à la sécurité de différents secteurs, dit M. Stewart.

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Local commercial vacant de la rue Saint-Denis, à Montréal

Selon lui, une telle taxe bloquerait les spéculateurs immobiliers qui achètent des propriétés commerciales sans avoir l’intention de les louer, dans le seul espoir de les revendre plus tard en empochant un profit.

Une proposition intéressante, juge Montréal

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on indique que l’idée de taxer les locaux commerciaux vacants est « une proposition intéressante », mais n’est pas une solution présentement analysée par la Ville. « Pour nous, la clé de la réussite, c’est d’implanter une variété d’initiatives pour inciter les gens à visiter nos artères commerciales et notre centre-ville », dit l’attachée de presse Catherine Cadotte.

Montréal veut plutôt utiliser « au maximum les espaces existants » par des initiatives « d’occupation transitoire des locaux vacants », comme le projet Art souterrain. La Ville n’exclut toutefois pas de créer une base de données sur l’occupation des locaux commerciaux.

Nous travaillons activement au déploiement d’un plan d’action spécifiquement sur la question des locaux vacants qui sera présenté dans les prochains mois. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les SDC [Sociétés de développement commercial] et les associations locales qui surveillent les taux de vacance.

Catherine Cadotte, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante

En mai 2020, la Commission sur le développement économique et l’habitation avait recommandé à la Ville « d’analyser la meilleure mesure à implanter entre une taxe à la vacance ou une redevance réglementaire selon le délai de relocation ou d’une nouvelle occupation ». On pressait alors la Ville de se doter « d’un registre ou d’une collecte de données à jour » sur les locaux vacants, et d’identifier des incitatifs permettant aux propriétaires « de se soustraire à la mesure dissuasive retenue ».

Des craintes chez les commerçants

Rue Saint-Denis, où les locaux vacants pullulent, l’idée d’une taxe imposée sur la vacance est toutefois reçue tièdement par plusieurs commerçants. Si tous s’entendent pour dire qu’un local vide est mauvais pour l’achalandage, une taxation supplémentaire leur fait craindre une augmentation de leurs propres frais.

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Jonathan Arnulfo, propriétaire avec son fils du restaurant salvadorien El Garrobo

« Je pense que c’est horrible [de taxer] les propriétaires pour des locaux qui n’ont pas de revenus, ça va faire augmenter le prix de ceux qui sont occupés », s’inquiète Jonathan Jr Arnulfo, propriétaire avec son père du restaurant salvadorien El Garrobo. Il ajoute avoir déjà de la difficulté à payer son loyer.

Des propos auxquels fait écho le PDG de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), Jean-Marc Fournier. « Une taxe chargée à un propriétaire qui a dix locaux à louer, dont trois vacants, il va sûrement l’imposer à ses autres locataires, et on va faire augmenter le coût des commerçants déjà à Montréal », fait-il valoir.

Un coup de bâton, ce n’est pas ce qui va aider. Ce qui va aider, c’est de l’air, particulièrement au centre-ville.

Jean-Marc Fournier, PDG de l’IDU

Au coin de la rue Roy, à côté d’une succursale de la SAQ désaffectée depuis maintenant deux ans, la propriétaire de la lunetterie George Laoun, Anne-Marie Laouin, se dit favorable à une forme d’incitatif pour les propriétaires dont les locaux restent vacants très longtemps. « Est-ce qu’à la fin de chaque année, on ne pourrait pas leur demander de démontrer qu’ils ont fait des démarches pour tenter de les louer ? », se questionne-t-elle.

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Local commercial vacant de la rue Saint-Denis, à Montréal

Pour impliquer les propriétaires

Le directeur général de l’Association des Sociétés de développement commercial de Montréal, Billy Walsh, soutient l’idée d’une taxation. « Mais pour ça, la Ville doit mettre en place un registre des baux commerciaux, ou du moins un registre de l’occupation commerciale sur les artères commerciales. Il y a une réflexion fondamentale à avoir dans le prochain Plan d’urbanisme », juge-t-il.

M. Walsh déplore que trop souvent, « les grands absents de la planification des artères commerciales, ce sont les propriétaires immobiliers ». « Dans le modèle des SDC, on ne parle pas nécessairement aux propriétaires, et ils ne sont pas sur les tables de concertation. Ils répondent aussi à des impératifs financiers qui vont parfois à l’encontre des besoins de la communauté », raisonne-t-il.

En savoir plus
  • 5 à 7 %
    Taux de vacance jugé « acceptable » dans une rue commerciale. Au-delà de ce taux, une artère peut être considérée comme « dévitalisée ».
    source : Association des Sociétés de développement commercial de Montréal