Annoncé avec enthousiasme en décembre 2020 par CDPQ Infra et le gouvernement Legault, le REM de l’Est s’est vite retrouvé plongé dans la controverse. Au cœur de la polémique : l’érection d’imposantes structures de béton au centre-ville et dans plusieurs autres quartiers.

La filiale de la Caisse souhaitait faire passer son train automatisé au milieu du boulevard René-Lévesque, à partir de Place Ville Marie, puis vers l’est, par la rue Notre-Dame.

PHOTO FOURNIE PAR CDPQ

Maquette de la CDPQ de la station Davidson du REM de l’Est

La proposition a été jugée tellement scandaleuse que les deux firmes d’architecture accolées au projet ont démissionné en février 2021. Elles refusaient d’être associées à un « enlaidissement » permanent du centre-ville.

Il faut dire que l’idée d’ériger une structure aussi massive en plein cœur de la ville s’inscrit à contre-courant de la tendance urbanistique des dernières décennies. À Montréal comme dans plusieurs autres métropoles, les autorités ont plutôt investi des fortunes pour démolir des ouvrages de béton peu esthétiques.

L’échangeur des Pins, au pied du mont Royal, et une portion de l’autoroute Bonaventure, à l’entrée de la ville, ont par exemple été aplanis pour faire place à des boulevards à échelle plus humaine. L’autoroute Ville-Marie, en tranchée, a quant à elle été en partie recouverte il y a 20 ans pour retisser la trame urbaine entre le Vieux-Montréal et le centre-ville. Ironiquement, c’est le rutilant siège social de la Caisse de dépôt qui a été construit en porte-à-faux sur cette ancienne cicatrice bétonnée – un projet qui a servi de bougie d’allumage au redéveloppement de tout le secteur.

« Fracture urbaine »

Plusieurs experts – dont ceux mandatés par Québec et CDPQ Infra pour étudier le REM de l’Est – redoutaient une « fracture urbaine » entre les quartiers traversés par le train. Des enjeux liés à l’insécurité sous la structure, au bruit et à la protection de sites patrimoniaux ont aussi été soulevés au fil des mois.

Ailleurs dans le monde, plusieurs projets de transport collectif ont tourné le dos aux structures en hauteur dans les quartiers centraux.

À Vancouver, les autorités ont par exemple choisi de payer plus cher pour enfouir un tronçon de 5,7 km du SkyTrain plutôt que d’ériger un tronçon bétonné jugé « hideux », a révélé une enquête de La Presse.

À Paris, les promoteurs d’un mégaprojet d’agrandissement du métro ont aussi exclu de telles structures pour la même raison, jugeant qu’elles relevaient d’une vision des « années 1960 ».

La construction d’un tunnel profond au centre-ville pour le REM de l’Est aurait été techniquement « réalisable », selon deux études d’ingénieurs commandées par CDPQ Infra. Le groupe a toutefois jugé que les risques financiers associés à un tel ouvrage étaient impossibles à quantifier et mettaient en péril la rentabilité du projet.

Problèmes de gouvernance

La filiale de la Caisse a apporté plusieurs changements au REM de l’Est en cours de route dans l’espoir de le rendre plus acceptable. Le groupe a notamment suggéré de creuser une station et un court tunnel de 500 mètres au centre-ville, de déplacer un tronçon problématique dans la rue Sherbrooke Est et a proposé une architecture plus élégante que celle de la première phase du REM – avec du béton plus pâle et des caténaires plus discrètes.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Structure surélevée du REM en construction dans le West Island, en septembre dernier

Ces modifications n’auront pas suffi à apaiser les craintes. La question de la gouvernance est aussi devenue de plus en plus épineuse dans les derniers mois, alors que la Ville de Montréal réclamait d’avoir voix au chapitre dans le développement du projet, qui aurait nécessité des investissements de plus de 1 milliard des contribuables montréalais.

Le comité d’experts mis sur pied pour étudier le projet a été officiellement dissous lundi après-midi, a appris La Presse. Deux de ses membres nous ont confié leurs impressions en demi-teintes sur la tournure des évènements.

Christian Yaccarini, PDG de la Société de développement Angus, se dit heureux que Québec et Montréal « sauvent le projet », mais regrette la disparition du lien direct avec le centre-ville dans la future mouture. Il espère que l’option d’une connexion souterraine vers le quartier des affaires sera étudiée dans les prochains mois.

Christian Savard, fondateur et président de l’organisme Vivre en ville, aurait aussi souhaité un lien en tunnel vers le centre-ville. « Là, on se retrouve avec un projet qui soulève beaucoup de questions. »