Les citoyens de Rosemont–La Petite-Patrie seront les premiers à Montréal à pouvoir bénéficier de ruelles où les conducteurs qui se déplacent au volant d’un véhicule automobile devront rouler à 10 km/h ou moins, une annonce qui survient peu après une collision mortelle pour un piéton dans l’arrondissement.

« Notre volonté, c’est que les ruelles soient des milieux de vie, pas des voies publiques », explique en entrevue François Limoges, maire de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

Les élus de l’arrondissement se font accoster « tous les jours » par des citoyens inquiets au sujet des ruelles, dit-il. Plus de 140 ruelles de Rosemont–La Petite-Patrie sont devenues des « ruelles vertes » au cours des dernières années.

« Les gens veulent que les ruelles soient des cathédrales. Vitesse, aménagement, milieu de vie : il y a une volonté de s’approprier les ruelles pour les transformer », dit M. Limoges, ajoutant que d’autres mesures pour apaiser les ruelles sont en gestation et seront annoncées ultérieurement.

Accident mortel

Les ruelles sont dans l’actualité ces jours-ci, après que le conducteur d’un camion de livraison qui sortait d’une ruelle a happé et roulé sur le corps d’un homme près de l’angle de la rue Beaubien et de la 9Avenue, à Rosemont–La Petite-Patrie, le 31 mars dernier. La mort de l’homme, qui était âgé de 57 ans, a été constatée à l’hôpital. Une enquête est en cours afin de déterminer la cause de la collision.

Céline Rivest, qui marche chaque jour à l’endroit de la collision avec sa petite fille de 2 ans, dit être « 200 % d’accord » avec l’abaissement de la vitesse dans les ruelles.

« Quand ce n’est pas un camion de livraison, c’est un camion de recyclage. Quand ce n’est pas un camion de recyclage, c’est une déneigeuse. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans cette collision-là, mais en général, ça roule beaucoup trop vite dans les ruelles », dit-elle.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Plusieurs affiches sont déjà en place pour prévenir la vitesse dans les ruelles de Rosemont.

Jacques Passini, qui a grandi en jouant dans les ruelles de Rosemont–La Petite-Patrie, note qu’une réduction de la vitesse permise, de même que la fermeture de certains accès aux ruelles pour les conducteurs de véhicules automobiles, est nécessaire.

« Quand j’étais jeune, on pouvait jouer dans les ruelles en sécurité parce qu’il n’y avait pas beaucoup de véhicules. Maintenant, il faut avoir des yeux tout le tour de la tête, car ça entre et ça sort constamment. »

Transit dans les ruelles

Une semaine avant la collision mortelle, un enfant de 4 ans a été happé par la conductrice d’un véhicule utilitaire sport (VUS) qui faisait un virage pour s’engager dans une ruelle près des avenues Bloomfield et Lajoie, dans l’arrondissement d’Outremont.

Le garçon a été admis à l’hôpital dans un état critique avec des blessures à la tête, mais a depuis été déclaré hors de danger.

Walid Mangour, qui habite près du lieu de la collision, déplore que les ruelles du quartier ne soient pas sûres pour les enfants. Il interdit d’ailleurs à ses deux garçons d’y jouer.

Les ruelles sont des autoroutes. Il y a constamment des camions de livraison qui passent à toute vitesse, tout ça pour gagner 30 secondes et éviter les arrêts.

Walid Mangour, résidant d’Outremont

La procédure pour transformer une ruelle verte et y bloquer un des accès afin d’éviter la circulation de transit est « compliquée » et dissuade les citoyens de s’impliquer, note-t-il.

« Il faut que je fasse le tour de toutes les portes, sur une distance de quatre blocs, avoir les signatures de tout le monde, tout ça pour que l’arrondissement puisse éventuellement étudier la possibilité d’installer ça. Est-ce qu’ils attendent qu’un enfant meure pour bouger ? »

D’autres citoyens sont d’avis que c’est aux enfants de faire plus attention dans les ruelles.

« Ils jouent à la trottinette, ils jouent au ballon, et ne regardent pas nécessairement autour d’eux », explique une résidante d’Outremont qui a dit s’appeler Anne-Marie.

Selon Sandrine Cabana-Degani, directrice de Piétons Québec, l’abaissement de la limite de vitesse dans les ruelles est souhaitable et doit s’inscrire dans une politique plus vaste de sécurisation des ruelles, notamment celle de bloquer certaines des entrées aux véhicules.

« Dans les faits, rouler avec son véhicule dans une ruelle pour passer d’une rue à l’autre est interdit par le règlement municipal », dit-elle.

Quant à la question de l’entrée et de la sortie des ruelles, les arrondissements pourraient s’assurer d’améliorer la visibilité des automobilistes en y interdisant le stationnement sur une distance de 5 m avant et après l’entrée d’une ruelle, comme le règlement municipal l’exige au coin des rues.

Aussi, pour forcer un ralentissement à l’entrée d’une ruelle, il est possible d’aménager un trottoir sans abaissement, et placer la pente pour laisser passer l’automobile au niveau de la rangée de stationnements. « La pente va être un petit peu plus abrupte, et ça invite à ralentir dans son virage. »

En savoir plus
  • 20 km/h
    C’est la vitesse maximum permise par défaut pour les conducteurs de véhicules automobiles dans les ruelles de Montréal. L’initiative de Rosemont–La Petite-Patrie de la réduire à 10 km/h est la première du genre à Montréal.
    SOURCE : Arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie