Malgré ses promesses de collaboration, la Société de transport de Montréal (STM) a elle aussi accueilli très froidement le projet du REM de l’Est et craint qu’il cannibalise son réseau, a appris La Presse.

Une analyse interne que nous avons obtenue déplore que la STM n’ait « aucunement » été consultée quant au projet, dont elle a appris l’existence « 24 heures avant l’annonce » publique.

Résultat, de l’avis de la Société : un manque de complémentarité avec le réseau de transports en commun existant.

« Le REM de l’Est aura un impact majeur sur la structure du réseau bus, l’achalandage de la STM dans l’Est et sur le prolongement de la ligne bleue », prévoit la STM dans un court document de deux pages, non daté et non signé. Le nouveau train profitera à des milliers de personnes, mais « il ne complémente pas sur tout son tracé le réseau des infrastructures existantes et futures (train de l’Est, ligne verte, SRB Pie-IX et prolongement de la ligne bleue). Une baisse de l’achalandage (et donc des revenus) est à prévoir. »

Car plus de 70 % des résidants des secteurs desservis par le tracé du REM de l’Est se rendent déjà au centre-ville en transports en commun, notent les auteurs.

Le transfert modal que fait miroiter le REM se fera donc principalement du transport collectif (bus, métro, train) au transport collectif (REM). Ceci est particulièrement vrai sur le territoire montréalais.

L’analyse interne de la STM

Conséquence prévue : des recettes globales « relativement stables » pour les transports en commun, avec des dépenses qui augmentent en flèche. « Dans le contexte financier actuel et sans une hausse des revenus dédiés à l’exploitation des transports collectifs, ce modèle n’est pas viable à court, moyen et long termes pour la région. »

La STM n’a jamais ouvertement critiqué CDPQ Infra, même si des lignes de faille se laissaient parfois deviner entre les organisations. Le mois dernier, la STM avouait aux élus municipaux qu’elle n’avait pas terminé de planifier le raccordement des stations du REM de l’Ouest au réseau de transports en commun local, alors que le premier tronçon de la ligne doit être inauguré cette année.

Le mandat de la Caisse montré du doigt

À la source de tous les problèmes, selon l’analyse : l’objectif de CDPQ Infra, qui consiste au final à dégager un profit.

« La Caisse a le mandat premier de faire fructifier ses avoirs. Les sociétés de transport ont pour objectif de développer des réseaux complémentaires qui profitent aux clients. Les deux mandats sont légitimes, mais souvent incompatibles », conclut le document.

Au-delà de la valeur intrinsèque des projets, il sera toujours extrêmement difficile de faire raisonner la CDPQ en termes de réseau métropolitain ou d’intégration urbaine alors que son principal objectif ne se trouve pas là.

L’analyse interne de la STM

La STM en veut notamment pour preuve que CDPQ Infra refuse de considérer la possibilité d’un REM de l’Est qui finirait à la station de métro Honoré-Beaugrand (la plus à l’est) ou encore la possibilité que les deux lignes du REM communiquent entre elles.

Ces options « générerai[en]t moins de déplacements pour le REM, mais plus de déplacements dans l’ensemble des réseaux », note la STM en rappelant que CDPQ Infra doit être payée en fonction du nombre de passagers-kilomètre. Par ailleurs, « la CDPQ veut garder indépendants [les deux REM] afin d’en faciliter la revente, croient savoir les auteurs de l’analyse. Leurs réseaux sont indirectement connectés par le métro et profitent ainsi d’une infrastructure publique pour générer un profit privé ».

« Note préliminaire »

Mardi soir, la STM a minimisé l’importance du document obtenu par La Presse, sans toutefois faire une profession de foi envers le REM de l’Est.

« La STM a produit cette note préliminaire à la demande de la Ville de Montréal, dans la foulée de l’annonce initiale du projet », a indiqué Isabelle A. Tremblay, conseillère aux communications, par courriel. « Cette note préliminaire était basée sur les informations publiques disponibles à ce moment et la STM n’a donc pas pu faire une analyse approfondie de ce projet. »

Par ailleurs, l’organisation estime que l’ARTM, très critique du projet, « a joué son rôle en examinant attentivement le projet de REM de l’Est dans le cadre de sa mission de planification du transport collectif dans la grande région de Montréal ».

Avis non transmis à CDPQ Infra

CDPQ Infra, pour sa part, a affirmé qu’elle n’avait pas été informée du contenu de cette note.

« Dès la prise en charge du mandat en 2019, nous travaillons étroitement et régulièrement avec l’ARTM, l’autorité responsable de la planification des transports métropolitains. Dès l’annonce du projet, en décembre 2020, nous avons tenu des rencontres plus actives avec la STM afin de coordonner l’organisation des réseaux », a indiqué le porte-parole de l’organisation, Jean-Vincent Lacroix.

« Cet avis ainsi que sa teneur n’ont pas été transmis à notre organisation. Nous échangerons assurément avec la STM à ce propos afin de répondre à leurs préoccupations », a-t-il ajouté.