Si déplacer votre auto pour laisser passer la déneigeuse vous donne des maux de tête, imaginez ce que ce serait si vous étiez responsable de plus de 1000 véhicules éparpillés dans les rues de Montréal.

C’est le cas de Communauto, qui offre des voitures que les Montréalais peuvent prendre et abandonner dans les arrondissements centraux de la métropole. Pour l’entreprise, chaque tempête prend l’allure d’un casse-tête logistique et d’une course à relais.

La mission : laisser la voie libre aux équipes de déneigement. Et minimiser les frais d’amende et de remorquage.

À 14 h 58, un surlendemain de tempête, Simon Rouleau-Mailloux et Jérémie Brulon ont les yeux rivés sur un grand écran dans les bureaux de l’entreprise, dans Rosemont. Dans quelques secondes, une carte électronique de Montréal se colorera selon les routes confiées aux équipes de déneigement pour la nuit.

Il est 15 h. La carte est mise à jour. « On part », lance Simon Rouleau-Mailloux, le gestionnaire du parc automobile de Communauto. Plus de 500 voitures doivent faire l’objet d’une vérification, parce qu’elles n’ont pas été utilisées récemment et pourraient avoir été laissées sur une route de déneigement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un travailleur de Communauto libère un de ses véhicules coincé dans la neige pendant une opération de déneigement.

« Si c’est vert, il y a du déneigement prévu dans les 4-24 heures, bleu dans les 4 heures, orange le déneigement est en cours. Si c’est en rouge, il est trop tard, la déneigeuse est dessus. Normalement, on s’est fait remorquer », explique-t-il. « Tu vois, celle-là […] on l’a manquée. Clairement, elle s’est fait remorquer. C’est quand même rare. »

« Oui, c’est lourd », continue le trentenaire. Heureusement, « des tempêtes on n’en a pas tant que ça ».

Les deux jeunes hommes cliquent à la vitesse de l’éclair sur la carte afin de déterminer quelles voitures devront faire l’objet d’une intervention des équipes de Communauto. Le service déclenche une offre de gratuité afin de pousser les clients à prendre en charge les voitures – et donc leur stationnement – eux-mêmes en échange d’une utilisation sans frais.

À l’attaque du banc de neige

La gratuité ainsi offerte permet à Communauto de s’épargner bien du travail. Mais rien ne peut faire bouger les voitures paralysées sur le chemin d’un déneigeur.

C’est le cas d’une Prius coincée dans un banc de neige de la rue de La Roche, près de l’intersection de la rue Bélanger, toujours dans Rosemont. La voiture est rapidement localisée par Simon Rouleau-Mailloux et Jérémie Brulon sur la carte : un utilisateur a signalé à Communauto qu’elle se trouvait dans une fâcheuse position. Si personne n’intervient, elle sera remorquée dans quelques heures.

Dossard sur le dos, Jérémie Brulon saute dans un véhicule de l’entreprise et met les gaz. D’autres collègues se dirigent vers d’autres voitures en perdition, bloquées ou simplement abandonnées dans un secteur peu prisé des utilisateurs.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un travailleur de Communauto libère un de ses véhicules coincé dans la neige pendant une opération de déneigement.

Sur place, Jérémie Brulon constate que la petite voiture grise est bien coincée. Le jeune homme est originaire de l’est de la France : sortir une voiture d’un banc de neige est un talent qu’il a acquis depuis son arrivée au Québec il y a quatre ans. « C’est bien ici que j’ai appris ça », rigole-t-il.

Avec quelques coups de pelle bien placés, l’aide de plaques d’adhérence (traction aids) et beaucoup de patience, le travail finit par réussir à créer un mouvement de va-et-vient avec la voiture afin de la sortir de la congère où elle se trouve. « Maintenant, on passe au plus dur : trouver un emplacement » pour la voiture, alors que les panneaux orange se multiplient dans le quartier.

Discussions avec la Ville

Mais si Communauto veut continuer à croître comme elle prévoit de le faire, des solutions plus simples devront être trouvées, a expliqué en entrevue Marco Viviani, vice-président au développement stratégique de l’entreprise. À l’heure actuelle, elle possède 2300 autos à Montréal, dont environ 1000 en libre-service dans les rues et 1300 dans des stationnements privés.

« L’autopartage grandit très rapidement, ça signifie qu’on doit déployer plus de véhicules », indique M. Viviani, qui évoque un scénario où Communauto exploiterait « 5000, 10 000 véhicules ».

Les règles de déneigement dans les villes sont faites pour les gens qui possèdent un véhicule et sont capables d’aller le déplacer parce qu’ils ont juste un véhicule à gérer. Mais nous, on en gère des milliers.

Marco Viviani vice-président au développement stratégique de Communauto

Communauto est donc en discussion avec la Ville pour lui permettre d’alléger sa tâche lors des tempêtes de neige. M. Viviani évoque la possibilité que les convois de chargement contournent les véhicules Communauto sur leur chemin ou que les employés de déneigement disposent d’une clé électronique pour déplacer eux-mêmes ces voitures « dans des cas exceptionnels ».

« Je dois dire que la Ville de Montréal est très ouverte à trouver des solutions, constate M. Viviani. Si on veut que l’autopartage fasse vraiment la différence dans la Ville, il faut avoir des règlements compatibles avec l’autopartage. »

En savoir plus
  • 7 %
    Communauto revendique 7 % des ménages montréalais parmi ses abonnés. La proportion monte à 20 % sur le Plateau Mont-Royal. La vaste majorité des abonnés de Communauto n’ont pas de voiture personnelle.
    Source : Communauto