Les Québécois peuvent dire au revoir au cœur de l’ancien pont Champlain. Cette immense travée d’acier de plus de 100 mètres de long, qui enjambe le fleuve depuis 60 ans, a été détachée et descendue jusqu’au fleuve, puis sera remorquée dans une opération d’envergure « unique au Canada », prévue de jeudi à samedi.

Après avoir dominé à l’entrée de Montréal pendant des décennies, l’imposante structure d’acier de 2200 tonnes – soit l’équivalent d’une douzaine d’avions Boeing 747 – a été décrochée dans la nuit de jeudi à vendredi.

Dès 10 h vendredi, l’opération pour descendre la travée sur les 33 mètres la séparant du fleuve Saint-Laurent a été entreprise à l’aide de vérins à câbles, installés sur les structures adjacentes, ont annoncé vendredi les Ponts Jacques Cartier et Champlain (PJCCI), société d’État fédérale responsable notamment des deux ponts. La manœuvre délicate a requis la coordination d’une cinquantaine de personnes et était toujours en cours en début de soirée vendredi.

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La déconstruction de l’imposante structure d’acier de 2200 tonnes a requis la coordination d’une cinquantaine de personnes.

La structure d’acier terminera sa course sur deux immenses barges sur le fleuve. Samedi, la travée sera remorquée à contre-courant sur trois kilomètres jusqu’à Brossard, près du parc Léon-Gravel, avant d’être démontée au printemps.

Cette étape marque la moitié des travaux de déconstruction de l’ancien pont Champlain, qui ont débuté il y a 18 mois.

« Étape clé »

Jusqu’à présent, 26 travées – soit les structures horizontales situées entre les piliers du pont – ont déjà été enlevées dans la foulée des travaux de déconstruction de l’ancien pont Champlain. « Il y a une cinquantaine de travées sur le pont au complet. Et une travée normale, ça mesure 50 mètres », a précisé Nathalie Lessard, directrice des communications des PJCCI.

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Nathalie Lessard, directrice des communications des Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée

Or, la structure principale démontée vendredi est beaucoup plus imposante, avec une longueur de 117,5 mètres. Elle a demandé une opération à part entière. « C’est pas mal une étape clé de la déconstruction du pont Champlain », a affirmé Mme Lessard.

L’un des obstacles consistait à ne pas gêner le trafic maritime sur le fleuve. « On ne peut pas travailler à n’importe quel moment au-dessus de la Voie maritime du Saint-Laurent », a expliqué Mme Lessard. Cette étape délicate ne pouvait être franchie qu’au « moment où les activités de navigation commerciale sont interrompues sur la Voie maritime », indiquait aussi le communiqué de presse publié vendredi.

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Les travaux de déconstruction de l’ancien pont Champlain ont débuté il y a 18 mois et respectent l’échéancier prévu initialement.

De plus, la température devait être au rendez-vous pour mener à bien l’opération. « On avait besoin d’une fenêtre d’environ 72 heures de météo favorable », a affirmé Nathalie Lessard. Cela signifiait l’absence de fortes précipitations ou de vents – pour éviter que la travée se balance ou la présence de vagues sur le cours d’eau –, de même que des températures clémentes pour assurer la sécurité des équipements hydrauliques. « C’était une journée idéale sur tous ces volets », a souligné Mme Lessard.

Nouvel Horizon St-Laurent, consortium responsable des travaux de déconstruction, a choisi cette façon de procéder, entre autres, pour sa rapidité.

En quelques heures, on va avoir enlevé cette grande travée et on va l’avoir déplacée. Donc, c’est une méthode très efficace en matière de temps.

Nathalie Lessard, directrice des communications des PJCCI

« L’opération de descente de la travée principale est le fruit de près de deux années de conception, de coordination et de planification détaillée qui se concrétise aujourd’hui par une opération unique au Canada », a aussi précisé Fabrice Guedon, directeur de projet de Nouvel Horizon St-Laurent, dans un communiqué.

Recycler un pont

Le projet a été réalisé avec l’intention de recycler ou de réutiliser les structures de l’ancien pont Champlain. « La déconstruction d’un pont de 3,4 kilomètres de long génère énormément de matériaux, a expliqué Mme Lessard. Donc, l’une des exigences mises au contrat [pour la déconstruction], c’était que 90 % des 287 000 tonnes de matériaux soient recyclés ou réutilisés. »

Jusqu’à présent, 26 travées, 14 piles – soit le nom technique donné aux jambes du pont – et 4 semelles (la partie submergée des piles) ont été déconstruites à partir de L’Île-des-Sœurs vers Brossard.

Le coût total du projet de déconstruction du pont Champlain est évalué à 400 millions de dollars. En plus des chantiers, cette somme inclut le réaménagement des terrains adjacents, le recyclage des matériaux et un projet de recherche. La déconstruction elle-même est évaluée à 225,7 millions de dollars. Le chantier respecte l’échéancier prévu initialement, selon les PJCCI.

La suite des choses ? Démanteler les sections en « porte-à-faux » qui étaient rattachées à la travée principale, de même que les travées d’ancrage. Ces travaux se feront à l’aide de grues installées sur les jetées et sur la digue de la Voie maritime. « Ces sections seront déconstruites, membrure par membrure, précise le communiqué des PJCCI. Puis, elles seront recyclées ou réutilisées selon leur nature. »

250 000

Poids du béton de l’ancien pont Champlain (en tonnes)

25 000

Poids de l’acier de l’ancien pont Champlain (en tonnes)

12 000

Poids de l’asphalte de l’ancien pont Champlain (en tonnes)

Source : Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée