Alors que les ressources d’aide aux sans-abri peinent à fournir et que les campements illégaux se multiplient à Montréal, un refuge d’urgence du centre-ville fermera ses portes à la fin du mois. Les organismes communautaires redoutent de ne pas pouvoir reloger tout le monde, car la pandémie a beaucoup limité le nombre de places offertes dans les refuges.

En octobre dernier, l’hôtel Place Dupuis a été temporairement transformé en refuge pour aider la population itinérante du Village à traverser l’hiver. L’endroit offre 250 places pour dormir chaque nuit. Sa fermeture a été annoncée une première fois pour le 31 mars, mais a été reportée en raison de la crise sanitaire. Finalement, la Mission Bon Accueil, qui chapeaute le refuge, le fermera le 30 juin.

James Hughes, directeur général de la Mission Old Brewery, déplore cette fermeture trop hâtive, selon lui. « Je sais que ces ressources sont normalement prévues pour l’hiver, dit-il, mais cette année, nous faisons face à une situation catastrophique. La pandémie et la crise du logement ont fait en sorte qu’il y a beaucoup d’itinérants cette année, et il y a beaucoup moins de places que d’habitude dans nos refuges. »

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La place Émilie-Gamelin, située juste à côté du refuge de l’hôtel Place Dupuis, se remplit chaque jour de plusieurs dizaines de personnes en situation d’itinérance.

La Ville de Montréal a confirmé la fermeture du refuge, puisque le contrat passé avec les propriétaires de l’hôtel prendra fin à la fin du mois. La porte-parole de l’administration, Mélanie Gagné, a toutefois tenu à indiquer qu’il n’y aurait « pas d’interruption de services » le 1er juillet. La mise en place d’un nouveau lieu d’hébergement temporaire, assez grand pour accueillir tous les occupants du refuge actuel, devrait être annoncée prochainement.

Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont aussi fait état de cette annonce imminente, mais il n’a pas été possible de savoir où se trouverait ce nouveau centre ni combien de personnes pourraient y être accueillies. La relationniste du CIUSSS, Jocelyne Boudreault, a affirmé que le nouveau centre offrirait « plus de services » que le refuge actuel.

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Oumar Leduc, 61 ans, ne sait pas où il ira lorsque le refuge de l’hôtel Place Dupuis fermera.

« Nous, on nous a seulement dit que ça allait fermer. Il y a des gens qui disent qu’on va être emmenés ailleurs, mais c’est certain qu’il n’y aura pas de place pour tous ces gens-là », raconte Oumar Leduc, un homme de 61 ans qui dort dans ce refuge depuis l’hiver dernier. Il voudrait trouver un logement à loyer modique ou une place dans les refuges, où il a déjà résidé, mais il n’en trouve pas pour le moment. « C’est vraiment pas facile quand tout le monde cherche en même temps. »

« Un nouveau phénomène »

Le directeur de la Mission Old Brewery, James Hughes, souligne que la pandémie a exacerbé le problème de l’itinérance à Montréal. Les ressources de soutien peinent à composer avec les mesures sanitaires, ce qui explique selon lui l’apparition de campements illégaux à Montréal.

C’est un nouveau phénomène. Avant, on voyait des campements dans des villes comme Vancouver et Toronto, mais Montréal était relativement épargné.

James Hugues, directeur de la Mission Old Brewery

Il y a trois jours à peine, le lundi 7 juin, un de ces campements de fortune a été démantelé à l’angle de la rue Saint-Hubert et du boulevard De Maisonneuve. Selon les informations de la Ville de Montréal, ce campement situé à quelques pas du refuge de la Place Dupuis est le troisième démantelé en moins d’un an, après ceux de la rue Notre-Dame et du boisé Steinberg. Les résidants de ce campement ont été avertis une dizaine de jours à l’avance de leur expulsion, et la Ville assure avoir mis des ressources à la disposition des personnes expulsées pour les aider à trouver un endroit où dormir.

Pour James Hughes, l’apparition des campements serait une conséquence du manque de places dans les refuges, en raison des mesures sanitaires et de l’augmentation du nombre de personnes itinérantes. « En temps normal, on a beaucoup de places qui se libèrent à chaque début de mois, lorsque les gens reçoivent leur chèque de l’aide sociale. Cette année, ça ne prend que quatre ou cinq jours avant qu’on n’ait plus de place. »

Une analyse que ne partage pas le ministère de la Santé et des Services sociaux, joint par La Presse. « Contrairement à ce que vous avancez, les refuges ne sont pas pleins et il reste de la place », a indiqué Sarah Bigras, attachée de presse du ministre Lionel Carmant.