Ça y est. Pour la première fois en cinq mois, les Montréalais ont pu déambuler dans les rues de la métropole bien après la tombée du jour. Entre des parcs bondés et des terrasses qui affichaient complet, une euphorie planait dans l’air du soir, jusqu’à encourager certains clients à faire fi des règles.

« C’est le party jusqu’à demain matin ! », s’exclame vendredi soir Thamar Soussy, tout sourire. Il a tout prévu. Un premier arrêt sur une terrasse de la rue Saint-Denis, puis une virée dans un parc avec ses amis. « C’est fou, c’est comme si on était libérés d’une cage », lance-t-il.

À l’occasion de la levée du couvre-feu dans la province, La Presse a pris le pouls des Montréalais qui ont bravé le froid pour savourer les premières libertés d’un été qui s’annonce presque normal. Que ce soit au coin d’une table ou sur un banc de parc, les fous rires ont fusé partout dans le centre-ville, manifestations de l’optimisme qui gagne peu à peu la population.

« On sent les années folles qui arrivent », rigole Vincent Dufault. Mais en attendant l’après-guerre, son ami Guillaume G. Tisseur et lui ont commencé leur soirée autour d’une frite. Où allaient-ils la terminer ? Aucune idée, et c’est ce qui les emballait.

On va se laisser guider par ce qui va se pointer. La soirée est encore pleine de surprises.

Guillaume G. Tisseur

À quelques kilomètres de là, sur une terrasse huppée de l’avenue du Mont-Royal, Tamar Bulka fait le plein avant une soirée qui s’annonce longue. Huîtres, tartares, cocktails fruités : le déconfinement, ça se fête. « Ça va faire du bien de ne pas avoir à faire la vaisselle après le souper ! », dit-elle.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

La terrasse du restaurant L’Évidence, rue Saint-Denis

La frénésie s’est fait sentir dès l’heure du dîner. Le propriétaire de L’Évidence, restaurant de la rue Saint-Denis réputé pour ses brunchs, a accueilli ses premiers clients tôt, vendredi matin. « Il ne faisait pas chaud, mais les gens voulaient quand même manger sur la terrasse. Je suis très, très optimiste », dit Mourad Fhal. Pour qu’il puisse installer sa terrasse, la Ville a dû détourner le tracé du Réseau express vélo.

Quelques débordements

Lors de sa tournée en ville, La Presse a constaté que les consignes sanitaires étaient respectées par la plupart des établissements. Les clients de bulles différentes respectaient une distance de deux mètres, séparés par des plexiglas. Les personnes qui n’étaient pas en mesure de prouver qu’elles résidaient à la même adresse étaient refusées par certains restaurateurs.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

La terrasse du restaurant Grinder, dans Griffintown

Or, la scène était tout autre au restaurant Grinder, au cœur de Griffintown. Plus d’une centaine de personnes s’étaient entassées, sans masque, sur le trottoir entre le restaurant et sa terrasse. La gérante sur place, Mélissa Drot, s’est défendue en disant n’avoir « aucun contrôle sur les gens qui se trouvent sur le trottoir, car c’est un terrain public ».

Elle affirme que le restaurant respecte les consignes sanitaires à l’intérieur de son enceinte. Lors de son passage, La Presse a été témoin de nombreuses accolades entre serveurs et clients.

Tard, vendredi soir, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’a rapporté aucun constat d’infraction remis en vertu de la Loi sur la santé publique. « On a beaucoup de policiers sur le terrain, mais tout est sous contrôle », a indiqué le porte-parole Jean-Pierre Brabant.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre François Legault et sa femme, Isabelle Brais

« Santé ! »

Même les élus ont profité de la soirée pour célébrer l’ouverture des terrasses. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a jeté son dévolu sur celle du Rouge Gorge, dans Le Plateau-Mont-Royal. « Je vois les gens souriants, contents et ça me fait tellement plaisir. On savoure, on célèbre les efforts qu’on a faits collectivement », a-t-elle déclaré, optimiste.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

C’est un bel été qui nous attend, et j’oserais même dire l’été de la renaissance et de la victoire.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Le premier ministre François Legault et sa femme ont partagé un repas à la brasserie Chez Lévêque, dans Outremont. « Santé ! », a écrit M. Legault sur Twitter.

« Comme la veille du Nouvel An »

Sur le coup de 21 h 30, un cri de joie a empli l’air du parc La Fontaine. Des feux d’artifice ont coloré le ciel et le volume de la musique a monté d’un cran.

Alexis Michel dansait pour ses 26 ans en compagnie de quelques amis, ayant tous reçu une première dose de vaccin, à l’occasion d’une fête d’anniversaire surprise. « On va enfin pouvoir souffler après un an et demi », a lancé sa copine, Cindy Jate.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Rassemblement au parc La Fontaine, vendredi soir

Un peu plus loin, de la musique électronique sortait d’un haut-parleur illuminé de multiples couleurs, autour duquel une quinzaine de personnes célébraient.

« C’est comme la veille du Nouvel An », a déclaré Mylene Urvoy, réjouie par la fin du couvre-feu. « Enfin on n’a pas peur. […] On s’est habitués très vite à une période de prohibition », a ajouté l’une de ses amies, Sila Aksen. Barbecue, danse, artistes qui lançaient des bâtons enflammés dans les airs… Une frénésie certaine s’était emparée de tout le parc.

Des foules se aussi sont réunies dans plusieurs autres espaces publics de la ville, dont le square Dorchester, où des feux d’artifice ont aussi été lancés.

Les policiers pas plus conciliants

Le retour des beaux jours ne doit pas être synonyme de relâchement du respect des consignes sanitaires, préviennent les corps policiers. « Les citoyens ne doivent pas tenir pour acquis que les policiers seront plus conciliants. S’ils enfreignent la loi, ils seront sujets à une contravention », affirme Ann Mathieu, porte-parole de la Sûreté du Québec.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Après avoir pris les couleurs de l’arc-en-ciel le temps du couvre-feu, le pont Jacques-Cartier est revenu à son illumination habituelle, vendredi soir.

Même son de cloche du côté du Service de police de la Ville de Montréal, qui, en vue du déconfinement progressif, « poursuivra ses efforts dans l’application du décret en vigueur, toujours en soutien à la Santé publique ». En ce sens, « les policiers assureront une visibilité sur le terrain et les endroits susceptibles d’être hautement fréquentés pourraient faire l’objet d’attentions spéciales ».

Cette fin de semaine, la plage du Cap-Saint-Jacques, qui a été le théâtre de plusieurs rassemblements ces derniers jours, sera dans la ligne de mire du SPVM. Un service d’ordre local y sera déployé dans le but de veiller au respect des mesures sanitaires.

Avec la collaboration de Lila Dussault et de Rafael Miro, La Presse

Ailleurs au Québec

Québec : un gros party assombri par des violences

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Quelque 2000 personnes se sont réunies vendredi au parc Victoria, à Québec.

À peine quelques minutes après avoir symboliquement souligné la fin du couvre-feu, les fêtards au parc Victoria, à Québec, ont vu leur soirée s’assombrir et prendre fin abruptement après l’intervention des policiers pour deux personnes blessées. « On vous demande de quitter le parc immédiatement », a lancé la police dans les haut-parleurs. Les camions aux gyrophares rouge et bleu ont pris d’assaut le parc urbain vers 22 h. Quelques minutes auparavant, sur le coup de 21 h 30, la fête battait pourtant son plein. Les jeunes fêtards rassemblés y allaient d’un « Olé olé » bien senti pour signifier la première soirée de levée du couvre-feu. Le party durait depuis quelques heures déjà et les quelque 2000 personnes réunies en bulles plus ou moins légales semblaient bien décidées à le faire durer jusqu’au petit matin. Mais la soirée a pris une tout autre tournure et les policiers, jusque-là « tolérants », ont dû intervenir. Une jeune femme aurait été blessée à la tête à l’aide d’une bouteille de verre tandis qu’un homme aurait subi des blessures à l’arme blanche. La foule éparse, bien qu’encore appréciable, a été évacuée. Une vingtaine de minutes plus tard, il ne restait de la fête que des poubelles bien remplies, des déchets éparpillés et quelques badauds.

Le Soleil

Outaouais : une première soirée réussie pour les terrasses

PHOTO MARTIN ROY, LE DROIT

Le temps frisquet n’a pas refroidi les ardeurs des centaines de clients qui se sont rués sur les terrasses des restaurants de la région, vendredi soir, pour la première soirée du déconfinement en Outaouais. La plupart des terrasses visitées par Le Droit en milieu de soirée étaient remplies au maximum de leur capacité, adaptée aux mesures sanitaires. Tania Houle, rencontrée aux Brasseurs du Temps (BDT), dans le secteur de Hull, a confié avoir fait la tournée des restaurants du Vieux-Hull pour laisser son nom dans l’espoir de trouver une table accessible, elle qui n’avait pas fait de réservation. « Je me suis même habillée trop chic, mais ce n’est pas grave, on voulait juste sortir, on est contents ! » Sur la terrasse du Chelsea Pub, Catherine Pagé a pu obtenir une table sans réservation. « Ça roulait bien. Il n’y avait pas trop d’attente. Juste le fait de voir des gens. Le monde porte son masque, les mesures étaient bien respectées. Juste sortir, ça fait du bien au moral. » La levée du couvre-feu a également fait des heureux. « Juste le fait de ne pas avoir l’obligation de rentrer, c’est déjà ça », a avoué Denis, qui se promenait avec sa conjointe, Alexandra, rue Laval en attendant que leur table soit prête. Lorsqu’elles ont été questionnées sur leur intention de profiter de la levée du couvre-feu, Marilyne et Véronique ont quant à elles été catégoriques et unanimes : « Oh que oui ! »

Le Droit

Chicoutimi : des restaurants encore pleins à 21 h

PHOTO MICHEL TREMBLAY, LE QUOTIDIEN

Julien Claveau et Anne-Frédérique Savard avaient l'intention de profiter de la levée du couvre-feu pour veiller tard, à Saguenay.

Malgré la fraîcheur de la soirée, les gourmets, les familles et les fêtards étaient au rendez-vous dans les restaurants de la rue Racine, à Chicoutimi, pour profiter de la levée du couvre-feu. « On est complet depuis dimanche dernier », confie la directrice adjointe de la Voie Maltée, Roxane Côté. Cependant, il n’y avait pratiquement pas un chat dans les rues. Les terrasses des restaurants étaient boudées à cause des conditions météorologiques qui tendaient, au fil de la soirée, vers le 0 ˚C, mais les salles étaient pour la plupart bondées. Avec la levée du couvre-feu, un sentiment de liberté planait sur la ville. « C’est quand même un petit soulagement de pouvoir décider de rentrer à l’heure qu’on veut sans être stressé », affirme Julien Claveau, venu passer un moment avec ses amis dans la joie et la bonne humeur. « On en profitait quand même un peu avant le couvre-feu, mais maintenant, on va en profiter encore plus ! », s’exclame son amie Anne-Frédérique Savard. Les deux épicuriens ont dîné au Bistrot Summum et ont continué les festivités au Maria Maria. Ils prévoyaient profiter jusqu’au bout de la nuit, ou du moins, jusqu’à la fermeture des restaurants, à minuit.

Le Quotidien

Sherbrooke : un peu moins de pression chez les restaurateurs

PHOTO JESSICA GARNEAU, LA TRIBUNE

Anik Beaudoin, propriétaire du restaurant Auguste à Sherbrooke

La pression a baissé d’un cran chez les restaurateurs. Depuis vendredi, ils peuvent accueillir des clients sur leur terrasse. Lundi, ils pourront ouvrir leur porte à leur clientèle, peu importe de quelle région elle provient. Et ces clients ne seront pas obligés de quitter les lieux à 21 h. La propriétaire du restaurant Auguste, Anik Beaudoin, a bien hâte. Elle gardera cependant sa terrasse fermée en fin de semaine. « Il annonce 10 ˚C, on commençait à avoir des annulations. Faire entrer des cuisiniers et des serveurs pour très peu de clients, c’est non. On n’a pas de chauffe-terrasse au centre-ville et je n’ai pas le genre de nourriture qui se mange froide. Les restaurants ouvrent lundi. Dans mon cas, j’ai pesé les pour et les contre, puis on va se préparer pour la semaine prochaine », explique-t-elle. Et pour la semaine prochaine, le fait de pouvoir accueillir des gens de différentes zones est le grand changement pour elle. « Ça va faire du bien d’arrêter de jouer à la police ! », lance-t-elle. Copropriétaire du resto-bar Chez Stanley, Luc Laplante a ouvert sa terrasse vendredi. « C’est un peu ridicule que ce soit seulement trois jours. Il faut gérer la température et les gens. Mais on va s’y faire, on est juste contents d’ouvrir. Les employés aussi sont contents de recommencer à travailler », convient-il, rappelant que sa terrasse est chauffée et couverte.

La Tribune

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