L’île de Montréal a perdu en 2020 un nombre record de résidants, essentiellement au profit de sa banlieue, selon les dernières données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui attribue ces mouvements en partie à la pandémie de COVID-19.

« Montréal enregistre des pertes de 35 900 personnes dans ses échanges migratoires avec les autres régions du Québec en 2019-2020. Il s’agit de son plus lourd déficit depuis que les données sont disponibles, soit depuis 2001-2002 », indique l’ISQ dans son dernier bulletin sur la migration interrégionale au Québec.

Montréal est la seule région où le nombre de sortants a augmenté au cours de la dernière année. C’est toutefois surtout une baisse des entrants en provenance des autres régions qui explique la détérioration de son bilan.

« Ces changements peuvent être mis en lien avec la pandémie de COVID-19, qui a eu des effets importants sur plusieurs des composantes de l’évolution de la population », selon l’ISQ.

La population de la métropole n’est cependant pas en baisse : elle a augmenté d’environ 5000 habitants de 2019 à 2020, si l’on tient compte de toutes les arrivées, des départs, des naissances et des morts. En comparaison, cette hausse était de 37 000 l’année précédente.

À Montréal, « le taux d’accroissement est passé de 18 pour 1000 en 2018-2019, l’un des plus élevés du Québec, à seulement 2 pour 1000 en 2019-2020, soit l’un des taux les plus faibles », souligne l’ISQ.

En plus des pertes au profit d’autres régions, deux autres facteurs expliquent le faible accroissement de la population de la métropole : une diminution du nombre d’immigrants en raison de la fermeture des frontières internationales, et l’augmentation de la mortalité durant la première vague de la pandémie, qui a surtout été concentrée dans les régions de Montréal et de Laval.

Loin d’un exode

Il ne faut pas voir dans ces données un signe que Montréal est sur le point de se vider de ses habitants, selon Mario Polèse, expert dans l’économie des villes et professeur émérite au Centre Urbanisation Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique.

Oui, la ville perd de nombreuses familles avec enfants, qui choisissent la banlieue, dit-il.

Habituellement, ces départs sont compensés par l’arrivée d’immigrants et de jeunes qui viennent faire leurs études au cégep ou à l’université, ce qui fait que la population de l’île continue de croître. Or, ces deux derniers groupes ont été brutalement touchés par la pandémie.

Mario Polèse, expert dans l’économie des villes

« L’immigration internationale s’est arrêtée net, et on dit aux étudiants de rester chez eux », précise-t-il.

Un autre indicateur, la robustesse du marché immobilier, est une preuve que Montréal suscite toujours de l’intérêt, selon lui.

Mais la généralisation du télétravail n’incite-t-elle pas de nombreux Montréalais à s’éloigner du bureau ?

« Le télétravail n’est pas pour tout le monde, répond M. Polèse. Il y a peut-être de 20 à 25 % de la main-d’œuvre qui y a accès, et les gens peuvent avoir encore besoin de se rencontrer pour certains projets. »

Le nombre de personnes quittant Montréal a augmenté de seulement 2000 entre 2019-2020 et 2018-2019, fait remarquer Philippe Rivet, conseiller à la recherche pour la Communauté métropolitaine de Montréal.

« On est loin d’un exode, renchérit-il. On peut avoir l’impression que l’île se vide, mais ce n’est pas le cas. Montréal est quand même le sixième pôle d’immigration en Amérique du Nord, par rapport à sa population. Un des enjeux, ça sera que Montréal redevienne ce pôle d’immigration à la sortie de la pandémie. »

Au pied des pentes

Quoi qu’il en soit, c’est bel et bien la possibilité de faire du télétravail qui a incité Josée Lafitte à déménager à Bromont.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Josée Lafitte a quitté le Vieux-Montréal pour s’installer à Bromont.

Installée dans le Vieux-Montréal pendant deux ans, avec son chien, elle s’était même débarrassée de sa voiture et se rendait travailler à pied.

« Mais là, arrive la pandémie, raconte-t-elle. Je suis toute seule dans mon petit trois et demie de 500 pieds carrés, et je commence à étouffer. »

Elle a cherché un logement plus grand, à Montréal, avec une cour, mais n’a rien trouvé qui lui convienne. Elle a donc décidé de réaliser un rêve en s’installant non loin d’un centre de ski, qu’elle fréquente presque quotidiennement.

« C’est excellent pour ma santé physique et mentale », conclut-elle.

Habitants ayant quitté Montréal pour d’autres régions

2019 à 2020 : 62 900

2018 à 2019 : 60 600

2017 à 2018 : 59 600

Habitants ayant quitté d’autres régions pour Montréal

2019 à 2020 : 27 000

2018 à 2019 : 32 700

2017 à 2018 : 36 000