Alors que les élus municipaux dans la métropole doivent prêter serment ce jeudi, des doutes subsistent dans plusieurs arrondissements, où des dépouillements judiciaires ont été demandés. Le processus électoral a peut-être « manqué de rigueur », de l’avis d’experts.

Des articles du Journal de Montréal et du quotidien Montreal Gazette ont fait état, ces derniers jours, d’« erreurs majeures » ou d’« anomalies » lors du comptage de certains bulletins.

La mairie de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, par exemple, où la mairesse sortante et candidate de Projet Montréal, Caroline Bourgeois, a été réélue par un peu plus de 300 voix, fait l’objet d’interrogations. Un bureau de scrutin y aurait notamment « rejeté 73 % des bulletins qui ont été déposés pour la mairie de Montréal », pendant qu’un autre en a rejeté 64 % et a déclaré le même nombre de votes pour chaque candidat. Un dépouillement judiciaire a déjà été demandé par Ensemble Montréal.

D’autres réclamations ont été faites. Projet Montréal a demandé un dépouillement à la mairie d’Outremont et un autre dans le district de Tétreaultville. En plus de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, l’ex-parti de Denis Coderre a demandé des dépouillements à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Les districts de Pointe-aux-Prairies et de Loyola ont aussi été visés. Tous les élus qui font l’objet d’un dépouillement ne pourront assister à la cérémonie de prestation de serment, prévue ce jeudi soir.

« Ça manquait de rigueur »

Selon la professeure en gestion municipale à l’UQAM Danielle Pilette, il semble évident que des problèmes devront être corrigés. « Ça manquait parfois de rigueur dans le processus électoral. Comme partout, les bureaux manquaient de personnel. On se demande si ces gens ont été formés avec autant de sérieux », observe-t-elle.

« La principale conséquence, ça va être un sérieux avertissement à la Ville, et probablement un rapport d’inspection », persiste Mme Pilette, qui rappelle qu’en 2005, le vote électronique avait aussi provoqué un véritable « cafouillage » dans la métropole.

Selon l’observatrice politique Justine McIntyre, ex-cheffe du parti Vrai changement pour Montréal, le métier de scrutateur s’exerce dans des conditions difficiles.

Quand on arrive au comptage, on ne peut pas être derrière l’épaule de chaque employé. Normalement, ils sont deux, ils sont donc capables de valider, mais ça se peut bien qu’il y ait eu des erreurs.

Justine McIntyre, observatrice politique

Le DGEQ « attentif »

La porte-parole d’Élections Montréal, Mathilde St-Vincent, affirme que son groupe « prend connaissance » de la liste des anomalies possibles. « Le processus de dépouillement des votes est régi par la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, que nous appliquons à la lettre », plaide-t-elle toutefois.

Julie St-Arnaud, porte-parole du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), affirme que l’organisme « est attentif à la situation de Montréal, ou de toute autre irrégularité potentielle dans les municipalités ». « Ce sont les présidents d’élection qui sont responsables. Ils doivent faire des vérifications, mais on continue de les accompagner s’ils ont des questions quant à l’application de la loi », précise-t-elle.

Le DGEQ promet aussi de « faire un tour de roue avec les municipalités, dans le contexte où il y avait de nouvelles modalités de vote introduites dans le contexte de la pandémie », notamment le vote postal. « On va regarder quelles ont été les problématiques. Ce qui peut être mal compris sur le terrain peut nous amener à clarifier des procédures à l’avenir », confie Mme St-Arnaud.

Où se sont jouées les élections ?

Les 19 arrondissements de Montréal sont divisés en 58 districts électoraux. Le découpage de ces districts en 2021 est le même qu’en 2017, ce qui permet de comparer les deux élections. Au total, Valérie Plante a remporté le vote dans huit districts où Denis Coderre avait eu le dessus en 2017. À l’inverse, M. Coderre n’a pu soustraire que deux districts à Mme Plante.

Dans Ahuntsic-Cartierville, trois des quatre districts remportés en 2017 par M. Coderre avec de courtes majorités sont passés dans le camp de Mme Plante. Valérie Plante a par ailleurs fait le plein de votes dans les quartiers centraux, avec des gains à Verdun et à L’Île-des-Sœurs notamment. Ses appuis ont toutefois diminué dans les extrémités est et ouest de l’île.

Pendant ce temps, Denis Coderre a connu ses plus grandes baisses d’appuis dans les districts centraux. Il a toutefois vu une légère hausse de ses appuis dans Lachine, Saint-Léonard, Anjou, Montréal-Nord et dans un district de Rivière-des-Prairies.

Thomas de Lorimier, La Presse