Si le principal intéressé reste pour l’instant muet sur ses intentions, tout indique que Denis Coderre ne demeurera pas dans l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal. Mais avec sa deuxième défaite en deux occasions contre Valérie Plante, l’ancien maire vient-il de signer la fin de sa carrière politique ? Les experts sont partagés.

« Ce qui est certain, c’est qu’il ne restera pas dans l’opposition, parce qu’à mon avis, même Ensemble Montréal et un certain nombre d’acteurs de la société civile ne le suivraient plus », affirme Danielle Pilette, spécialiste en gestion métropolitaine et municipale à l’Université du Québec à Montréal.

Des sources à l’interne dans son parti ont confirmé à La Presse lundi qu’il serait pour le moins « surprenant » de voir M. Coderre revenir dans l’opposition. Dimanche soir, le principal intéressé n’avait d’ailleurs pas abordé la question, quittant le rassemblement de son parti sans répondre aux questions des journalistes qui le talonnaient sur le sujet. À Radio-Canada, il y a quelques jours, il avait laissé entendre qu’il « aimerait » rester comme chef de l’opposition en cas de défaite, sans toutefois se prononcer avec détermination.

« M. Coderre n’a jamais pensé qu’il aurait une autre carrière que la politique, mais pendant quatre ans, il en a eu une. Aujourd’hui, il a quand même le choix », a confié une source proche de sa campagne, qui n’a pas souhaité s’identifier. « Il y a beaucoup d’adrénaline en politique, mais il y en a aussi dans plusieurs autres domaines », a ajouté cette source, qui ne compte pas recommander à l’ex-maire de rester dans l’opposition.

« Ça serait étonnant qu’il reste, après un tel résultat », a commenté Anie Samson, ancienne mairesse d’arrondissement défaite en 2017 avec le parti de Denis Coderre. « Il a perdu beaucoup de sièges et il a perdu ses gros ténors », avance-t-elle, ajoutant qu’un chef est censé tirer son équipe vers le haut, mais que M. Coderre a plutôt semblé être un boulet pour ses candidats.

Ensemble Montréal aura maintenant fort à faire pour se reconstruire. Pour diriger le parti, Anie Samson avance les noms de trois maires d’arrondissement : Jim Beis (Pierrefonds-Roxboro), Alan DeSousa (Saint-Laurent) et Christine Black (Montréal-Nord).

S’il n’y a pas l’ombre de Denis Coderre, ce sont les nouveaux qui décident. C’est une belle opportunité de redéfinir ce parti.

Anie Samson, ancienne mairesse de l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

En dehors de l’arène municipale, l’avenir politique de M. Coderre se retrouve aujourd’hui « bouché », selon Danielle Pilette, qui voit mal l’homme de 58 ans faire un retour au fédéral. « Au provincial, ce n’est pas exclu, mais deux défaites consécutives, ça fait mal. Ce n’est pas un avenir florissant qui s’annonce pour lui. Il est maintenant un politicien usé, qui représente une vieille génération de politiciens », dit la professeure.

« Comme une rétrogradation »

Pour l’observatrice politique Justine McIntyre, qui a aussi été cheffe du parti Vrai changement pour Montréal sur la scène municipale, il est évident que Denis Coderre ne veut pas de l’opposition. « Je pense que c’est une question de perception de soi. Il se perçoit clairement comme maire de Montréal. Il a mis énormément d’efforts pour y arriver, c’était réfléchi sur des années. Aller dans l’opposition, ça serait comme une rétrogradation pour lui », raisonne-t-elle.

Mais la suite de la carrière politique de Denis Coderre n’est pas pour autant terminée, estime Mme McIntyre. « Il va devoir y réfléchir longuement, parce qu’il n’est pas du genre à vouloir recommencer en bas de l’échelle », confie l’analyste.

Peut-être sera-t-il tenté de regarder du côté du Parti libéral du Québec, où ça ne va pas super bien côté leadership avec Dominique Anglade. Mais c’est encore très tôt.

Justine McIntyre, observatrice politique

« Denis Coderre est arrivé avec beaucoup de bagage à défendre, ajoute Mme McIntyre. Il a bien essayé de présenter une version 2.0 de lui-même, mais plusieurs comportements l’ont rattrapé. Et la société n’est plus là. »

Plusieurs têtes d’affiche défaites

Plusieurs têtes d’affiche d’Ensemble Montréal ont aussi mordu la poussière dimanche. Le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Lionel Perez, a perdu par quelques dizaines de voix contre son opposante à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Gracia Kasoki Katahwa, de Projet Montréal.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lionel Perez, tête d’affiche d’Ensemble Montréal, s’est incliné dans la course à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.

Autre défaite crève-cœur : celle de Karine Boivin-Roy, leader de l’opposition au conseil municipal depuis 2018, qui a été conseillère dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve au cours des huit dernières années. Elle tentait sa chance à la mairie de l’arrondissement, mais a dû s’incliner devant le maire sortant, Pierre Lessard-Blais, de Projet Montréal, qui a conservé son siège. Celle qui aurait été la numéro deux d’une administration Coderre, Nadine Gelly, n’a pas réussi à obtenir son laissez-passer pour le conseil municipal : elle a été défaite dans Verdun contre Véronique Tremblay.

Mme Tremblay, anciennement membre d’Ensemble Montréal, se présentait cette fois-ci avec l’équipe de Projet Montréal. Ensemble Montréal misait beaucoup sur Guillaume Lavoie, coprésident de la plateforme du parti, qui se présentait à la mairie de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, mais qui a perdu contre Laurence Lavigne Lalonde, de Projet Montréal. M. Lavoie est un transfuge de Projet Montréal, qui avait d’ailleurs perdu dans la course à la direction du parti contre… Valérie Plante, en 2016.

Denis Coderre avait aussi recruté des candidats ayant une certaine notoriété, comme l’animateur Jean Airoldi (Verdun) et la photographe Heidi Hollinger (Sud-Ouest), qui ont tous deux été défaits.