La mairesse sortante de Montréal, Valérie Plante, trouve inadmissible que son principal adversaire dans la course à la mairie, Denis Coderre, ait travaillé pour Transcontinental, alors que l’entreprise tentait d’influencer les autorités municipales au sujet de l’avenir du Publisac.

Elle dénonce d’autant plus que le président de sa campagne électorale, le conseiller municipal Francisco Miele, était vice-président de la commission chargée d’étudier le contrôle des cahiers publicitaires sur le territoire de la Ville, a souligné Mme Plante en conférence de presse, jeudi matin.

« Le fait que Denis Coderre ait été payé par Transcontinental, alors que l’entreprise a tenté d’influencer le processus au sujet du Publisac, ça fait qu’on peut se demander pourquoi il n’a pas senti le besoin de le dire dès le jour un : “J’ai conseillé Transcontinental alors qu’il y avait une commission sur l’avenir du Publisac, tenue par la Ville de Montréal” », a-t-elle dénoncé.

Elle se demande aussi s’il y a eu des conversations entre MM. Coderre et Miele au cours de cette période. Elle a déploré le manque de transparence de son adversaire à ce sujet.

La Presse a révélé mercredi que Transcontinental était l’une des entreprises pour lesquelles Denis Coderre avait travaillé au cours des quatre dernières années, après avoir perdu son poste de maire lors des élections de 2017. Transcontinental fait campagne depuis 2019 auprès de la Ville de Montréal pour éviter qu’elle adopte une nouvelle réglementation municipale visant à établir un système opt-in pour le Publisac. En vertu d’un tel principe, tous ceux qui voudraient recevoir la publication devraient s’inscrire sur une liste à cet effet. Dans le cas contraire, les résidants ne la recevraient pas.

Coderre condamne une « œuvre de diversion »

Appelé à réagir jeudi, M. Coderre a déploré que son adversaire tente de faire « œuvre de diversion », en réitérant qu’elle avait manqué de transparence dans l’affaire d’allégations d’agression sexuelle impliquant un élu de son parti. « Elle veut me parler du Publisac quand il y a des allégations d’agression sexuelle dans son parti ? Moi, aujourd’hui, je pense beaucoup plus à la victime qu’au Publisac », a martelé l’ex-maire.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Denis Coderre, chef d'Ensemble Montréal

« S’il y a un problème, je vais me retirer », a-t-il néanmoins promis, en s’engageant à ne pas participer à des dossiers où il pourrait avoir été impliqué depuis 2017, dont celui du Publisac. « J’ai répondu à toutes ces questions-là », a-t-il ensuite dit, visiblement irrité par l’insistance des médias sur la nature exacte de son implication avec Transcontinental.

Le candidat à la mairie s’est aussi fait évasif sur ses liens avec Francesco Miele à l’époque où ce dernier était vice-président de la commission sur les prospectus.

Actuellement, Transcontinental fait distribuer le Publisac à toutes les résidences, sauf celles qui ont apposé à leur porte l’autocollant que fournit l’entreprise à ceux qui n’en veulent pas. La commission chargée d’étudier le contrôle des cahiers publicitaires a recommandé, dans son rapport déposé en février 2020, qu’un système opt-in soit mis en place pour le Publisac.

Une autre recommandation concernait l’interdiction des emballages en plastique pour la distribution de cahiers publicitaires, ou leur remplacement par des emballages qui n’ont pas à être séparés de leur contenu pour être adéquatement recyclés. L’administration Plante n’a pas pris de décision définitive dans ce dossier, reconnaissant publiquement l’importance de ces sacs pour les journaux locaux qui y sont distribués.

« Révoltant »

La candidate à la mairie de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce pour Projet Montréal, Gracia Kasoki Katahwa, a aussi martelé jeudi qu’il était « révoltant » que Denis Coderre fasse affaire avec Cogir, géant de l’immobilier qui est responsable de « plusieurs évictions » dans l’arrondissement.

En août dernier, des citoyens, des organismes et des élus avaient d’ailleurs sonné l’alarme en dénonçant les tentatives de « rénovictions » de l’entreprise sur l’avenue Bourret, près du parc Mackenzie-King. « Je trouve ça particulièrement révoltant, parce que je suis infirmière et je connais bien les conséquences physiques et mentales de ces stratagèmes de propriétaires sur les locataires », soutient Mme Kasoki Katahwa, qui déplore le « silence » du parti de M. Coderre sur le sujet.

Mercredi, La Presse a révélé que Denis Coderre avait été rémunéré par Cogir entre 2019 et mars 2021. Le grand patron de l’entreprise a indiqué qu’il avait confié un mandat de « développement international » à l’ex-maire et que le contrat n’était pas couvert par une clause de confidentialité, argument qu’utilisait initialement M. Coderre pour refuser de dévoiler ses cartes.