S’il provoquait déjà des frictions avant les élections, l’ajout de milliers de logements au projet Royalmount prend aujourd’hui une place de taille dans la campagne électorale à Mont-Royal. Les deux principaux candidats à la succession du maire Philippe Roy avouent déjà avoir de sérieuses réserves, mais le promoteur Carbonleo n’entend pas reculer.

« C’est connu dans les secteurs industriels : du moment qu’on commence à faire du résidentiel dans de l’industriel, ça ne coexiste pas très bien. L’industriel, ça fonctionne 24/7, avec de gros camions, de la machinerie, des odeurs, de la poussière », lâche d’emblée le candidat à la mairie Peter Malouf.

Il craint que si 5000 résidants débarquent soudainement sur le site de Royalmount, dont le chantier a repris cet automne, la tension ne devienne rapidement palpable entre la population et le milieu commercial.

« On va avoir des gens qui vont se mettre à chialer qu’il y a trop de bruit, qu’on ne peut pas dormir le soir. Puis ils vont voter pour un conseil qui les forcera à changer les règlements. Après, on dira aux entreprises qu’elles ne peuvent opérer qu’entre 8 h et 16 h. Ce scénario-là s’est déjà produit plusieurs fois en Amérique du Nord », illustre le candidat à la mairie.

Les grosses entreprises comme Dollarama ou Kraft-Heinz, si le résidentiel arrive, elles vont quitter Mont-Royal. Et pire que ça, elles vont quitter la province. Ces groupes soutiennent fortement notre base de taxes à Mont-Royal.

Peter Malouf, candidat à la mairie de Mont-Royal

Sur le fond, celui qui est surtout connu comme homme d’affaires dans la communauté prétend que le Royalmount est « un très beau projet » qui se trouve toutefois sur le « mauvais site ». « Un projet comme ça, idéalement, il se développerait bien plus loin dans un secteur comme Vaudreuil, où on développe beaucoup, mais pas dans un secteur industriel. On peut aussi penser à Blue Bonnets », fait-il valoir.

Vaut-il mieux un référendum ?

Conseillère sortante et autre candidate à la mairie, Michelle Setlakwe estime qu’il faut surtout laisser les résidants actuels choisir. Elle promet de son côté de tenir un « référendum » sur la question du modèle résidentiel du Royalmount. « Ultimement, on va donner la parole aux gens », avance-t-elle, en ne fournissant toutefois aucun échéancier précis pour le moment.

« Il y a encore beaucoup de travail à faire avant d’arriver à un référendum. Il faut compléter l’analyse d’impact et négocier certains éléments avec le promoteur. Ils parlent d’une ville au sein d’une ville, mais Mont-Royal ne peut pas accueillir plus de résidants actuellement. On doit réfléchir aux infrastructures que le promoteur voudrait bâtir et avoir une réponse claire sur la présence d’une école dans ce quartier-là, sur les services qui seront rendus, sur le trafic que ça créera », explique Mme Setlakwe.

Elle affirme que « quand le projet Royalmount n’était que commercial, la Ville ne prenait aucun risque ou presque, elle était gagnante ».

Plus le projet va devenir résidentiel, plus il va falloir avoir une analyse complète de tous les enjeux que ça implique. Et ça demande du temps. »

Michelle Setlakwe, candidate à la mairie de Mont-Royal

« On ne peut pas non plus faire abstraction du rapport Namur-De La Savane, qui mentionne les améliorations à faire à l’infrastructure routière pour que les nouveaux projets résidentiels envisagés se réalisent de façon harmonieuse », ajoute la candidate, qui veut « prendre le temps » d’évaluer également toutes les mesures d’atténuation de la circulation, en laissant plus de place au transport collectif.

Carbonleo persiste et signe

Pour le président et chef de la direction du promoteur Carbonleo, Andrew Lutfy, il est évident que la portion résidentielle du Royalmount doit aller de l’avant. « On parle d’un secteur qui est en plein centre de Montréal, c’est certain que ça va être développé à un moment ou un autre. La question est de savoir si on veut du 100 % commercial, ou bien quelque chose d’équilibré, balancé, à échelle humaine », plaide-t-il.

« Depuis qu’on a commencé à avoir cette discussion, le prix des logements résidentiels, que ce soit des maisons, des condos ou peu importe, a grimpé de 35 % dans l’île de Montréal. On peut en débattre, mais au bout du compte, c’est une question d’offre et de demande. Du moment qu’on augmente le stock, les prix vont cesser d’augmenter et être plus abordables », fait valoir M. Lutfy, qui ne trouve « pas correct » de limiter le développement résidentiel alors que de nombreux Montréalais veulent accéder à la propriété.

Mais Andrey Lutfy affirme que « 95 % des business dans le quartier appuient Royalmount et l’aspect résidentiel du projet ». « On va amener des gyms, des magasins, une qualité de vie. Tout ça va aider à attirer plus de travailleurs », affirme le promoteur. Ce dernier dit avoir eu « des échanges » avec l’équipe de Mme Setlakwe, mais déplore que les troupes de Peter Malouf aient « refusé de le rencontrer ».