Avec leurs centaines de milliers d’électeurs, les populeux quartiers centraux de Montréal risquent de décider de l’identité du prochain maire de Montréal. Tour d’horizon des enjeux qui les concernent dans cette campagne municipale.

Pistes cyclables

La question des pistes cyclables a fait couler beaucoup d’encre en septembre, alors que la campagne débutait officiellement. Projet Montréal revendique fièrement les larges pistes cyclables, souvent unidirectionnelles, de son Réseau express vélo (REV), mis en place pendant son mandat. Ce projet fait toutefois l’objet de critiques de commerçants et d’adversaires politiques en raison des places de stationnement qu’il élimine. L’équipe de Denis Coderre a d’ailleurs promis de réduire la largeur du REV sur une partie de la rue de Bellechasse, dans Rosemont–La Petite-Patrie. « Il y a des adeptes de vélo et j’en suis un. Mais il faut de la cohabitation », a-t-il dit, au cours d’une conférence de presse organisée devant la piste.

Valérie Plante et Projet Montréal accusent Denis Coderre de mettre en danger la sécurité des cyclistes en voulant réduire la place qui leur est consacrée sur le bitume. « Le REV est là pour de bon, a assuré en entrevue téléphonique François Limoges, qui veut devenir maire de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Il est utilisé, il est bien utilisé et il est sécuritaire. » Projet Montréal reproche à l’ex-administration Coderre d’avoir, pendant son mandat, inauguré des kilomètres de pistes cyclables sans structure pour séparer physiquement vélos et autos, en faisant peindre une simple signalisation sur le sol. Mouvement Montréal, parti de Balarama Holness, promet de « réviser le fonctionnement des pistes cyclables multidirectionnelles existantes ».

Propreté

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Amas de déchets, rue Clark

La propreté des rues de Montréal a été au cœur de prises de bec acrimonieuses entre Denis Coderre et Valérie Plante. Le premier affirme que Montréal est devenu sale dans les quatre dernières années, alors que la seconde accuse son adversaire de dénigrer la métropole en tenant ce discours.

Difficile à mesurer, l’allure des rues de la métropole a pâti de la pandémie, estime Billy Walsh, de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal, en entrevue avec La Presse. Le ramassage des poubelles était trop peu fréquent dans les rues piétonnisées et des milliers de masques sont maintenant jetés chaque jour, dit-il. Si on tente d’isoler l’effet pandémique, il pense qu’« en général, sur les artères commerciales, la ville de Montréal est une ville qui est propre ». « Je dis bien : en général », a continué M. Walsh, qui n’a pas voulu faire de comparaison entre les années Coderre et les années Plante. « Ce qu’on dénote, ce sont des problématiques particulières le jour de la collecte. C’est comme si le travail de suivi n’était pas fait. »

Coût de l’immobilier

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

L’Espace Montmorency est en pleins travaux pour réaliser ses tours résidentielles et de bureaux, et ce, malgré la pandémie de COVID-19 qui sévit au Québec.

Si l’enjeu du coût de l’immobilier résidentiel touche toute l’île de Montréal, les prix font particulièrement sursauter dans les quartiers centraux de Montréal. En 2020, la facture moyenne des acheteurs a gonflé de 7 % dans ces secteurs.

Les deux principaux candidats à la mairie ont des approches bien différentes du problème. Denis Coderre croit qu’il faut « doper l’offre » en favorisant la construction de milliers de logements par les promoteurs privés, comme il l’a affirmé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain à la mi-octobre. Après avoir ouvert la porte à des édifices qui dépassent le sommet du mont Royal, il a reculé et prône maintenant une « densification douce et intelligente ». Ensemble Montréal propose aussi la création d’un tout nouveau quartier sur le bord du Saint-Laurent, autour du quai Bickerdike.

Projet Montréal, pour sa part, croit qu’il faut davantage encadrer la construction immobilière pour forcer les promoteurs à bâtir des logements familiaux, sociaux et abordables. « On ne donne pas les clés de la ville aux promoteurs », a dit la mairesse sortante, qui a fait adopter un règlement en ce sens plus tôt en 2021. Balarama Holness promet de durcir encore ce cadre en refermant toute porte de sortie pour les promoteurs qui voudraient éviter d’intégrer ce type de logements dans leur projet.

Structures aériennes et viaducs

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Parc sous le viaduc Van Horne

Les candidats se sont montrés prudents sur l’enjeu qui passionne tous les défenseurs du patrimoine urbain ces mois-ci : le centre-ville de Montréal sera-t-il défiguré par la section aérienne du REM de l’Est sur le boulevard René-Lévesque ? Si Valérie Plante, Denis Coderre et Balarama Holness se sont prononcés en faveur du projet de façon globale, ils temporisent lorsque vient le temps de se positionner sur la présence de rails en hauteur. Denis Coderre est peut-être le plus fervent partisan du REM de l’Est et refuse de le critiquer. « Il faut travailler avec le processus », a-t-il dit. Valérie Plante, pour sa part, montre fréquemment du doigt une déclaration adoptée par ses élus au conseil municipal qui fixe des « conditions gagnantes » pour la réalisation du projet. Lundi, elle a fait valoir qu’elle n’était toujours pas convaincue de l’impossibilité d’un REM souterrain au centre-ville. « L’ensemble de l’information n’est pas là à ce moment-ci, a-t-elle affirmé. On va voir ce que [les membres du] comité aviseur [vont] proposer. S’ils nous disent qu’ils considèrent l’aérien après avoir bien évalué le souterrain, alors on va s’en remettre à eux. » « On va travailler pour que ça ne défigure pas Montréal, on vous promet cela », a affirmé M. Holness au débat de LCN, la semaine dernière.

La question plus générale des structures aériennes est subtilement revenue dans le débat public cette année. Dans le Vieux-Montréal, Denis Coderre propose de transformer la partie surélevée de la rue Notre-Dame Est en parc piétonnier, à l’image du High Line de New York. Projet Montréal, pour sa part, propose de commencer la réflexion concernant l’avenir du viaduc Rosemont–Van Horne, qui relie la Petite-Patrie à Outremont. La structure est en fin de vie. « C’est un enjeu. On va le repenser », a affirmé le candidat à la mairie d’arrondissement François Limoges. Il refuse toutefois de se prononcer immédiatement sur la configuration qu’aura la structure de remplacement.