La Société de transport de Montréal (STM) sonne l’alarme : si une aide financière supplémentaire ne lui est pas octroyée d’ici l’an prochain, elle devra effectuer des réductions de service significatives dans le métro et dans son réseau d’autobus.

Ces informations, d’abord révélées par Le Devoir jeudi, ont en effet été confirmées à La Presse par le directeur général de la société de transport, Luc Tremblay. « Pour régler les enjeux budgétaires qu’on nous demande cette année, de façon générale, on pourrait parler de coupures de service allant jusqu’à 30 % dans le métro en 2022 », dit-il, en soulignant que différents scénarios sont à l’étude.

Une autre avenue possible serait de procéder « par attrition », soit de réduire 10 % du service dans le métro et 5 % sur le réseau d’autobus. « À ce moment-là, on irait peut-être chercher le tiers de la somme qu’on a besoin », confie M. Tremblay. Plus pessimiste, le premier scénario impliquerait un retour d’environ 150 millions, pendant que le second, plus optimiste et réaliste, friserait les 30 millions. Dans les deux cas, plusieurs emplois pourraient toutefois être en danger.

Le DG prévient que ces réductions se traduiraient par des inconvénients pour les usagers. « Le délai des bus qui passent aux 10 minutes en grande majorité, ça pourrait être augmenté de façon importante si on coupe des choses comme ça. On pourrait retourner au niveau des années 80 », soulève-t-il. Le DG appelle aussi à revoir le « modèle financier » des sociétés de transport, qui date d’il y a plus de 30 ans. « Nos revenus viennent en grande partie des usagers, et le reste, c’est de l’aide gouvernementale, et ces aides-là n’ont pas été indexées depuis les années 90. Il va falloir se pencher là-dessus. »

Selon la STM, une analyse approfondie effectuée par son vérificateur général a déjà déterminé récemment qu’un « maximum d’économies » a été dégagé, d’où la nécessité de réduire l’offre de services sans aide supplémentaire

Régler le problème

M. Tremblay avoue que sa sortie a aussi pour but « d’attirer l’attention » sur l’envergure du problème. « On a eu beaucoup d’aide depuis 2020-2021 avec la pandémie, mais là, c’est un peu comme l’aide semble vouloir arrêter. On se rapproche de 2022 et il n’y a rien d’attaché encore, donc ça nous inquiète », dit celui qui est à la STM depuis 28 ans.

Il y a Québec qui nous a beaucoup aidés, mais il y a aussi l’ARTM et la Ville, qui sont ensemble nos trois actionnaires. Toutes ces parties-là qui doivent convenir de ce qu’ils vont faire. Tout le monde doit faire sa part.

Luc Tremblay, directeur général de la STM

« On ne veut pas aller là », glisse au passage le gestionnaire, qui rappelle que ces coupes — si elles ont lieu — n’auraient par ailleurs aucun impact avant l’automne 2022. « Notre message au fond, c’est que ça serait très étrange de régresser sur le service après la pandémie. C’est l’offre de services qui est la clé pour ramener le monde », résume-t-il.

Appelé à réagir, le porte-parole de l’ARTM, Simon Charbonneau, a indiqué jeudi que « les discussions se poursuivent pour l’élaboration du cadre financier 2022-2024 ». Il rappelle que son groupe a mis de l’avant « une augmentation de la rémunération de la STM en 2022 et non une diminution ». « Ce que l’on demande à la STM n’est pas de diminuer ses dépenses, mais bien d’en limiter les hausses et de ne pas affecter les usagers », insiste-t-il.

En juin dernier, le président du conseil d’administration de l’ARTM, Pierre Shedleur, affirmait que le manque à gagner pour 2021-2024 « sera très important » pour tous les opérateurs du Grand Montréal. « Probablement au minimum de 700 millions de dollars, mais peut-être plus. On a un défi devant nous qui pourrait être de l’ordre du milliard de dollars si on ne fait rien », avait-il dit lors d’une séance publique.

« Il faudra des années avant de retrouver la courbe d’achalandage. […] On pense que le télétravail à lui seul pourrait représenter 17 % de baisse durable », avait-il aussi soutenu, en ajoutant là encore que « plusieurs scénarios sont examinés » pour éponger ces déficits. « Si une optimisation du service s’avère nécessaire, elle devra être sans effet négatif important pour les usagers », avait-il toutefois imploré.