L’expertise de la scène où a eu lieu l’accident d’avion qui a fait un mort et un blessé samedi soir, dans le parc de Dieppe, à Montréal, est terminée. La carcasse de l’avion a été démontée et sera transportée au laboratoire du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), à Ottawa, où s’amorcera une enquête qui pourrait s’échelonner sur une année.

« On a documenté tous les éléments entourant la scène qui pourraient nous indiquer ce qui s’est produit, puis on a inspecté l’appareil lui-même », explique Pierre Gavillet, inspecteur au BST depuis 2007, qui était présent sur place, dimanche.

Il est trop tôt pour privilégier une hypothèse quant à l’origine de l’accident. Le BST étudiera notamment la possibilité d’un bris mécanique ou d’une météo désavantageuse. On vérifiera également si la longueur de la banderole – qui affichait une demande en mariage – était réglementaire.

Les enquêteurs du BST ont inspecté le site de l’écrasement avec minutie durant une bonne partie de la nuit de samedi à dimanche. L’équipe a quitté les lieux vers 2 h du matin, puis était de retour en matinée dimanche.

Les enquêteurs s’entretiendront avec le pilote dans les prochains jours, quand son état de santé le permettra. L’identité du passager qui a péri dans l’accident n’a pas été dévoilée par les autorités dimanche.

L’appareil impliqué, un Cessna 172 immatriculé C-FFRV, appartenait à Gian Piero Ciambella. L’homme est à la tête de l’entreprise de publicité aérienne Aerogram.

M. Ciambella est un pilote expérimenté. En 2008, il a reçu le trophée Robert-Piché pour un atterrissage d’urgence qu’il a effectué en 2006 sur l’avenue du Parc, à Montréal, avec le même appareil que celui impliqué dans le drame de samedi soir.

Le frère du pilote, Gian Carlo Ciambella, a affirmé à La Presse dimanche matin qu’il se rendait au chevet de Gian Piero, hospitalisé à l’Hôpital général de Montréal. Au moment de publier, il n’avait pas été possible d’obtenir plus d’information sur son état de santé.

L’enquête ne fait que débuter. Entre-temps, on a fait sortir les enregistrements audio et les tracés radar. On devrait pouvoir analyser la trajectoire de l’appareil.

Pierre Gavillet, inspecteur au BST

La Presse a obtenu l’enregistrement audio du dernier appel à la tour de contrôle effectué par le pilote. « Mayday », dit une voix d’homme. L’opérateur demande à la personne de répéter ce qu’elle a dit. Sa question demeure sans réponse.

Notez qu’une coupure d’environ 1 min 30 s a été effectuée entre les deux extraits.

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Le BST, assisté du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), est toujours à la recherche de la bannière, relâchée avant l’écrasement.

Selon M. Gavillet, le pilote peut éjecter la banderole à n’importe quel moment s’il doit atterrir d’urgence. « On ne l’a pas retrouvée à côté de l’avion. Donc ça aurait pu être volontaire, car [la banderole] exerce de la résistance. Mais tant qu’on n’aura pas parlé au pilote, tout ceci demeure de la spéculation. »

Une hypothèse que soulève également Jean Lapointe, pilote à la retraite et expert en aviation civile.

« Dans sa procédure, lorsque [le pilote] a vu qu’il y avait une raison quelconque qui amenait son avion à perdre de l’altitude, il aurait fait trois choses. Il aurait largué sa banderole, deuxièmement, il aurait déclaré le Mayday à la tour de contrôle de Dorval et troisièmement, il aurait essayé de déposer son avion de la façon la plus sécuritaire [possible] », relate M. Lapointe, en entrevue avec La Presse.

Le pilote doit-il être seul à bord lorsqu’il tire des banderoles promotionnelles ? « Ça dépend des réglementations, mais ce n’est pas inédit qu’il y ait deux passagers à bord de ce type d’avion. Ça va faire partie de notre enquête », résume Pierre Gavillet, du BST.

PHOTO ANDREJ IVANOV, COLLABORATION SPÉCIALE

Tous les scénarios sont encore à l’étude et plusieurs facteurs peuvent avoir joué un rôle déterminant dans la tragédie.

Tous les scénarios encore sur la table

Tous les scénarios sont encore à l’étude, estime Jean Lapointe. Plusieurs facteurs peuvent avoir joué un rôle déterminant dans la tragédie, détaille-t-il.

Tout d’abord, le plafond de nuages, c’est-à-dire la distance entre le sol et la base des nuages, était bas samedi soir, soit à moins de 1000 pieds d’altitude, estime M. Lapointe.

Plus le plafond est bas, moins le pilote a de temps pour poser son avion d’urgence.

Jean Lapointe, pilote à la retraite et expert en aviation civile

Toutefois, « si le contrôleur a permis à l’avion de rentrer dans sa zone de contrôle, c’est qu’au moment [de l’accident], les conditions météorologiques, même si elles n’étaient pas optimales au niveau de la hauteur du plafond, de la base des nuages et de la visibilité, correspondaient probablement aux règles permises par Transports Canada », précise Jean Lapointe.

Pour l’expert, il « serait surprenant que la structure de l’avion soit en cause ». Le Cessna 172 est un avion fréquemment utilisé dans les écoles de pilotage, et il est décrit comme étant facile à piloter. Le fait de tirer une banderole complique cependant les manœuvres du pilote.

« Ça demande une certaine dextérité de la part du pilote d’être capable de voler à une basse altitude et à une vitesse réduite, avec une bannière qui est derrière son avion, qui est quand même lourde, et qui offre beaucoup de résistance à l’air », explique M. Lapointe.

Lors de l’arrivée des secours sur les lieux de l’accident, les quatre « points cardinaux » de l’avion pouvaient être observés, soit le nez, les deux ailes et la queue de l’appareil. Un élément qui laisse entendre que le pilote aurait pu avoir « partiellement le contrôle » de l’avion, indique Jean Lapointe.

« Pour qu’il y ait rupture du système de carburant [causant l’incendie], l’impact a été certainement violent, ce qui pourrait être expliqué par une très basse vitesse et un manque de puissance », souligne l’expert.

Le rapport du BST concernant cette tragédie devrait être déposé dans un an. Toutefois, un rapport provisoire pourrait être remis dans les 30 prochains jours.

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