Les circonstances entourant la capture de l’ours de Dorval, en mai dernier, se précisent. Un rapport interne confirme que l’animal a été tué par balle après avoir été endormi, mais aussi que la police de Montréal a été incapable de joindre le Service de protection de la faune pendant près de deux heures. Le premier agent sur place n’avait pas non plus la formation requise pour tranquilliser l’ours.

C’est vers 14 h 44, le 23 mai, que le premier agent du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) dit avoir reçu un appel de la centrale SOS Braconnage l’informant qu’un ours était en cavale à Dorval. Il a alors communiqué avec le sergent Patterson du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

« En discutant avec le sergent, celui-ci m’indique qu’ils sont sur place. […] Il m’informe qu’il a tenté de nous rejoindre depuis 13 h, moment où il a appelé la centrale. Il ne comprend pas pourquoi il y a eu un si long délai. Je l’informe que, de mon côté, je n’ai été informé qu’à 14 h 44 », relate l’employé dans sa déclaration, obtenue en vertu d’une demande d’accès à l’information.

Le policier a également informé l’agent « qu’il a téléphoné une première fois à SOS Braconnage sans réponse », puis à l’Ecomuseum de Sainte-Anne-de-Bellevue et finalement à Rescue Animal, « où il a obtenu une réponse ».

Premier représentant du gouvernement à se diriger vers Dorval, l’agent arrive sur place à 15 h 20, soit près de deux heures et demie après l’appel initial. Dans son rapport, il avoue qu’il est « seul au travail » lorsque l’incident se produit et qu’il n’a « aucune formation sur les produits immobilisants ».

À ce moment, les équipes de Sauvetage Animal Rescue sont déjà sur les lieux. L’agent prend alors la décision d’appeler un collègue qui, lui, a la formation requise pour utiliser le produit immobilisant. C’est ce dernier qui tire plusieurs fléchettes tranquillisantes en direction de l’ours, peu avant 19 h, avant de le mettre en cage. Un autre agent de la faune est aussi appelé en renfort pour récupérer l’animal.

Les trois agents ramènent ensuite l’animal en lieu sûr et constatent qu’il est encore « complètement éveillé ». On lui administre alors 6,4 ml de mélange de produits immobilisants. « Je retire l’ours de la cage et tire une balle de mon arme de service derrière l’oreille. Nous déposons l’ours dans le congélateur des objets saisis », se souvient l’un des agents.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Les agents de la faune ont transporté l’ours en cage dans un lieu sûr et l’ont abattu.

« Ça aurait pu être un chauffeur de taxi »

Pour le directeur des opérations de Sauvetage Animal Rescue, Éric Dussault, le MFFP a fait preuve d’incompétence ce jour-là. « Le premier agent de la faune qui est arrivé, ça aurait pu être un chauffeur de taxi, ça aurait fait la même affaire. Il est arrivé tout seul dans un pickup, en civil, pas de gun tranquillisant, pas de formation. C’était à se demander ce qu’il faisait là », fustige-t-il.

À ses yeux, « le délai de réponse a été gigantesque ». « Ce sont des agents de la faune provinciaux, avec des véhicules d’urgence. Nous, avec un vieux Dodge Ram, on a été capables de le faire en 15 minutes. Comment ça se fait qu’avec leurs gyrophares, ils prennent deux heures et demie avant de se rendre sur un appel pour un ours en cavale ? C’est aberrant », insiste-t-il.

On est vraiment mal servis en termes de protection de la faune. […] Je trouve que toute l’opération a été bâclée, mur à mur. Les pompiers volontaires dans une ville de 4000 habitants sont capables de faire plus vite que ça.

Éric Dussault, directeur des opérations de Sauvetage Animal Rescue

Erreur de communication

Appelé à réagir, le MFFP a indiqué par courriel que c’est « en raison d’un problème de communication avec le SPVM » que les agents n’ont pas été joints avant le milieu de l’après-midi. « À la suite de cette intervention, des discussions ont eu lieu entre la Protection de la faune et les corps policiers de la région de Montréal afin d’améliorer l’efficacité des communications lors de futures opérations », assure-t-on.

Québec dit viser « l’amélioration continue de ses services et l’optimisation de ses façons de faire pour répondre aux appels qui nécessitent une intervention urgente ».

Par ailleurs, si la situation l’impose, l’arme de service (pistolet Glock 9 mm) ou l’arme de soutien (calibre 12) « peuvent être utilisées pour abattre un animal », assure le Ministère. « Chaque situation doit être analysée en fonction de ses particularités et les interventions des agents de protection de la faune peuvent se traduire en différentes actions. »

« Dans le contexte de l’ours à Dorval, l’animal était agité. Son manque d’inhibition face à la présence des humains, jumelé au fait qu’il se trouvait en milieu urbain et qu’il risquait fortement de revenir sur les lieux, a mené à cette prise de décision de la part des agents », concluent les autorités, qui assurent que l’abattage de l’ours de Dorval s’est fait « dans un contexte à la fois sécuritaire et calme pour l’animal ». « À l’aide d’un bâton-seringue, ceci afin de lui infliger le moins d’inconfort et de stress possible, l’animal a été mis sous anesthésie par l’injection de produits immobilisants. Un coup de feu létal a été administré en partie vitale au moment où l’animal dormait profondément. »