La Ville de Montréal et Montréal-Nord « s’engagent à appliquer les recommandations » de rapports internes qui ont révélé ces dernières semaines « des pratiques de discrimination systémique » au sein des cols bleus de l’arrondissement.

« Depuis le début de la pandémie, [les cols bleus] sont fidèles au poste malgré un contexte de travail stressant. Ils méritent pleinement que nous apportions des réponses à chacune des situations problématiques et à chacune des recommandations des rapports », a martelé la directrice de Montréal-Nord, Rachel Laperrière, dans un communiqué diffusé tard vendredi.

La Presse révélait mi-mai que des tensions raciales gangrènent les clos de voirie de Montréal-Nord. Selon un rapport d’enquête commandé par la Ville, des cols bleus issus de minorités visibles se plaignent de connivence entre leaders syndicaux et cadres, très majoritairement blancs, et de se voir attribuer les tâches ingrates et exigeantes.

Pour y remédier, l’arrondissement dit s’engager « à trouver et mettre en place des solutions qui contribueront à implanter des procédures normalisées et des communications transparentes, exemptes de toute pratique discriminatoire », dans le but de garantir un « climat de travail sain », mais aussi une « meilleure équité dans le développement des carrières des employés ». Plusieurs services seront mis à contribution, dont le Contrôleur général et le Bureau de la Commissaire à la lutte au racisme, Bochra Manaï.

À Montréal-Nord, le Bureau accompagnera la démarche qui reconnaît les enjeux vécus par les employés. Nous nous attelons collectivement à élaborer ce plan de travail avec rigueur et sérieux.

Bochra Manaï, Commissaire à la lutte au racisme

Jeudi, Hoodstock et le Regroupement des intervenants et intervenantes d’origine haïtienne (RIIOH) ont réclamé « des actions d’envergure » à l’arrondissement, craignant que la situation décriée ne soit que la pointe de l’iceberg, plaidant « qu’il n’y a pas de réelle volonté pour remédier à la culture organisationnelle toxique qui tolère et alimente le racisme systémique. »

« Je peux comprendre qu’il y ait des groupes qui sont craintifs, parce qu’on se rappelle que la mairesse de Montréal-Nord a nié qu’il pouvait y avoir de la discrimination raciale. Elle a dit que c’était impossible. Je pense que ça envoie un message qui peut être décourageant pour certaines personnes », avait d’ailleurs réagi jeudi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en assurant que son administration « ne minimise pas » ces questions et y accorde une « sérieuse » attention.

Manifestations de racisme « direct »

Deux rapports ont été effectués dans ce dossier : le premier par la professeure en relations industrielles de l’Université de Montréal Tania Saba, et le second par le professeur Angelo Soares de l’UQAM. Les deux professeurs ont été chargés d’effectuer cette « enquête parallèle » après que des cols bleus racisés se soient plaints, en 2019, de l’attribution des camionnettes avec remorque, qui leur permet de toucher une prime.

« On rencontre encore, incroyablement, des manifestations de racisme direct, dans lesquelles on vise une personne ou un groupe de personnes de manière ouverte et avouée », a décrit M. Soares dans son rapport. « Une employée col bleu a été traitée de “ sale N… ”, une agression verbale raciste, et nous avons pu constater l’impact psychologique d’un tel geste déplorable. »

Selon la Ville, ces rapports « confirment la présence de pratiques de discrimination systémique, notamment en ce qui a trait à des biais implicites et explicites qui ont interféré dans le processus de dotation de chauffeurs de camionnettes ».

L’arrondissement, de son côté, dit déjà avoir posé certains gestes, dont l’examen de ses pratiques de dotation par une firme d’experts, suivi de « changements importants dans certains des processus ». Un forum d’échanges sur le climat de travail a aussi été mis sur pied avec les cols bleus et les gestionnaires, qui ont par ailleurs été formés « en développement de compétences interculturelles ». « Ce travail collaboratif […] est une démarche novatrice en matière de relations de travail. Elle témoigne de la capacité des parties à adopter de nouvelles façons pour faire face à des enjeux de l’heure », affirme l’arrondissement.