Après plus d’un an d’absence, les camelots de L’Itinéraire sont de retour dans le métro de Montréal. Dès mardi, un projet-pilote permettra à sept d’entre eux de retrouver leur poste dans des stations ciblées, selon un protocole sanitaire strict. La Société de transport de Montréal (STM) n’exclut pas d’élargir le projet si tout se passe bien.

« On est tellement heureux, je n’ai même pas de mots. Ça va faire beaucoup de bien, sur le plan moral surtout », raconte Daniel Prince, l’un des camelots de l’organisme, qui sera dépêché à la station Bonaventure, en plein centre-ville, dès mardi.

Pour lui, être camelot est bien plus qu’un métier ou une source de revenus ; c’est par-dessus tout une façon de se « sortir de l’isolement ». En mars 2020, quand la STM a arrêté d’offrir une série de services, cessant ainsi son partenariat avec les camelots de manière temporaire, M. Prince dit avoir été « très affecté ».

« J’en ai vraiment fait une dépression. L’Itinéraire avait aussi fermé ses portes pendant six mois. On jase au quotidien avec des personnes, on se fait une routine, un cercle social, puis du jour au lendemain, on se retrouve entre quatre murs pendant des mois. Ça a été très dur », raconte-t-il, non sans émotion.

Dans les derniers mois, Daniel Prince distribuait L’Itinéraire au coin de la 3Avenue et de la rue Masson, dans le Vieux-Rosemont. Mais pour lui, revenir au métro Bonaventure, avec « sa clientèle », est un véritable soulagement. « Je veux remercier tout le monde qui a rendu ça possible. C’est une super nouvelle », dit-il.

Un protocole sanitaire strict

Sept stations, pour sept camelots, ont été ciblées par la STM dans le cadre de son projet-pilote, qui se veut une première phase de tests. Il s’agit des métros Laurier, Lionel-Groulx, Berri-UQAM, Université-de-Montréal, Radisson, Bonaventure et McGill.

Une série de mesures sanitaires ont aussi été mises en place pour prévenir toute forme de transmission de la COVID-19. En plus du port d’équipement de protection et du masque en tout temps, les camelots devront limiter leurs « interactions de proximité » et offrir un exemplaire numérique d’abord. La durée des interactions devra aussi être « minimisée », et aucun geste « pouvant favoriser la propagation de gouttelettes comme crier ou chanter » ne devra être fait. Les rassemblements devront être évités.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Daniel Prince, camelot de L’Itinéraire, devra porter un équipement de protection et un masque en tout temps lorsqu’il travaillera à la station Bonaventure.

« Les camelots participants ont aussi tous déjà reçu leur deuxième dose, précise le directeur général et éditeur de L’Itinéraire, Luc Desjardins. C’était une exigence de la Santé publique avec laquelle on était tous franchement bien d’accord. »

Une rencontre s’est d’ailleurs tenue jeudi dernier avec les camelots sur l’importance de respecter les consignes sanitaires en place, afin d’assurer que le projet soit un succès, confirme M. Desjardins. « Ça fait tellement plaisir de les voir revenir, dit-il en parlant de ses camelots. Le contact social est hyper important dans leur cheminement, beaucoup plus que les sous qu’ils font à la fin du mois », soulève-t-il.

Les gens, eux, s’approprient aussi leur camelot, ce n’est pas juste une personne sur un coin de rue. Je reçois beaucoup de téléphones de personnes qui s’inquiètent quand ils n’ont pas vu leur camelot depuis quatre jours.

Luc Desjardins, directeur général et éditeur de L’Itinéraire

Sa plus grande appréhension, conclut-il, est de voir « des rechutes » chez ses camelots, « qui ont parfois travaillé jusqu’à deux ou trois ans sur eux ». « Pendant la pandémie, on a quadruplé notre soutien psychosocial, mais à un moment donné, ils ont besoin de concret comme le reste de la population », illustre Luc Desjardins.

Un « nouveau pas » vers une normalité ?

D’après le président de la STM, Philippe Schnobb, le retour des camelots représente un « nouveau pas vers un retour à une certaine normalité » dans le métro, à l’heure où tout le Québec entame progressivement sa route vers le déconfinement.

« Ces visages sympathiques et familiers ponctuaient le quotidien de nos clients, et c’est une bonne nouvelle de les voir revenir dans le réseau », insiste M. Schnobb.

Assurant que le plan sanitaire qui est en place est « rigoureux », M. Schnobb précise d’ailleurs que d’autres camelots pourraient rapidement se joindre au projet-pilote, dans les prochaines semaines. « Nous suivrons attentivement les résultats et si tout se passe bien, le projet pourra prendre de l’ampleur, selon des modalités en adéquation avec l’évolution de la situation sanitaire », conclut-il.