Le Manoir Lafontaine, immeuble devenu un symbole de la lutte contre les rénovictions, est en très mauvais état, selon un rapport d’inspection officiel que La Presse a obtenu.

Les inspecteurs de la Ville de Montréal ont trouvé des traces d’infiltrations d’eau et de moisissures à presque tous les étages de la tour locative située sur l’avenue Papineau, face au parc La Fontaine.

« À la suite de l’inspection du bâtiment mentionné en objet, nous avons constaté qu’il n’est pas conforme aux exigences », ont écrit les experts après un examen de plusieurs jours pendant lequel chaque logement a été visité. Ils ont dénombré 489 éléments problématiques dans l’édifice. Chacun pourrait donner lieu à une contravention salée s’ils ne sont pas réglés, pour un total s’élevant à des centaines de milliers de dollars.

L’inspection avait été commandée par les autorités municipales à la demande des locataires, qui soupçonnent qu’ils font l’objet d’une « rénoviction » : des travaux visant à changer les locataires et à faire exploser les loyers. Les propriétaires s’en défendent bien.

Le rapport souligne notamment la présence d’infiltration d’eau à 10 des 12 étages de la tour et la présence de moisissures à 11 des 12 étages. Locataires et propriétaires s’entendaient déjà pour reconnaître que le toit du bâtiment n’était plus étanche. Le document signale que la façade doit être refaite, en tout ou en partie, et que les balcons doivent être sécurisés pour éviter qu’ils ne s’effondrent.

Visions contradictoires

Pour les propriétaires Brandon Shiller et Jeremy Kornbluth, ce rapport renforce leur point de vue : « La meilleure solution pour tous, tant pour la qualité de vie des résidents que pour la conduite optimale des travaux dans les délais les plus courts possibles, est de procéder à un relogement temporaire des locataires », a affirmé M. Kornbluth dans une déclaration transmise par écrit. « Ces derniers pourront évidemment retrouver leur logement à la fin des travaux, en tout respect de la réglementation et des lois applicables. »

Le duo avait déjà commandé son propre rapport d’ingénierie au cours de l’hiver, réalisé par la firme ENSPECO.

« Étant donné le nombre d’anomalies et de problèmes identifiés au moment de notre expertise, et considérant l’ampleur des travaux de rénovation proposés, les locataires devront être évacués », estiment les auteurs du rapport. « L’intérieur de la majorité des unités devra être démantelé et complètement rénové puisque des travaux immédiats sont recommandés pour stopper les dommages faits par l’eau, notamment à la structure. »

Le rapport estime la durée des travaux à 10 ou 12 mois, alors que les lettres d’évacuation envoyées aux locataires annonçaient des travaux de 7 mois.

Alexandre Romano, avocat qui représente plusieurs des locataires, n’a pas rappelé La Presse.

Nadine Freville, l’une des personnes à la tête du mouvement de contestation au Manoir Lafontaine, a affirmé que le rapport municipal n’était pas aussi catastrophique que MM. Shiller et Kornbluth voudraient le faire croire.

« Moi, je vois des problèmes au niveau du toit, au niveau du 12e, du 11e et du 10e étage. Il faut s’en occuper, a-t-elle dit. Mais pour l’instant, ils peuvent intervenir [là]. Ils n’ont pas besoin de vider le building. »

Elle a ajouté : « C’est bien connu : pour tuer son chien, il faut dire qu’il a la rage ! »

Le processus se poursuit devant le Tribunal administratif du logement.