Gagnante de son combat judiciaire contre Montréal, une entreprise de logistique dont le projet est bloqué depuis plusieurs années réclame plus d’un tiers de milliard de dollars en dommages à la Ville, a appris La Presse.

Ray-Mont Logistiques fait valoir que les délais pour obtenir les permis nécessaires lui ont causé des pertes financières massives. Son projet s’est attiré l’opposition des élus de Projet Montréal et de plusieurs résidants du secteur.

L’entreprise assure le transfert de marchandise entre les navires et les trains. Elle voulait déménager du Sud-Ouest vers Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, attirée par le projet de Cité de la logistique promu par l’administration de Denis Coderre.

En 2016, elle a acheté un grand terrain industriel désaffecté, tout près du port de Montréal et d’une gare de triage du CN, entre les rues Dickson et Viau. L’année suivante, les permis nécessaires à l’aménagement du terrain lui ont toutefois été refusés, sur fond de contestation citoyenne. Entre-temps, Ray-Mont avait fait décontaminer le terrain.

« Il y avait beaucoup d’inquiétudes », a résumé l’élue municipale Laurence Lavigne Lalonde, lors de la plus récente séance du conseil d’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. « Les citoyens ont l’impression, avec raison, qu’ils vivent assez de nuisances associées à la rue Notre-Dame, au port de Montréal, etc. »

IMAGE TIRÉE D’UN DOCUMENT DE LA VILLE DE MONTRÉAL

Emplacement de l’Écoparc industriel de la Grande Prairie, anciennement nommé la Cité de la logistique

Les tribunaux se rangent derrière l’entreprise

Ray-Mont s’est alors adressée aux tribunaux pour contester la décision de l’arrondissement. La Cour supérieure, en 2018, puis la Cour d’appel du Québec, en janvier dernier, lui ont donné raison. Montréal « a tort » dans sa décision de refuser un permis à Ray-Mont, ont écrit les juges François Pelletier, Mark Schrager et Marie-Josée Hogue, il y a un mois et demi.

L’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve a publié un communiqué au lendemain de cette décision.

Nous avons maintenant le devoir de nous asseoir avec l’entreprise afin de développer le projet le plus cohérent possible avec la vision développée pour l’Écoparc industriel de la Grande Prairie [le nouveau nom donné au secteur qui devait devenir la Cité de la logistique].

Pierre Lessard-Blais, maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

« Pour ce faire, nous l’invitons également à prendre part aux travaux de l’instance de concertation qui a récemment été créée », a-t-il précisé.

« Nos services sont en discussion avec l’entreprise pour tirer le meilleur du projet », a ajouté Mme Lavigne Lalonde, lors de la plus récente séance du conseil d’arrondissement. Elle a souligné que les inquiétudes des résidants devaient être entendues et que le projet devait correspondre au caractère écologique du secteur.

373 millions en dommages

Mais cette ouverture arrive trop tard au goût de Ray-Mont, a appris La Presse dans des documents judiciaires déposés au palais de justice de Montréal vendredi dernier.

L’entreprise dit avoir subi des pertes d’exploitation, des pertes de revenus de location, des pertes d’occasions d’affaires et des retards de travaux qui totalisent 373 millions.

« Le refus de la Ville d’émettre le permis n’était pas fondé sur une interprétation du Règlement d’urbanisme, mais il était plutôt mû par une volonté avouée de bloquer le Projet », fait valoir Ray-Mont dans sa poursuite. Elle et ses entreprises liées « ont été confrontées à une administration municipale totalement réfractaire au développement du Projet, et ce, malgré le fait que les outils urbanistiques sont favorables à ce type de développement dans le secteur nommé à juste titre “Cité de la logistique” et malgré les efforts continus de collaboration déployés », continue la requête.

Celle-ci cite de nombreuses interventions d’élus de Projet Montréal, par communiqué ou dans les réseaux sociaux, qui critiquent le projet. Les avocats de Ray-Mont en arrivent à la conclusion que l’arrondissement était de mauvaise foi dans son opposition au projet, qu’elle a volontairement brimé ses droits, et réclame donc des dommages punitifs.