Longueuil veut freiner la disparition des maisons unifamiliales au profit des immeubles à logements ou condos. La Ville soumettra en décembre un projet de règlement pour restreindre la démolition des habitations comme les « bungalows », afin d’éviter de défigurer certains quartiers.

« C’est un très grand pas en avant. Le Far West vit ses derniers moments à Longueuil », explique à La Presse la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, qui a mandaté la Direction générale de « lui proposer une stratégie claire et rapide » en octobre dernier.

Son cabinet précise que l’arrivée d’une politique formelle fait suite à des préoccupations grandissantes dans la population. « On constate une accentuation et une accélération des démolitions de maisons unifamiliales pour en faire du multilogement », indique l’attachée de presse, Alexandra Lapierre.

« Trop souvent, par le passé, on n’a pas eu à se prononcer sur des démolitions », ajoute Mme Parent, en se disant bien consciente que sa démarche déplaira aux promoteurs immobiliers. « Plus cette réglementation va être coercitive, plus les entrepreneurs verront que leur carré de sable est moins grand. Ils devront faire des choix », souligne-t-elle.

Ce qu’on annonce, c’est un quasi-gel des démolitions. On va prendre une pause, et encadrer davantage chaque demande.

Sylvie Parent, mairesse de Longueuil

Un vote des élus aura lieu le 2 décembre dans le Vieux-Longueuil, puis le 7 décembre dans Greenfield Park et Saint-Hubert. La Ville soumettra aussi son idée de créer un comité de démolition d’ici quelques mois.

Préserver l’âme des quartiers

Dans les derniers mois, plusieurs citoyens ont manifesté leur mécontentement au sujet des démolitions jugées excessives. « C’est triste de constater à quel point le quartier est en train de se défigurer en raison de ces promoteurs qui bâtissent des duplex et des multiplex », affirme Marie-Emmanuelle Laquerre, qui réside dans le Vieux-Longueuil depuis 15 ans.

Sur les rues Grant et St-Alexandre, ce sont des constructions sans âme, bâties rapidement, qui sont au goût du jour, mais qui vieilliront très mal avec les années.

Marie-Emmanuelle Laquerre, résidente du Vieux-Longueuil

Le groupe Résidents et Résidentes de Longueuil pour un urbanisme cohérent, qui milite pour une réglementation plus serrée, applaudit l’initiative de la Ville, mais demeure prudent. « Si c’est juste de beaux vœux pieux, ça ne servira à rien, nuance sa cofondatrice, Lyette Bouchard. Il faut consulter les gens et arrêter la démolition dès aujourd’hui, pour éviter que les promoteurs se pressent d’obtenir des permis. »

La Ville, elle, promet que son règlement ratissera large. « Que ce soit pour les marges, la largeur des bâtiments, l’emplacement des portes d’entrée, les stationnements, la définition d’un triplex, la subdivision des lots et l’octroi d’un certificat de démolition, rien n’a été laissé au hasard », dit la mairesse Parent.

« Il faudrait que les règles adoptées prévoient des mesures fortes de plantation et de conservation d’arbres, et aussi des règles contraignantes en termes d’îlots de chaleur. Plus un bâtiment a une forte empreinte au sol, plus les contraintes au niveau de la lutte aux îlots de chaleur devraient être importantes », estime de son côté Jean-Michel Laliberté, qui habite aussi Longueuil.

L’opposition propose un moratoire

Dans un avis de proposition qui sera soumis au conseil municipal mardi soir, la conseillère du district LeMoyne-de Jacques-Cartier, Colette Éthier, reconnaît elle aussi que « certains projets de redéveloppement immobilier dénaturent la vie des quartiers, et ce, dans les trois arrondissements de Longueuil ».

L’ampleur et la croissance du phénomène observé et les plaintes des citoyens qui se multiplient confirment l’urgence d’agir.

Colette Éthier, conseillère de l’opposition

L’élue propose aux instances d’étudier plusieurs scénarios alternatifs, dont la possibilité « d’un moratoire sur certains projets résidentiels demandant un permis de démolition ». Elle suggère aussi de confier aux Comités consultatifs d’urbanisme (CCU) la responsabilité de délivrer les permis de démolition. Enfin, Mme Ethier invite la Ville à étudier la création d’un poste d’inspecteur « dédié à la surveillance des chantiers de construction et la gestion des plaintes ».