(Montréal) Une « petite révolution » s’opérera dans les trois prochaines années dans Rosemont–La Petite-Patrie. Penser les infrastructures en fonction de leurs vertus écologiques. Planifier à petite échelle. Donner plus de pouvoir aux citoyens. La Presse a obtenu le plan de transition écologique que l’arrondissement dévoilera ce lundi.

L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, troisième en matière de population avec ses quelque 150 000 habitants, appuie sur l’accélérateur de la transition écologique et modifie complètement sa gouvernance pour placer l’environnement au cœur de ses actions.

Le plan prévoit l’implication accrue des citoyens dans la planification urbaine avec des solutions à la carte, adaptées aux différents milieux de vie de l’arrondissement, notamment pour lutter contre les îlots de chaleur et améliorer la mobilité des citoyens.

« C’est une petite révolution administrative en termes de planification urbanistique », a affirmé le maire François William Croteau, joint par La Presse en fin de semaine.

L’objectif de ce plan est de rendre le territoire plus résilient pour que les citoyens continuent d’avoir une qualité de vie malgré les crises qu’ils affrontent, explique-t-il, évoquant les actuelles crises climatique et sanitaire.

Pour susciter l’adhésion aux changements importants que cela implique, « il faut que le citoyen soit au cœur de cette démarche et qu’il puisse s’approprier ce plan de transition et de résilience », pense le maire Croteau.

Le plan s’aligne aussi sur l’Agenda 2030 et les 17 objectifs de développement durable des Nations unies, qui visent l’amélioration de la résilience des milieux de vie dans un contexte de détérioration de l’environnement et du climat.

Bureau de projets

De tels changements de gouvernance s’accompagnent d’une modification du mode de fonctionnement de l’administration municipale.

« L’arrondissement va devenir un bureau de projets en transition écologique et résilience », explique le maire François William Croteau.

Le moindre projet passera dorénavant par « le filtre » de la résilience et de la transition écologique, a indiqué à La Presse M. Croteau.

Il donne l’exemple du réaménagement d’un parc, qui, tout en répondant aux besoins des usagers, devra aussi atteindre des objectifs écologiques en intégrant par exemple un milieu humide, un bassin naturel de rétention d’eau de pluie ou de la végétation favorisant la biodiversité.

« Ce parc-là devient un élément de l’écosystème », résume le maire.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

François William Croteau

On ne fera plus jamais des aménagements comme on le faisait auparavant.

François William Croteau, maire de Rosemont–La Petite-Patrie

Autre exemple : les saillies de trottoir, qui se multiplient depuis une décennie dans l’arrondissement, intégreront désormais, là où c’est pertinent, des « microbassins de rétention » pour réduire la quantité d’eau de pluie envoyée aux égouts.

« Ça, c’est rendre le territoire plus résilient », dit le maire, qui assure que les changements se verront dès cette année.

Pour y parvenir, les différents services de la Ville devront planifier ensemble plutôt que d’intervenir tour à tour, d’où l’importance d’un fonctionnement à la manière d’un bureau de projets.

Cette façon de faire peut sembler plus lourde au premier abord, reconnaît le maire Croteau, mais elle est en réalité « plus simple à gérer et coûte moins cher parce que les résultats sont plus intelligents et répondent mieux aux besoins ».

Tendance mondiale

Les plans de transition à l’échelle municipale, voire hyperlocale, commencent à se multiplier dans le monde, selon René Audet, titulaire de la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Ils se distinguent du concept du développement durable par leur volonté de « réorganiser ce qu’on a » plutôt que de « réaliser des projets de développements qui vont être verts », explique-t-il.

Le plan de transition de Rosemont–La Petite-Patrie présente d’ailleurs une approche « assez différente » des plans de relance verte des gouvernements Trudeau et Legault, qui reposent beaucoup sur les avancées technologiques, illustre le chercheur.

« On pense peu à la réorganisation de la société, à repenser nos milieux de vie, et ça, c’est une contribution importante [dans la transition écologique] », affirme René Audet.

La chaire de recherche accompagnera d’ailleurs Rosemont–La Petite-Patrie dans la réalisation de son plan de transition en prenant part à des projets citoyens, ce qui lui permettra de « générer des connaissances scientifiques ancrées dans la pratique, dans la réalité », explique René Audet.

La Fondation David-Suzuki voit d’un bon œil le plan de transition de Rosemont–La Petite-Patrie, qu’elle a pu consulter il y a quelques jours.

Les groupes de transition écologique se multiplient dans les quartiers montréalais et veulent s’impliquer, donc « créer une structure de gouvernance qui les incorpore, c’est génial », lance Diego Creimer, codirecteur par intérim de l’organisation.

« J’espère que ça va inspirer d’autres arrondissements et d’autres villes, dit-il. On est dus pour ça. »