À un an des prochaines élections municipales, la mairesse Valérie Plante a confirmé à La Presse qu’elle sollicitera un nouveau mandat, mais elle a convenu en même temps que Montréal avait fait peu de progrès sur le plan de la mobilité. La faute à la COVID-19, dit-elle, qui a chamboulé ses projets.

À Montréal, les déplacements ne sont pas plus fluides qu’en 2017, a reconnu cette semaine Valérie Plante, trois ans après son élection comme « mairesse de la mobilité ».

Mme Plante met en cause la pandémie pour l’absence de progrès en la matière, mais revendique dans la foulée son « obsession » pour la sécurité des piétons et des cyclistes, qui, pour elle, l’emporte sur la rapidité de la circulation automobile.

En matière de mobilité, « je ne pense pas qu’on a beaucoup avancé », a admis Mme Plante dans le cadre d’une rencontre éditoriale avec La Presse, cette semaine. « J’aurais aimé ça qu’on soit plus loin. J’aurais aimé ça que [l’extension de] la ligne orange jusqu’à la station du REM ce soit confirmée, j’aurais aimé ça qu’on ait déjà des solutions pour désengorger Berri-UQAM. J’aurais aimé ça. »

« Il y a une chose sur laquelle on comptait beaucoup, c’étaient nos 300 autobus [commandés en début de mandat]. Avec la COVID, tout s’est mis au ralenti, ils rentrent au compte-gouttes », a-t-elle continué, ajoutant que la pandémie avait paralysé d’autres investissements en transport voulus par la Ville.

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Malgré la pandémie, la circulation automobile est de plus en plus dense à Montréal, souligne la mairesse Plante.

Dans les rues, « il y a toujours plus de trafic – bien qu’on soit en période de COVID-19 », constate celle qui souhaite être réélue l’an prochain.

Mais la « mobilité » dont elle a fait son slogan de campagne en 2017 ne se limitait pas au transport automobile, souligne-t-elle.

Moi, ce que je veux, c’est déplacer le plus de monde possible, pas le plus de voitures possible.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Comme le nombre de voitures augmente sans cesse à Montréal, il faut miser sur les transports en commun pour faire une différence à long terme, croit-elle. « J’ai bien hâte que le Réseau électrique métropolitain [REM] arrive, je pense que ça va aider, mais on n’est pas sortis de l’auberge. »

« La sécurité de Saint-Denis, ça m’obsédait »

L’été a été difficile pour l’administration municipale, alors que les chantiers simultanés de voirie, de piétonnisation et de construction de pistes cyclables se sont multipliés, causant des maux de tête à bien des Montréalais. La mairesse a même fait son mea culpa à ce sujet début du mois de septembre.

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L’installation du Réseau express vélo (REV), surnommé l’autoroute cyclable, rue Saint-Denis est l’un des projets menés au cours de ses trois années à la mairie de Montréal, dont Valérie Plante est le plus fière.

L’« autoroute cyclable » dont la construction se termine ces jours-ci rue Saint-Denis (une section du Réseau express vélo, le REV) fait partie des projets très critiqués : elle retranchera deux voies sur une artère qui drainait des quartiers où la circulation automobile a été compliquée, ces dernières années, par l’instauration de sens uniques et d’impasses.

Mais sur ce projet, Valérie Plante ne reculera pas.

« La sécurité de Saint-Denis, ça m’obsédait. Je suis contente qu’on aille de l’avant », a-t-elle plaidé en entrevue éditoriale, soulignant qu’en six ans, 300 piétons ou cyclistes ont eu au moins un accrochage avec une voiture circulant rue Saint-Denis. Dix sont morts. Elle cite d’ailleurs le REV Saint-Denis comme l’une des fiertés de ses trois années comme mairesse de Montréal.

L’élue a récemment discuté avec un membre de l’administration du maire Jean Doré (1986-1994), qui lui racontait la levée de boucliers lors de la construction de la piste cyclable de la rue Rachel, dans les années 80. Jean Doré a pensé abandonner le projet, mais a finalement foncé. La mairesse veut faire de même : « Est-ce qu’on pourrait s’imaginer ne pas avoir de piste cyclable sur Rachel ? »

De but en blanc, elle a évoqué la mémoire de Mathilde Blais, une cycliste tuée sous un viaduc ferroviaire qui enjambe la rue Saint-Denis, en 2014.

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Un vélo blanc à la mémoire de Mathilde Blais, cycliste tuée en 2014

« Mathilde Blais, ça aurait pu être moi », a-t-elle expliqué, pour justifier la priorité qu’elle donne à la sécurité des cyclistes et des piétons.

Moi, je suis cette femme qui prend son vélo pour aller travailler et qui prend Saint-Denis. Et Mathilde Blais est morte, elle est passée sous les roues d’un camion.

Valérie Plante

Avec le REV, mais surtout avec l’achèvement des multiples projets de transport en commun lancés ou proposés dans les dernières années (REM, ligne rose, prolongement de la ligne bleue, ajout d’autobus), l’administration Plante espère que la voiture deviendra réellement superflue pour les familles des quartiers centraux de Montréal.

« En ce moment, je pense que dans 20 ans, au centre-ville, une famille n’aura probablement plus besoin de voiture, a-t-elle dit. Je parle des quartiers centraux. »

Un problème de « culture » sur les chantiers

Autre source d’irritation majeure en matière de mobilité, les chantiers montréalais souffrent d’un problème de « culture organisationnelle », a dénoncé Valérie Plante : on s’y soucie souvent peu de bloquer la circulation automobile, cycliste ou piétonnière.

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Le REV Saint-Denis, dont la construction se termine ces jours-ci, est très critiqué par bien des gens. Le projet privera l’artère de deux voies pour la circulation automobile.

« Ça arrive souvent que je débarque sur un chantier pour leur dire que je ne vois pas de passage piétonnier. Ils me disent : “T’es qui toi ?” », a-t-elle relaté. Mme Plante a souligné qu’elle obtient souvent une bonne collaboration et des engagements de la part des dirigeants des donneurs d’ouvrage (grandes entreprises ou gouvernement), mais que ces promesses ne se reflètent pas sur le terrain. La mairesse a d’ailleurs réitéré que seulement un quart des chantiers sur son territoire sont réellement contrôlés par la Ville de Montréal.

Les rencontres se poursuivent pour tenter de coordonner les chantiers afin d’éviter que ce soit « un éternel recommencement ».

Solution : libérer complètement certaines artères des cônes orange afin de donner un répit aux Montréalais et aux commerces qui s’y trouvent. « On veut sécuriser certaines grandes artères pour la prochaine année du moins. On veut dire que, par exemple, la rue Saint-Denis, il n’y aura pas de chantier dessus à moins qu’une conduite se brise », a-t-elle expliqué.

Il n’y aura toutefois pas de solution magique : les mégachantiers provinciaux et fédéraux. « C’est frustrant, parce qu’il y a des chantiers comme Turcot et les ponts [qu’elle ne gère pas] », mais pour lesquels elle essuie des critiques, a-t-elle déploré. « Ce sont de grosses machines. [La réfection du pont-tunnel] Hippolyte-La Fontaine s’en vient, j’ai beau leur demander si on peut slacker la poulie, on me répond qu’il faut les faire. Alors on gère les problèmes tout autour. Ce n’est pas simple. »

« Un peu du Montréal-bashing »

Devant le torrent de commentaires virtuels véhéments envers ses initiatives, Valérie Plante reste philosophe. C’est notamment parce que ses services en sont venus à la conclusion qu’ils étaient loin de venir tous de Montréal. « On fait une analyse des données, à savoir qui sont les gens qui commentent, qui “likent”, qui ne “likent” pas », a-t-elle expliqué en entrevue éditoriale. Parmi les commentaires négatifs, « il y en a une majorité, ou en tous cas une grande quantité, qui viennent de l’extérieur de Montréal. » Parfois, c’est « un peu du Montréal-bashing », estime Mme Plante. Elle affirme vouloir une ville ouverte aux visiteurs de l’extérieur, mais qui accéderaient idéalement à l’île en transport en commun, surtout une fois que le REM sera inauguré.

Inquiète pour le centre-ville

Valérie Plante ne sait pas à quoi ressemblera le centre-ville de Montréal une fois la pandémie de COVID-19 terminée. « Je suis inquiète, a-t-elle dit en entrevue. Il est trop tôt pour dire ce qui va ressortir de tout ça. C’est ce qui est difficile. Les gens voudraient savoirsi le centre-ville va être correct, mais je ne peux pas répondre. » En attendant, la mairesse tente d’aller chercher des fonds supplémentaires à Québec et à Ottawa pour oxygéner le quartier. La semaine dernière, son administration a annoncé la gratuité des parcomètres la fin de semaine, à partir de la mi-novembre et jusqu’à la fin décembre, afin d’attirer les emplettes des Fêtes.

Élections municipales de 2021 : « J’y serai »

À un an des élections municipales, alors que circulent les noms de candidats éventuels au poste de maire de Montréal, la mairesse Valérie Plante confirme qu’elle sollicitera un nouveau mandat.

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Valérie Plante est formelle : elle sera candidate en 2021 pour un nouveau mandat à la mairie de Montréal.

« Ça grenouille, il y a de l’intérêt, je verrai bien qui sera sur la ligne de départ pour les élections. La seule garantie, je le dis haut et fort, c’est que j’y serai », a-t-elle affirmé lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse, lundi dernier.

« Mais pour l’instant, c’est bien confortable pour bien du monde de faire les gérants d’estrade sur les médias sociaux », a ajouté Mme Plante.

Candidats en réflexion

Le nom de l’ancien maire de Montréal, Denis Coderre, défait par Valérie Plante en 2017, est celui qui est évoqué le plus souvent, mais l’ex-politicien laisse toujours planer le mystère sur son éventuel retour dans l’arène.

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L’ancien maire de Montréal Denis Coderre lors du 19e Grand Bal des Vins-Coeurs, soirée-bénéfice au profit de la Fondation de l’Institut de cardiologie de Montréal, en septembre 2019

D’autres candidats potentiels sont en réflexion. Six nouvelles formations politiques ont réservé un nom auprès du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) en vue des élections municipales à Montréal.

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Mme Plante estime avoir besoin d’un deuxième mandat pour réaliser l’ambitieux programme mis de l’avant par son parti, Projet Montréal, lors de son élection en 2017.

Le « plan climat » annoncé sous peu

La pandémie de COVID-19 a bouleversé les plans de tout le monde, y compris ceux de la mairie, a-t-elle souligné. Elle a dû réévaluer ses priorités en fonction de l’urgence sanitaire.

« Par exemple, j’aurais aimé que l’on puisse lancer plus tôt notre plan climat. Mais avec la COVID, ce n’était pas le temps d’en parler », a déploré la mairesse.

« On est sur le point de le faire, malgré tout », poursuit-elle.

Je parle souvent d’une relance économique verte et inclusive. C’est important de ramener ce plan climat qui est notre feuille de route pour atteindre notre objectif de diminuer de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Parmi ses autres déceptions, elle mentionne le projet de bain portuaire, une piscine flottante sur le fleuve, qu’elle avait promis de réaliser au cours de son premier mandat, mais qui s’est avéré plus compliqué que prévu.

Elle regrette aussi le cafouillage entourant les mesures annoncées pour rendre plus sécuritaire la voie Camillien-Houde pour les cyclistes qui veulent grimper le mont Royal.

« Ça a créé beaucoup de stress. J’étais déçue, parce que je sais à quel point les Montréalais aiment la montagne, dit Mme Plante. Mais le projet est sorti tout croche, et c’est de notre faute, parce qu’on n’était pas prêts. »

Par contre, la cheffe de Projet Montréal est fière de plusieurs réalisations de son administration, notamment le grand parc annoncé pour l’ouest de la ville, le Réseau express vélo, et le plan de développement du site de l’ancienne usine Molson, qui inclut un accès public au fleuve, des logements sociaux et une école.

Elle mentionne également le règlement sur l’inclusion, qui encadrera la réalisation de logements sociaux et abordables, surnommé « 20/20/20 ». L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a demandé à la Ville de revoir la définition des logements abordables et familiaux dans le règlement, et une nouvelle mouture devrait être annoncée sous peu.

Ça va complètement changer le portrait de qui peut venir habiter à Montréal, à partir de ce printemps, parce qu’on va amener les promoteurs à s’impliquer. Quand on voit que la classe moyenne a de plus en plus de difficulté à se loger, c’est à eux que je pense avec ce règlement-là.

Valérie Plante

Climat « toxique »

Si Valérie Plante s’attend à être la cible d’attaques au cours de la prochaine campagne électorale, elle déplore les dérives de certains commentateurs.

« Des fois, je trouve qu’il n’y a pas beaucoup d’oxygène pour des débats respectueux. C’est très polarisé », souligne-t-elle.

« Tu te dis : hé boy ! Dans la prochaine année, en vue de la campagne électorale, est-ce que les gens vont avoir envie d’écouter ou est-ce que les positions vont être tranchées ? »

« Avec la COVID et les mesures sanitaires, on sent qu’il y a beaucoup de cynisme qui mène à la rébellion, donc ça crée un climat qui peut être très toxique. Et les menaces qu’on reçoit vont dans ce sens-là, pas juste moi, mais d’autres politiciens aussi », se désole Mme Plante.