La publication jeudi des résultats d’une étude menée par un professeur d’université qui conclut que le projet Quiétude, mis sur pied pour saisir les armes illégales en circulation à Montréal, est « une escouade anti-Noirs » a fait bondir les policiers du SPVM dont certains ont communiqué avec La Presse.

« Une personne avec une arme à feu, qu’elle soit blanche ou noire, ça ne change rien. On ne cible pas une personne parce qu’elle est noire, on la cible parce que nous avons reçu une information qu’elle possède une arme à feu et on veut la sortir de la rue. On ne peut pas faire du profilage racial avec une information du public », a expliqué un policier sous le couvert de l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler avec les médias.

« C’est une réalité criminologique. La culture des armes à feu à Montréal et ailleurs est liée au phénomène des gangs, à la criminalité de rue et à la pauvreté, et est malheureusement, par le fait même, souvent liée à l’immigration », a expliqué un enquêteur chevronné.

« Que le suspect soit blanc, noir ou jaune, on ne le cible pas à cause de sa couleur, on le cible pour enlever la menace », a renchéri un ex-policier du SPVM qui s’est souvent penché sur les crimes graves commis par des membres de gang.

Méconnaissance profonde

Le projet Quiétude a été mis sur pied à la fin de l’an dernier dans le but de saisir les armes à feu illégales en circulation à Montréal et de réduire le nombre d’évènements de coups de feu qui ont considérablement augmenté dans la métropole.

Au moins une douzaine d’enquêteurs, majoritairement des régions Nord et Est du SPVM, y participent.

Selon nos informations, en moins d’un an, les enquêteurs du projet ont mené une soixantaine de perquisitions, saisi plus de 30 armes et arrêté plus de 80 suspects.

L’étude de Ted Rutland, professeur au département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia, est basée sur un échantillon des 31 personnes arrêtées par l’escouade entre décembre 2019 et avril 2020.

L’étude indique que 74 % d’entre elles sont noires, 19,4 % sont blanches et 6,5 % sont des personnes racisées mais non noires, et que moins de 30 % des accusations portées contre elles concernaient des infractions reliées aux armes à feu.

« Ces conclusions démontrent une profonde méconnaissance des enquêtes et ne tiennent pas la route », affirme un policier.

Sans vouloir dévoiler des techniques, il explique qu’il est fréquent que les individus arrêtés lors d’une enquête durant laquelle une ou des armes sont saisies ne soient pas accusés de cette infraction, car le but premier est de sortir une arme de la circulation et de prévenir un crime grave.

« Pour les enquêteurs qui travaillent d’arrache-pied et qui font d’innombrables heures en mettant de côté famille et amis pour mener des enquêtes, cela crée une énorme frustration », dit-il au sujet des conclusions de l’étude.

Ce policier déplore que des zones existent à Montréal où la direction du SPVM ne veut pas que se rendent les policiers du Groupe tactique d’intervention (GTI) ou de l’escouade Éclipse, spécialisée dans la surveillance des bars et la collecte de renseignements sur le crime organisé.

Il dit que les policiers ont l’ordre de ne pas arrêter des individus dans certains secteurs, et d’attendre qu’ils en sortent pour les appréhender, et que cette « non-intervention policière » pourrait engendrer la création de ghettos où le contrôle deviendra difficile à assurer.

C’est inquiétant et c’est la réalité. Verser de l’argent à des organismes communautaires, je suis d’accord à 100 %. La prévention et l’éducation restent essentielles. Mais une intervention policière différente selon les particularités d’un secteur, ça a des limites. Doit-on laisser les criminels prendre le contrôle ?

Un policier du SPVM, sous le couvert de l’anonymat

Enquêtes exemptes de racisme

« Le SPVM mène ses enquêtes et ses opérations dans le respect des droits et libertés individuelles de tous, peu importe leur identité ethnoculturelle réelle ou perçue. Les policiers et les policières affectés à la lutte contre les crimes par arme à feu, dont les membres de l’équipe Quiétude, s’assurent de toujours mener leurs enquêtes et leurs interventions en utilisant des méthodes éprouvées, sans discrimination et sans racisme. Les dossiers d’enquête ouverts par cette unité l’ont d’ailleurs été sur la base de signalements reçus du public ou d’informateurs, et toujours sur des faits observables et vérifiables », a réagi, dans un communiqué, la direction du SPVM.

Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, n’a pas voulu commenter l’étude.

« L’étude que vous mentionnez, nous sommes en train de la regarder, mais elle a été faite par le même prof qui nous avait dit au printemps de sortir en liberté tous les détenus au Québec. Donc… juste mettre ça dans le contexte », a répondu le premier ministre du Québec, François Legault, questionné à ce sujet par un journaliste à Montréal.

Au printemps dernier, après une éclosion de COVID-19 au Centre de détention de Montréal (Bordeaux), le professeur Rutland avait suggéré que le Québec imite l’Ontario et quatre autres provinces, et libère des détenus, pour prévenir une plus grande contamination.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.