Et si on allait voir ce qui se passe de bon dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce ! De bon… C’est une façon de parler. Ça va carré, mettons. Ça va lourd.

D’abord, un retour sur les dernières semaines. En août, il y a eu une tentative (la quatrième) de la mairesse Sue Montgomery de suspendre son directeur d’arrondissement, Stéphane Plante. Précisons que le torchon brûle entre ces deux-là depuis la publication, en décembre 2019, d’un rapport du contrôleur général de la Ville de Montréal, Alain Bond.

Le document conclut qu’Annalisa Harris, directrice de cabinet de la mairesse, a fait preuve de harcèlement psychologique à l’égard de certains fonctionnaires, dont Stéphane Plante.

En juillet dernier, Sue Montgomery a accusé ce dernier de lui avoir menti au sujet d’une demande d’approbation dans le projet de voies cyclables de la rue de Terrebonne. Les cinq conseillers de CDN-NDG ne l’ont pas vu ainsi et, lors d’une réunion extraordinaire tenue le 27 août, ils ont empêché la suspension de Stéphane Plante.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Sue Montgomery, mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

Mardi dernier, les cinq conseillers ont de nouveau fait front commun pour s’opposer à la décision de Sue Montgomery de prolonger les controversées voies cyclables. Les conseillers ont décidé d’être à l’écoute de la grogne des citoyens et d’exiger leur démantèlement.

Cinq conseillers d’allégeances différentes (trois de Projet Montréal, un d’Ensemble Montréal et un indépendant) qui se soudent pour travailler ensemble et contrecarrer les projets d’une mairesse d’arrondissement rejetée du caucus de son parti, Projet Montréal…

Je ne sais pas pour vous, mais il me semble que si j’étais à la place de Sue Montgomery, j’aurais le choix : travailler à rétablir l’harmonie au plus sacrant ou quitter le navire.

Ce n’est pas ce qu’a choisi de faire la bouillante mairesse qui a décidé de mener un dur combat. Lors d’un entretien téléphonique vendredi dernier, l’ancienne journaliste de The Gazette a fait ressurgir son âme combattante.

« J’ai lu le rapport cet été et il n’y a rien là-dedans. […] Si Mme Plante avait fait son travail dès le départ, nous n’en serions pas là. »

Sue Montgomery m’a fait suivre des échanges de courriels entre Stéphane Plante et Annalisa Harris qui ont été déposés à la Cour supérieure. Elle veut ainsi démontrer que sa directrice de cabinet était dans son droit d’exiger de son directeur d’arrondissement des documents et de l’information nécessaires au bon fonctionnement des choses. Si le ton est parfois ferme, il est la plupart du temps cordial.

Sue Montgomery a dû se défendre au cours de l’été devant la Cour supérieure, où elle espère faire reconnaître l’indépendance de son arrondissement en matière de gestion. « Le contrôleur général ne peut pas et ne doit pas contrecarrer sa gestion », m’a dit MEric Oliver, qui représente Sue Montgomery.

La Commission municipale du Québec (CMQ) se penchera de son côté sur l’aspect déontologique de cette affaire (19 manquements ont été recensés et 9 autres pourraient être ajoutés par la Direction du contentieux et des enquêtes de la CMQ). La mairesse de CDN-NDG ne mâche pas ses mots : elle accuse littéralement l’organisme de manquer d’impartialité. « Il semble qu’on épouse déjà la position des fonctionnaires », ajoute de son côté MOliver.

Cette partialité possible a été évoquée en mai dernier par le juge de la Cour supérieure Bernard Synnott qui, dans une décision, a dit trouver « surprenant » que la CMQ puisse poursuivre Sue Montgomery alors que « la même CMQ devra procéder à une audition disciplinaire impartiale, l’impartialité et l’apparence d’impartialité devant prévaloir ».

Quand j’ai abordé la question des frais juridiques assumés par les contribuables qui doivent assurer sa défense (ils s’élèvent pour le moment à 130 000 $ et selon le conseiller Marvin Rotrand, ils pourraient atteindre les 500 000 $), Sue Montgomery s’en est de nouveau prise à Valérie Plante.

« Ça, c’est la faute de Mme Plante, dit Sue Montgomery. La loi dit que la Ville doit payer mes frais. »

Si Mme Plante avait lu le rapport, elle aurait vu qu’il n’y a aucun cas de harcèlement psychologique et que tout cela aurait pu être réglé par les ressources humaines. Mais elle a décidé de ne pas faire son travail.

Sue Montgomery, mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce

Au bureau de Valérie Plante, on reste ferme. « Mme Montgomery a fait de l’aveuglement volontaire sur la situation de harcèlement dans son arrondissement, m’a écrit Geneviève Jutras, attachée de presse de la mairesse Plante. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport du contrôleur général. »

Chez les conseillers, c’est la consternation. « Notre seul et unique but est de travailler pour le bien-être des citoyens, m’a confié l’un d’eux. La seule personne qui ne travaille pas pour les citoyens en ce moment, c’est la mairesse. »

Je me suis entretenu avec Marvin Rotrand ainsi que deux autres conseillers qui ont requis l’anonymat, de peur d’envenimer la situation. Tous qualifient l’atmosphère qui règne en ce moment à la mairie de CDN-NDG de « lourde » et « difficile ». Les communications sont devenues compliquées.

« En temps normal, les fonctionnaires peuvent assurer l’avancement d’une bonne partie du travail qui doit être fait, m’a dit un conseiller. Mais comme la mairesse exige que tout passe par elle, c’est devenu difficile. » Un autre élu m’a confié qu’il n’hésitait pas à s’en remettre directement à certains fonctionnaires pour valider certaines décisions et faire avancer les choses.

Sue Montgomery ne voit pas les choses ainsi. « Ce n’est pas difficile, car je sais que la vérité va éclater cet automne, dit-elle. Tout le monde a peur de cette vérité. Cet arrondissement est dysfonctionnel. J’ai le devoir de m’assurer que les fonctionnaires font leur travail. Nous avons de très bons fonctionnaires. Mais il y en a d’autres sur lesquels j’ai des doutes. »

Il y a plein de gens qui ont peur et ils veulent me faire taire. […] J’ai 60 ans, je pourrais faire autre chose dans la vie. Je ne suis pas une politicienne conventionnelle.

Sue Montgomery

Cette situation très particulière dure depuis trop longtemps. Il faut absolument qu’une décision soit prise rapidement. À la CMQ, on me dit que ça sera fait dans quelques semaines. Pour ce qui est de la Cour supérieure, MOliver espère qu’un jugement sera rendu d’ici au mois de décembre.

En attendant, nous avons une mairesse isolée, des fonctionnaires malheureux et des communications limitées. Quant à l’ambiance, ce n’est pas celle dont on rêve dans un arrondissement. Il suffit de regarder la retransmission des réunions du conseil d’arrondissement pour s’en rendre compte.

Les citoyens méritent mieux que ça. Tellement mieux.