Le projet de ligne rose de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, représente une facture de 17 à 24 milliards de dollars, soit de trois à quatre fois plus que ce qu’elle disait en campagne électorale, a appris La Presse.

L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a préparé une fiche d’avant-projet dans laquelle se trouve une estimation préliminaire du coût total de la réalisation de cette nouvelle ligne de métro. Elle avance un « minimum » de 17,6 milliards et un « maximum » de 24,6 milliards.

La ligne rose fait partie d’une liste de projets que l’ARTM inclura dans son nouveau plan stratégique qui sera présenté au conseil d’administration de l’organisme où siègent des élus de la région de Montréal ce vendredi pour adoption. Il s’agit d’un plan de 50 milliards en 10 ans, selon plusieurs sources. L’estimation totale de 50 milliards correspond à tous les projets mis de l’avant par les villes, les sociétés de transport, les organisations suprarégionales et les autorités gouvernementales. Une fois adopté, le plan stratégique doit faire l’objet d’une consultation publique.

Le projet de ligne rose comprend deux phases, selon le projet proposé par Valérie Plante et estimé à 6 milliards. La première : un tunnel d’environ 20 kilomètres reliant Montréal-Nord et le centre-ville avec 18 stations. La deuxième : un tronçon d’environ 10 kilomètres en bonne partie en surface entre le centre-ville et Lachine, avec 11 stations.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

En campagne électorale, Valérie Plante avait estimé les coûts du projet de ligne rose à 6 milliards. 

L’estimation de l’ARTM comprend les coûts de réalisation du projet dans son ensemble et jusqu’à sa mise en service. Elle comprend les taxes, les frais de gestion, les honoraires professionnels et la réserve pour risques. Le matériel roulant, c’est-à-dire les voitures, n’est toutefois pas inclus. S’il y a un écart important à l’intérieur de la fourchette de 17 à 24 milliards, c’est que l’état d’avancement du projet n’est pas suffisant pour arriver à un chiffre plus précis. Cette situation n’est pas inhabituelle à l’étape de l’avant-projet.

Depuis le début, l’estimation des coûts de la ligne rose faite par Projet Montréal soulève le scepticisme, en particulier au sein du gouvernement Legault. Il suffit de faire une comparaison avec le prolongement de la ligne bleue vers Anjou, qui a reçu le feu vert de Québec : une facture d’au moins 4,5 milliards pour un tronçon de 5,8 kilomètres et cinq stations. La Ville de Montréal a toujours contesté tout parallèle entre les deux projets en termes de coûts.

Le gouvernement Legault est réfractaire à la ligne rose. Il s’est cependant entendu avec Montréal, en juin dernier, pour analyser un « lien structurant entre le centre-ville et l’arrondissement de Lachine, dans le sud-ouest de l’île ». Cela correspond au tronçon ouest de la ligne rose de l’administration Plante. Cette entente a permis le transfert de la métropole à la Ville de Québec d’une somme de 800 millions provenant d’une enveloppe fédérale afin de boucler le financement du réseau structurant du maire Labeaume. Le gouvernement Legault a demandé à la Caisse de dépôt d’étudier l’idée de prolonger le Réseau express métropolitain (REM) de Lachine jusque dans l’Est.

Par ailleurs, le gouvernement Legault voit d’un bon œil le prolongement de la ligne orange afin de relier la station Côte-Vertu à la gare de trains de banlieue Bois-Franc, appelée à devenir une station du REM. C’est un tronçon d’un peu plus de deux kilomètres.

Un véritable enjeu de priorisation des projets se pose. Des sources ont souligné que l’exercice ressemble à un « jeu de dominos » qui nécessite de la « cohérence » et de la « transparence ». Officiellement, cette responsabilité échoit au comité d’orientation stratégique qui relève de l’ARTM. Le comité est présidé par la ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau.

Projets caquistes

Dans son plan de 50 milliards, l’ARTM inclut des projets promis par la Coalition avenir Québec (CAQ) en campagne électorale pour décongestionner la région métropolitaine : le prolongement du REM sur la Rive-Sud et à Laval, un tramway sur le boulevard Taschereau, à Longueuil, et un autre dans l’est de Montréal, par exemple. La CAQ avait chiffré ses projets à 10 milliards, ce qui comprenait la ligne bleue. Des sources signalent que les projets caquistes seraient plus coûteux que prévu.

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L’implantation d’un tramway sur le boulevard Taschereau à Longueuil fait partie des projets étudiés. 

Québec est toutefois déterminé à réaliser des projets majeurs de transport collectif. Il entend mettre le paquet dans son budget que l’on promet « vert » et qui sera déposé le 10 mars afin d’augmenter les investissements dans ce secteur.

Enjeu financier

Le gouvernement n’a toutefois pas trouvé à ce jour une solution à un problème majeur : le financement. L’an dernier, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a adopté un règlement pour instaurer une taxe de 50 $ sur l’immatriculation des véhicules des automobilistes du 450 afin de financer le transport collectif – une telle taxe existe à Montréal, de 30 $, qui serait portée aussi à 50 $. Cette mesure permettrait de récolter un peu plus de 100 millions par année, estimait la CMM.

Or, la Société de l’assurance automobile du Québec, qui doit percevoir la taxe, l’a avisée qu’il ne serait possible de l’appliquer qu’en 2023, après les prochaines élections au Québec. Des sources y voient une manœuvre du gouvernement Legault pour éviter l’instauration de cette taxe à court terme. Le 450 est un terreau fertile pour la CAQ, qui a par ailleurs promis de ne pas augmenter les taxes au-delà de l’inflation.

Résultat : un manque à gagner de 300 millions pour les années à venir dans le financement des sociétés de transport.

Financement municipal

Les municipalités s’inquiètent d’ailleurs de l’ampleur du fardeau budgétaire dont elles pourraient hériter avec de nouvelles infrastructures. Comme le soulignait jeudi la ministre Rouleau qui a assisté à la présentation de la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, sur son projet de tramway sur Taschereau, le monde municipal devra contribuer davantage. « Le gouvernement construit les infrastructures. Il faut ensuite les opérer. Lorsqu’on ajoute des services, on ajoute des coûts », a rappelé Mme Rouleau.

De 35 à 50 %

Augmentation de la contribution des villes proposée par l’ARTM, selon les informations recueillies par La Presse

Le plan stratégique suggère également que les droits de passage soient haussés jusqu’à 5 % par année, pendant cinq ans. Plusieurs sources ont rappelé qu’il faudra d’abord et avant tout compléter la refonte tarifaire. À l’heure actuelle, on compte quelque 700 titres de transport dans la grande région montréalaise.

Quatre scénarios ont été avancés par l’ARTM. L’une des sociétés de transport de la région a concocté un cinquième scénario qui semble recueillir un plus large appui.

Si la proposition devait être adoptée, le tarif de transport par autobus serait unifié dans tout le territoire de l’ARTM. Le territoire correspond aux 82 municipalités qui composent la CMM et quelques autres municipalités, dont la ville de Saint-Jérôme.

Pour le transport collectif lourd (métro et trains de banlieue, par exemple), les usagers paieraient un tarif variant selon trois zones : île de Montréal, Laval et Longueuil ainsi que les couronnes nord et sud. Il est également question d’imposer une tarification aux voyageurs qui sont « hors territoire ».