Devant la vague d’opposition à son projet, la Ville de Longueuil a fait volte-face en annonçant lundi soir qu’elle abandonnait l’idée de tuer la moitié des cerfs du parc Michel-Chartrand.

Le jour même où ses services devaient commencer l’opération, la mairesse Sylvie Parent a annoncé sur sa page Facebook que les bêtes seront plutôt déplacées.

La municipalité demandera au gouvernement du Québec de « permettre le déplacement de 15 cerfs de Virginie du parc Michel-Chartrand vers un site autorisé ». Elle demandera aussi à Québec de préciser « les modalités de ce déplacement ».

Cette opération aura lieu dans « les prochaines semaines » en raison de « l’importance pour la Ville de procéder à la réduction du cheptel à court terme ».

Le changement de cap n’a pas été décidé de gaieté de cœur. La mairesse a cité « la menace que posent aujourd’hui certaines personnes afin de nuire, voire de contrecarrer la mise en œuvre de l’opération » pour expliquer sa décision.

Lundi, des policiers patrouillaient dans le parc Michel-Chartrand pour éloigner d’éventuels curieux. Le permis obtenu par la Ville de Longueuil auprès du ministère de la Faune lui donnait le droit de capturer et d’euthanasier les animaux jusqu’au début du mois de décembre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La police effectuait une surveillance étroite du secteur du parc Michel-Chartrand où les pièges étaient installés, lundi.

« Belle victoire pour les cerfs »

Mme Parent a fait l’objet de menaces à sa vie après que Longueuil a annoncé son intention d’euthanasier 15 cerfs pour lutter contre la surpopulation animale du parc Michel-Chartrand. En tout, trois individus ont été arrêtés par les forces policières dans ce dossier.

Par ailleurs, des manifestations citoyennes pacifiques sont organisées depuis le milieu du mois de novembre par des citoyens en colère contre ce projet.

Lundi après-midi, l’organisation Sauvetage Animal Rescue avait organisée une conférence de presse virtuelle avec l’avocate Anne-France Goldwater pour ajouter au barrage d’opposition. « Quelle horreur, quel message on envoie à la prochaine génération… », avait décrié cette dernière, en proposant plutôt de rendre infertiles les cerfs. « Au XXIe siècle, on ne peut plus tolérer qu’on assassine des animaux. »

Lundi soir, après l’annonce de la mairesse de Longueuil, l’avocate s’est réjouie de la nouvelle. Elle n’a toutefois pas pu s’empêcher de déplorer le ton de Mme Parent. « Politiquement, il aurait mieux fallu qu’elle communique avec les amoureux des animaux de Longueuil. Ils sont nombreux à Longueuil et ils votent », a-t-elle dit à La Presse. « Personne n’a tenté de ‟contrecarrer” son projet. Nous tentions de stopper un massacre. »

Sauvetage Animal Rescue, pour sa part, a dit prendre connaissance de cette « belle victoire pour les cerfs » de Longueuil avec une « grande joie ». « Nous restons encore à l’entière disponibilité de la Ville afin d’offrir nos ressources humaines et matérielles gratuitement », a écrit l’organisme.

Retour vers une option « non retenue »

Dans une présentation organisée le 10 novembre dernier, les experts de la Ville de Longueuil avaient indiqué que le déplacement des cerfs était contre-indiqué parce que cet animal n’est absolument pas menacé au Québec et que l’opération peut être dangereuse pour les animaux.

« Ce n’est jamais une bonne idée de déplacer un problème d’une région X à une région Y », indiquait alors une gestionnaire de l’administration municipale responsable du projet d’euthanasie*. « Le cerf, c’est un animal ultra-stressé. Le fait de l’endormir pour le transporter, certains animaux peuvent ne même pas survivre à cette opération. »

À ces problèmes, cette gestionnaire ajoutait qu’en mélangeant les populations de cerfs, on augmentait le risque de faire voyager leurs parasites en même temps. « Le transport d’animaux d'un endroit X à un endroit Y, ça augmente le risque de transfert des maladies, on peut penser à la maladie débilitante du cervidé ou à la maladie de Lyme », disait-elle à ce moment.

Les experts de Longueuil avaient aussi souligné que les 32 cerfs dénombrés dans les limites du parc étaient beaucoup trop nombreux pour permettre à la végétation de se renouveler. La rareté ainsi créée peut pousser les animaux à sortir sur les routes avoisinantes, générant un danger de collision pour les automobilistes, ont-ils ajouté.

Les carcasses des cerfs abattus devaient être débitées par un boucher qui aurait remis la viande à une banque alimentaire de la Rive-Sud de Montréal.

* La Presse a accepté la demande de la Ville de Longueuil de retirer le nom de cette gestionnaire pour des motifs liés à la sécurité.