Alors que l’administration Plante doit présenter jeudi la « nouvelle mouture » de son Règlement pour une métropole mixte, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) demande à la Ville de « faire une pause », se disant inquiète de l’impact potentiellement négatif qu’auront certaines exigences de ce plan.

« La Ville doit faire une pause. Il n’y a aucune justification à créer une pression accrue sur le seul secteur immobilier pour financer la stratégie de la Ville », a martelé mercredi le président de la Chambre, Michel Leblanc, dans une déclaration officielle.

Ce règlement, mieux connu sous l’appellation « 20-20-20 », veut contraindre les promoteurs à inclure dans leur projet 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux de trois chambres et plus. Le volet social s’applique à tout projet de cinq unités et plus ; les volets abordable et familial aux projets de 50 unités et plus. Montréal vise une entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

En accord sur le principe – soit celui d’augmenter l’offre de logements sociaux et abordables pour les plus vulnérables –, Michel Leblanc déplore néanmoins que Montréal ait choisi une approche par règlement qui imposera selon lui « des exigences de construction ou de contribution financières forcées et coûteuses ».

Cette approche complexifierait les procédures pour les développeurs, alourdirait les coûts tout en entraînant un déplacement de ces coûts sur le prix des autres unités.

Michel Leblanc, président de la CCMM

À l’hôtel de ville, l’opposition officielle abonde relativement dans le même sens. « On craint que ce règlement-là réduise l’attractivité de Montréal pour les promoteurs et que ça fasse monter les prix. Ça ferait fuir la classe moyenne, surtout si on applique le tout de manière aveugle à tous les projets », dit le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.

« Irrespectueux », dit la Ville

Joint par La Presse, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avoue mal s’expliquer cette sortie prématurée de la Chambre de commerce. « Tous les détails seront dévoilés demain. C’est pourquoi il est d’autant plus irrespectueux de voir que le PDG de la Chambre a décidé de sortir sa réaction, avant même d’en connaître les détails », martèle l’attachée de presse, Catherine Cadotte.

En mai, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) recommandait à la Ville de reporter les volets logements abordables et familiaux de son règlement, en affirmant que plusieurs aspects mériteraient d’être d’abord « approfondis ».

Peu après, la Ville avait indiqué qu’elle planchait déjà sur une nouvelle mouture de son règlement, pour tenir compte des recommandations. C’est cette nouvelle version qui sera présentée au public jeudi, à 11 h. « Les modifications répondent aux recommandations de l’OCPM, et reflètent un équilibre qui garantira à la fois le développement économique et l’abordabilité de la métropole pour les générations futures », affirme Mme Cadotte, sans vouloir s’avancer davantage.

Le secteur communautaire demande plus

Au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la porte-parole Véronique Laflamme trouve aberrante la demande de la CCMM. « Le marché immobilier roule à fond de train et le développement se poursuit. Pendant ce temps, on voit déjà des projets se réaliser sans aucune inclusion à Montréal », déplore-t-elle.

L’organisme dénonce la position du milieu des affaires, alors que la crise du logement « s’intensifie » dans la métropole. « Les besoins sont urgents. Il y a de plus en plus de gens qui sont chassés de leur milieu de vie ; c’est ce qu’on voit avec le campement Notre-Dame, dans Hochelaga », ajoute Mme Laflamme.

« Il n’y a absolument aucune raison de mettre ça sur pause, au contraire. On voit bien que les promoteurs font ce qu’ils veulent quand il n’y a pas d’obligation », conclut l’organisatrice communautaire, pour qui le seuil de 20 % est d’ailleurs largement insuffisant pour freiner la spéculation immobilière.