L’administration Plante ne parviendra pas à ériger un quartier carboneutre sur les terrains de l’ancien hippodrome si elle ne détermine pas mieux les « sources de pollution » qui sont « omniprésentes » dans le secteur, affirme l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) dans un rapport paru jeudi.

« Ce site va se développer dans un milieu très hostile », explique la présidente du groupe, Dominique Ollivier. Son équipe a été mandatée l’an dernier pour tenir des consultations sur la revalorisation de ce secteur de 75 hectares, dans l’ouest de l’île, que Montréal veut transformer en un quartier « carboneutre ».

Gaz à effet de serre, poussières fines, îlots de chaleur, bruits et vibrations : les polluants auxquels est exposé le secteur sont nombreux, rappelle toutefois l’OCPM. « On peut bien rêver d’un quartier vert, mais il y a une limite à ce qu’on peut y mettre. Plusieurs personnes demandent un grand parc, mais le plus gros qu’on pourrait imaginer est de la taille du parc Laurier », illustre Mme Ollivier. À ses dires, les lourdes infrastructures entourant le secteur représentent un défi de taille.

Le secteur est limitrophe avec la zone industrielle de Ville Mont-Royal, dont le développement futur échappe un peu à la Ville. Les gens nous le disent ; tous ces éléments pourraient rendre l’atteinte de la carboneutralité très difficile.

Dominique Ollivier, de l’OCPM

L'OCPM réclame une étude d’impacts afin de cibler les mesures à mettre en place autour du futur site carboneutre, situé près du mégaprojet Royalmount. « Namur-Hippodrome doit devenir un catalyseur pour les autres quartiers, et non un îlot enclavé qui essaie de lutter pour l’environnement », illustre Mme Ollivier. Son groupe recommande également de recouvrir l’autoroute Décarie, entre la rue Jean-Talon Ouest et l’avenue Royalmount, pour y aménager un espace vert.

« Décevant » pour le logement

Le projet Namur-Hippodrome devait initialement accueillir plus de 8000 logements, mais cette cible a depuis été revue à la baisse par la Ville, autour de 6000. La mairesse Valérie Plante, qui a décrit le projet comme « l’anti-Royalmount », entend réserver un « minimum » de 20 % des unités au logement social.

« Il faut s’assurer que les coûts supplémentaires engendrés par les constructions écoresponsables vont être conciliables avec l’accès à des logements sociaux », prévient Mme Ollivier. En plus de réclamer que les terrains soient réservés « dès le départ » au logement social, l’OCPM rappelle qu’un mécanisme de « perpétuelle abordabilité » devra être créé, pour éviter que les prix montent en flèche avec le temps.

Au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), la porte-parole Véronique Laflamme se dit « extrêmement déçue » par la place consacrée au logement social dans le rapport. « Nulle part, l’OCPM ne précise la proportion du site qui devrait être réservée au logement social », soulève-t-elle. Pourtant, « les besoins sont grands », dit Mme Laflamme. Dans Côte-des-Neiges, plus de 6000 ménages locataires ont des besoins « impérieux » de logement.

Comme il s’agit d’un terrain public, ce site devrait être entièrement dédié à des projets de logements sociaux et d’utilité collective.

Véronique Laflamme, du FRAPRU

Un quartier « sans voiture » ?

Montréal ne s’en cache pas : elle souhaite une faible empreinte écologique des voitures dans ce nouveau quartier. « J’aime dire que ce quartier-là, on va principalement y circuler à pied et à vélo », avait dit Mme Plante, en octobre dernier.

Une porte-parole de son cabinet, Catherine Cadotte, ajoute que « les enjeux pour le développement de ce secteur sont nombreux, notamment en termes de mobilité ». « La Ville va continuer de travailler avec ses partenaires pour créer les conditions gagnantes […], comme par exemple en appuyant des projets comme le prolongement de la ligne orange jusqu’à Bois-Franc », remarque-t-elle.

Pour plusieurs, il faut toutefois aller encore plus loin. « Dans ce futur quartier, la norme devrait être de vivre sans voiture, et la majorité des habitations devraient être construites en mode communautaire ou alternatif. Ce sont les deux secrets de la réussite », dit le DG de Vivre en Ville, Christian Savard. « Le défi sera de concrétiser cette vision ambitieuse sans la diluer, et de faire rayonner ce projet à l’international », ajoute Patrick Bonin, de Greenpeace Québec.

En plus de limiter la présence de camions de livraison et de mettre en place un réseau de transport collectif à même le site, l’OCPM suggère de « concentrer les cases de stationnement à l’intérieur des immeubles », afin de limiter l’usage de l’auto-solo. « C’est une proposition très intéressante, dit Vincent Dussault, conseiller stratégique à la Coop Carbone. Il faut que les terrains utilisés pour les stationnements puissent être facilement réalloués à d’autres fonctions au fur et à mesure que les besoins de véhicules diminueront. »

Au Conseil régional de l’environnement (CRE-MTL), le responsable au développement urbain durable, Charles Bergeron, rappelle que le défi est surtout « la mobilisation en continu, sur une longue période ». Le projet n’a pas encore fait l’objet d’appels d’offres.