Dans le cadre de sa stratégie logement, qui vise à offrir 12 000 logements sociaux en quatre ans, l’administration Plante a recours pour la toute première fois à un outil administratif lui permettant d’acquérir plus facilement des immeubles.

Mais la volonté de la Ville de Montréal se bute à un obstacle de taille : les difficultés qu’ont les gouvernements provincial et fédéral à s’entendre, depuis trois ans, sur l’enjeu des logements à loyer abordable. Résultat : l’administration Plante est à court d’argent pour honorer sa promesse.

Ce n’est pas moins de 1,4 milliard de dollars que le Québec aimerait recevoir de la part du fédéral, une somme que la mésentente entre les deux gouvernements empêche Montréal de toucher sa part.

« La COVID nous a illustré à quel point le besoin de logement social pour les Montréalais était important. Le logement abordable aussi, a précisé Robert Beaudry, responsable de l’habitation au comité exécutif. Il y a des familles qui peinent à se trouver des logements. On a hébergé des gens pendant la crise, on continue d’en héberger. Il est plus qu’urgent qu’on puisse obtenir des fonds pour développer ces projets-là ! »

Ce cri du cœur, lancé mercredi en point de presse, fait suite à la décision de la Ville de recourir pour la toute première fois au « droit de préemption », mécanisme qui donne à l’administration la possibilité d’acquérir un immeuble ou un terrain avant quiconque, même si des intéressés se manifestent.

Montréal vient ainsi d’acquérir le bâtiment Plaza Hutchison, situé aux 7290 et 7300, rue Hutchison, dans Parc-Extension, au coût de 6,5 millions. Il permettra à l’administration d’offrir une quarantaine de logements sociaux pour des familles ou des personnes seules à faible revenu, en revendant à prix modique l’immeuble à un organisme communautaire.

Mais même si les élus sont très « fiers » de cette annonce, ils avouent que la Ville ne peut payer seule la construction de ces logements. Elle doit donc attendre que les gouvernements débloquent l’argent prévu à cette fin avant de commencer la réalisation du projet.

« Nous, on va jusqu’au bout en acquérant des terrains et en faisant l’acquisition de bâtiments. Mais là, si on veut développer le logement social, ça prend la participation des autres [ordres] de gouvernement », évoque M. Beaudry.

Dès son arrivée au pouvoir, Valérie Plante s’est dotée d’une Stratégie de développement de 6000 logements sociaux et 6000 logements abordables, étalée de 2018 à 2021. D’après Robert Beaudry, l’administration a aujourd’hui atteint 75 % de son objectif.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Montréal vient d’acquérir la Plaza Hutchison, située aux 7290 et 7300, rue Hutchison, dans Parc-Extension, au coût de 6,5 millions.

Un symbole fort

La Plaza Hutchison a fait la manchette ces dernières années, alors qu’un promoteur voulait la transformer en immeuble de condos avec services et commerces. De crainte que le quartier ne s’embourgeoise, des citoyens s’y étaient farouchement opposés.

Il y a eu énormément de mobilisation citoyenne et communautaire autour de ce bâtiment-là. Qu’on ait utilisé le droit de préemption pour la première fois ici, c’est extraordinaire ! Quarante logements sociaux, on ne peut pas demander une meilleure nouvelle !

Giuliana Fumagalli, mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Le fait que cet édifice a été acheté en premier grâce au droit de préemption représente aussi un symbole fort, pour la conseillère Rosannie Filato. « Il faut assurer une mixité sociale dans les quartiers, dont Parc-Extension. »

Les élus ont rappelé que depuis l’arrivée du nouveau campus MIL de l’Université de Montréal dans le quartier, en 2019, des résidants craignent que le prix des logements n’augmente. Raison de plus pour créer des logements sociaux et abordables, avance la Ville, qui souhaite ardemment créer 225 nouveaux logements sociaux dans ce secteur.