Valérie Plante n’a pas été élue « pour plaire à tout le monde ». C’est elle-même qui l’a affirmé cette semaine.

La mairesse de Montréal ne pensait pas si bien dire.

Les résultats du sondage CROP–La Presse que nous publions aujourd’hui montrent clairement que la prochaine campagne électorale municipale à Montréal sera placée sous le signe de la division.

Division entre les jeunes et les plus âgés. Ce deuxième groupe manifeste plus clairement son mécontentement à l’égard de l’administration Plante. Alors que le taux d’insatisfaction du travail de Projet Montréal est de 31 % chez les 18-34 ans, il grimpe à 52 % chez les 35-54 ans, puis à 60 % chez les 55 ans et plus.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHVES LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Division également entre ceux qui utilisent la voiture et ceux qui se tournent vers d’autres moyens (vélo, transport collectif, marche, etc.) pour se déplacer. Le taux de satisfaction à l’égard de l’administration Plante est de 60 % chez les « pas de voiture », alors qu’il est de 43 % pour la catégorie « avec voiture ».

Bref, des discussions enflammées sont à prévoir au cours des prochains mois dans les chaumières et les médias.

Ce clivage dans l’électorat, je le lis tous les jours dans les courriels que je reçois. Il tient beaucoup aux promesses faites par Projet Montréal lors des élections de novembre 2017. J’entends beaucoup que Valérie Plante a été élue sous de « fausses représentations », qu’elle a berné les citoyens avec des idées et des décisions radicales parfois mises en place sous le couvert d’une consultation qui en laisse plus d’un perplexe.

Mais quand on regarde la plateforme initiale de Projet Montréal présentée lors de la campagne de 2017, on se rend compte que l’administration Plante met de l’avant la majorité des grands principes du parti.

Oui, on pourrait revenir sur certains aspects… Souvenez-vous du débat qui faisait rage quelques semaines avant les élections. Il portait sur l’implantation d’un système de péage sur les ponts offrant un accès à Montréal.

Valérie Plante s’était opposée à ce principe, car elle souhaitait favoriser la circulation. « Pour moi, la mobilité des Montréalais, c’est fondamental pour le développement économique et le développement social », avait-elle déclaré lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse.

Après toutes les mesures anti-voitures adoptées depuis l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal, il serait intéressant de voir quelle serait la position de Valérie Plante si ce débat devait avoir lieu de nouveau.

Le problème avec les réalisations de l’administration Plante, ce n’est pas qu’elles ne sont pas conformes à la vision initiale, c’est qu’on en offre plus que le client en demande. C’est ce qui fait que 40 % des personnes sondées trouvent que les réalisations de l’administration Plante sont peu ou pas conformes aux promesses initiales.

Ceux et celles qui ont voté pour Valérie Plante ont souhaité du changement. Ils ont souhaité le départ de Denis Coderre. Un changement s’opère. Mais il est plus gros que prévu et il va trop vite, selon une tranche de la population.

Valérie Plante et ses collègues, on le sent bien depuis quelques mois, foncent tête baissée vers leurs objectifs. Cela se fait parfois avec une pointe d’arrogance de la part de certains élus qui se situent dans la portion plus à gauche de Projet Montréal.

Portés par les encouragements enthousiastes de leurs militants sur les réseaux sociaux, ils font des gestes radicaux. C’est sans doute grisant et exaltant pour ceux qui mettent de l’avant ces mesures.

Mais j’ai l’impression que, depuis quelques semaines, l’administration Plante semble ne plus faire de distinction entre les militants, si utiles lors d’une course à la direction et une campagne électorale, et l’électorat, indispensable lors d’une réélection.

Ce qui est inquiétant pour Valérie Plante et ses collègues de Projet Montréal, c’est le mouvement qui s’opère en ce moment dans les intentions de vote. À un an des élections, quand on demande aux gens pour quel candidat ils voteraient, Valérie Plante obtient 23 % de la faveur des votes, alors que Denis Coderre va chercher 28 % des appuis.

Mais quand on scrute davantage, on se rend compte que seulement 41 % de ceux qui ont voté pour elle en 2017 cocheraient de nouveau son nom derrière l’isoloir en 2021.

S’ils veulent passer à travers les 14 prochains mois, les élus de Projet Montréal devront changer d’attitude et faire preuve d’une plus grande écoute auprès des Montréalais. Pas une écoute d’apparat, mais une qui conjuguera leurs idées à la réalité d’une majorité de Montréalais.

Vous voulez un exemple de cet écart entre la philosophie de Projet Montréal et la position des citoyens ? L’injustice sociale, on le sait, est à la base de Projet Montréal. Pourtant, quand on demande aux Montréalais quels seraient les premiers postes de dépenses à couper advenant que cela devienne nécessaire, le logement social (33 %) arrive en seconde position, loin après les loisirs et la culture (62 %) et tout juste avant la police et le service des incendies (29 %). Le déneigement (20 %) et l’entretien des rues et du réseau d’eau (19 %) arrivent au bas de la liste.

Pour une bonne part des Montréalais, ces pragmatistes-rêveurs (à moins que ça ne soit des rêveurs-pragmatistes), le message est clair : il faut que Valérie Plante et les membres de son parti montrent qu’ils sont là pour tous les Montréalais.

Trois ans après avoir été élue, Valérie Plante divise plus que jamais. Dans son discours de victoire, le 5 novembre 2017, la mairesse s’était montrée toutefois rassembleuse et avait dit qu’elle ne voulait pas adopter l’attitude de ses prédécesseurs. « Nous avons démontré qu’il ne fallait pas tenir les Montréalais pour acquis », avait-elle déclaré.

À un an des prochaines élections, Valérie Plante se fait dire par une large part de ses citoyens qu’ils ont justement l’impression d’être tenus pour acquis.