(Montréal) La statue de John A. Macdonald a été déboulonnée à la place du Canada, samedi, au terme d’une manifestation qui réclamait de réduire le budget de la police de Montréal pour réinvestir l’argent dans les communautés discriminées. La tête s’est détachée du corps du monument en fin d’après-midi.

Les organisateurs de la manifestation affirment que le geste les a pris par surprise. « Je ne sais pas qui a fait ça, je suis curieux », soutient Elijah Olise, du Racial Justice Collective, l’un des coordonnateurs de la marche organisée par la Coalition pour la libération BIPOC — un acronyme anglais pour désigner les personnes noires, autochtones et racisées.

Il a assuré que la Coalition n’avait rien à voir avec le déboulonnement de la statue. « J’aurais aimé la voir être enlevée légalement. Ça aurait été un bon sentiment », a-t-il ajouté. Plus d’une centaine de personnes ont participé à la marche, qui a duré plus de deux heures, en partance de la place des Arts.

Jessica Quijano, qui fait partie de la Coalition pour le définancement de la police, voit dans le retrait forcé de la statue une conclusion logique de la marche, même si elle n’était pas au courant de l’action. « C’est relié, dit-elle. C’est un symbole de racisme et le mouvement pour définancer la police se bat contre le racisme systémique. »

Ce n’est pas la première fois que la présence de cette statue est dénoncée. Une pétition en ligne pour demander son retrait, lancée il y a quelques mois, a recueilli plus de 45 000 signatures. Le monument a aussi été vandalisé par le passé.

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La tête de la statue s’est détachée du corps lors de son déboulonnement

« Il représente un symbole d’oppression, d’esclavage, renchérit Mme Quijano. Est-ce qu’on mettrait une statue d’Hitler dans un parc ? » Le mouvement n’est pas unique à Montréal. Ailleurs au Canada aussi, John A. Macdonald soulève la controverse. À Victoria, en Colombie-Britannique, sa statue a été retirée de l’assemblée législative il y a deux ans.

Des marches à l’échelle du Canada

La manifestation a commencé vers midi, à Montréal, et devait se dérouler simultanément dans plusieurs grandes villes canadiennes. « Defund the police », a scandé la foule. Au moins une centaine de personnes ont marché en défiant la pluie pour faire entendre leur voix.

« Nous n’essayons pas de simplement défaire un système, mais de le réimaginer », dit M. Olise. Comme les autres manifestants, il a appelé au réinvestissement, notamment en éducation et en santé mentale.

« No justice, no peace, abolish the police », ont répété les manifestants en marchant sur la rue Sherbrooke. Certains portaient des masques affichant les lettres BLM. Ils ont d’ailleurs crié « Black Lives Matter » à plusieurs reprises au cours de la marche.

  • Au moins une centaine de personnes ont marché en défiant la pluie.

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    Au moins une centaine de personnes ont marché en défiant la pluie.

  • Les manifestants ont défilé pour réclamer une réduction du budget de la police.

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    Les manifestants ont défilé pour réclamer une réduction du budget de la police.

  • La manifestation s’est déroulée au centre-ville de Montréal.

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    La manifestation s’est déroulée au centre-ville de Montréal.

  • La manifestation était encadrée par des policiers à vélo et des patrouilleurs à moto.

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    La manifestation était encadrée par des policiers à vélo et des patrouilleurs à moto.

  • Les appels à retirer le financement des forces de police se sont multipliés aux États-Unis, mais aussi dans des villes canadiennes depuis la mort de George Floyd aux États-Unis en mai dernier.

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    Les appels à retirer le financement des forces de police se sont multipliés aux États-Unis, mais aussi dans des villes canadiennes depuis la mort de George Floyd aux États-Unis en mai dernier.

  • Des noms de personnes décédées lors d’une intervention policière étaient inscrits sur cette affiche.

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    Des noms de personnes décédées lors d’une intervention policière étaient inscrits sur cette affiche.

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La manifestation était encadrée par une dizaine de policiers à vélo, en plus de quelques patrouilleurs à moto et en automobile. « Tout le monde déteste la police », leur ont lancé les manifestants.

La Coalition pour la libération BIPOC demande une réduction de 50 % du budget de la police. Elle demande également la démilitarisation de la police et « une réglementation communautaire alternative pour gérer les appels non violents ».

Les appels à retirer le financement des forces de police se sont multipliés aux États-Unis, mais aussi dans des villes canadiennes, depuis la mort de George Floyd aux États-Unis en mai dernier. Dans un mémoire présenté à la Ville de Montréal la semaine dernière dans le cadre d’une consultation prébudgétaire, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, qui représente les 4500 policiers du SPVM, s’est vivement opposée au définancement, affirmant que celui-ci compromettra la sécurité du public.

Le monde politique déplore le geste

Dans un communiqué, la mairesse de Montréal Valérie Plante a déploré « fermement » le déboulonnement. Elle affirme qu’il faut d’abord mettre en contexte les monuments historiques controversés, plutôt que de les retirer. « Le bureau d’art public va sécuriser le périmètre et coordonner la conservation de la statue. Nous prendrons le temps d’analyser la suite à donner », a-t-elle ajouté.

Le premier ministre François Legault, lui, a appelé à la restauration de la statue dès que possible. « Quoique l’on puisse penser de John A. MacDonald, détruire un monument ainsi est inacceptable. Il faut combattre le racisme, mais saccager des pans de notre histoire n’est pas la solution », a-t-il écrit sur Twitter, soulignant que « le vandalisme n’a pas sa place dans notre démocratie ».

« Le Canada n’existerait pas sans Sir John A. Macdonald. Nous ne construirons pas un avenir meilleur en défigurant notre passé. Il est temps pour les politiciens d’arrêter de se plier face aux activistes radicaux », a aussi lâché le nouveau chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Erin O’Toole.

En Alberta, le premier ministre Jason Kenney a martelé que « ce vandalisme de notre histoire et de nos héros doit cesser », blâmant au passage « l’extrême gauche » pour cette « violence ». « Si la Ville de Montréal décide de ne pas restaurer la statue […], nous serions heureux de la recevoir pour l’installation sur le terrain de l’Assemblée législative de l’Alberta », ajoute-t-il.

Même l’ancien chef péquiste, Jean-François Lisée, a réagi à la nouvelle. « Je ne suis pas un fan de John A Macdonald (qui n’était pas un fan des Québécois). Je pourrais même être convaincu que sa statue ne devrait pas avoir une place d’honneur. Mais il n’appartient pas à un groupe de manifestants de décider si sa statue doit être détruite », a-t-il dit.