Indignés par « l’injustice » dont ils se disent victimes, des résidants de Ville-Marie se mobilisent pour pouvoir élire leur maire ou mairesse aux prochaines élections municipales de 2021. Depuis 2009, cet arrondissement est l’un de ceux où l’on vote le moins, entre autres parce que son maire est de facto le maire de Montréal.

« On brime nos droits démocratiques et honnêtement, dans une ville comme la nôtre, je trouve ça inacceptable », lâche le président de l’Association du village Shaughnessy, Bernard Sanchez, qui représente une centaine de familles dans le secteur.

Par le biais de la députée libérale Jennifer Maccarone, son regroupement a déposé lundi une pétition qui presse le gouvernement du Québec de « supprimer » l’alinéa 2 de l’article 17 de la Charte de la Ville de Montréal. C’est cette section en particulier qui prévoit que le maire de Montréal est automatiquement désigné maire de Ville-Marie.

> Consultez la pétition sur le site de l’Assemblée nationale

Depuis trois ans, c’est Valérie Plante qui est mairesse de Ville-Marie. Avant elle, Denis Coderre l’avait également été. Sur un total de cinq conseillers au conseil d’arrondissement, deux sont aussi « désignés » par la mairesse, soit Richard Ryan et Anne-Marie Sigouin. La moitié des représentants ne sont donc pas élus par les résidants.

Nous n’avons pas de proximité avec les élus comme les autres arrondissements de Montréal. C’est toute une communauté qui s’en retrouve défavorisée. Pourtant, il y a un besoin criant pour une gouvernance locale.

Bernard Sanchez, président de l’Association du village Shaughnessy.

Adoptée en 2008 par le gouvernement libéral de Jean Charest, la loi 22 modifiant la structure de l’arrondissement de Ville-Marie avait pour principal but de favoriser le développement économique de la métropole. C’est le maire de l’époque, Gérald Tremblay, qui avait participé à son élaboration.

Un engagement en attente

Au fil du temps, plusieurs administrations ont ouvert la porte à une renégociation de la loi 22, mais peu de résultats ont été obtenus. En 2017, dans son programme électoral, Projet Montréal s’engageait d’ailleurs à « exiger que le gouvernement du Québec corrige l’iniquité que subissent les citoyens de Ville-Marie ».

Le cabinet de la mairesse de Montréal demeure toutefois très prudent. « La question de la représentativité et du déficit démocratique dans Ville-Marie est toujours une préoccupation de l’administration », dit simplement la porte-parole, Geneviève Jutras, sans s’avancer davantage. Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, lui, affirme qu’une analyse serait faite si la Ville en faisait la demande.

L’experte des affaires municipales à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Danielle Pilette, indique pour sa part que les citoyens sont « tout à fait justifiés » dans leurs demandes. « Ils ont raison d’être frustrés. Au fil des années, il a toujours manqué une certaine de forme de leadership politique dans Ville-Marie. C’est celui d’un maire élu », soutient-elle.

« C’est un déficit de démocratie qu’il faut corriger rapidement, surtout que les citoyens ne gagnent rien en échange au niveau des services qui leur sont offerts », ajoute la spécialiste.

Au-delà des enjeux politiques, la solution est peut-être dans la redéfinition des limites géographiques de Ville-Marie, selon Mme Pilette. « C’est un arrondissement qui présente de très grandes contraintes et qui devrait être fractionné. Si on veut vraiment un maire et un conseil représentatif, ce serait absolument essentiel », raisonne-t-elle.