À deux semaines de la rentrée, des centaines d’élèves de l’école secondaire Sophie-Barat, dans le quartier Ahuntsic à Montréal, ont appris qu’ils ne pourraient pas y commencer leur année scolaire.

La colère gronde au sein de la communauté, alors que la direction de l’établissement a annoncé jeudi aux parents d’élèves avoir récemment découvert qu’« une partie du pavillon principal est dangereuse » en raison d’un problème de structure. « Des travaux majeurs s’échelonnant sur plusieurs mois devront être réalisés. » Cette section de l’école a été bâtie il y a 100 ans.

Toutes les classes de 1re et de 2e secondaire (volet ordinaire) seront déplacées à la St. Dorothy Elementary School, une école primaire de la Commission scolaire English-Montréal dont les locaux n’étaient pas utilisés. L’établissement est situé près de cinq kilomètres plus loin, au sud-est de l’école Sophie-Barat. Les deux organisations ont conclu une entente de location pour deux ans.

« Nous sommes conscients des impacts que cette situation occasionnera pour vous et vos enfants », a écrit le directeur de l’école, Jean-François Gagnon, dans sa lettre. « L’obligation de quitter en urgence une partie du pavillon principal pour assurer la sécurité de tous est notre priorité. »

Sur les réseaux sociaux, de nombreux parents laissent éclater leur colère face à une décision annoncée à quelques jours de la rentrée scolaire. Au centre de leur frustration : le fait que les classes ordinaires sont déplacées à la St. Dorothy Elementary School, alors que les classes enrichies (profil DÉFI) restent à Sophie-Barat. Ce sont pourtant ces dernières qui occupaient l’espace qui doit être évacué ; les classes ordinaires sont relocalisées pour leur laisser la place.

« Je trouve ça inacceptable »

Gisella San Miguel est la mère d’Alexa De La Torre Ugarte, une élève de 2e secondaire qui devra s’exiler dans les nouveaux locaux.

Jeudi, « j’étais vraiment choquée par la décision, que je ne comprenais pas. J’ai tenté de garder mon calme pour calmer ma fille qui était en larmes et trouvait ça injuste », a-t-elle expliqué.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE

Gisella San Miguel et sa fille Alexa De La Torre Ugarte

Je trouve ça inacceptable. On devrait avoir une école dans notre quartier. […] Il n’y a pas eu de consultations pour nous demander notre opinion.

Gisella San Miguel

Sa fille Alexa a souligné qu’elle voyait une différence de traitement inacceptable entre les élèves du volet enrichi, qui pourront rester sur le boulevard Gouin, et les élèves des classes ordinaires, qui devront s’installer ailleurs. « Je trouve ça vraiment injuste », a-t-elle dit.

« L’annonce d’hier est arrivée comme la goutte qui fait déborder le vase de la pandémie auprès des enfants », a déploré Caroline Kim, mère d’un autre enfant de 2e secondaire, qui suggère à la direction d’ériger des modules temporaires sur place.

Il reste deux semaines pour ne pas délocaliser inutilement les enfants qui ont eu un rude printemps, une sous-scolarisation de plusieurs mois et un manque de stabilité incroyable.

Caroline Kim

La fille de Cathy Gagnon se trouve dans la même situation. « On a reçu ça comme une bombe hier soir, comme si ça allait de soi », a relaté Mme Gagnon. « Non seulement elle apprend deux semaines avant la rentrée qu’elle doit quitter son école et être relocalisée dans un quartier qu’elle ne connaît pas, mais en plus, elle doit le faire pour laisser la place aux élèves du programme DÉFI qui viennent du pavillon principal [jugé dangereux]. »

Sabrina Guadagnano a vérifié sur l’internet la durée du trajet que devra désormais accomplir sa fille Emma. Résultat : il est quatre fois plus long. « Nous avons beaucoup de frustration comme parents et surtout de l’anxiété », a-t-elle écrit à La Presse.

Délais très courts

Le Centre de services scolaire de Montréal (CSSM), qui a pris le relais de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), n’a pas accepté la demande d’entrevue de La Presse.

Dans un courriel, le responsable des relations de presse de la CSSM a défendu la position de l’organisation.

« Les parents savent que l’école Sophie-Barat fait l’objet d’une attention particulière en raison de sa vétusté et de son caractère patrimonial. Le pavillon principal est sous haute surveillance en raison de la fragilité de sa maçonnerie », a écrit Alain Perron.

Nous avons réussi à trouver une solution dans des délais très courts. Les espaces disponibles sont peu nombreux dans l’environnement immédiat de l’école. Le quartier Ahuntsic est en surcapacité.

Alain Perron, responsable des relations de presse de la CSSM, dans un courriel

Quant à la décision de déplacer des classes ordinaires plutôt que celles du volet enrichi, M. Perron a fait valoir que c’était la meilleure option. « Nous devions trouver des niveaux dont le nombre de groupes correspond à la capacité d’accueil du nouveau pavillon », a-t-il plaidé.

En réponse à des questions écrites de La Presse, M. Perron a indiqué qu’il n’y aurait « pas de transport scolaire » organisé puisqu’il s’agit d’une école secondaire.

Marie Montpetit, députée provinciale du secteur, est insatisfaite de la décision de l’école.

« Je suis scandalisée d’apprendre ça, comme les parents. On est à deux semaines de la rentrée et les parents doivent déjà naviguer à travers toutes les incertitudes qui entourent la pandémie », a-t-elle dit. « Ça concerne les plus jeunes, des élèves qui sont déjà dans des périodes de transition difficiles. […] C’est une décision qui n’a pas de bon sens. »

Mme Montpetit déplore que la communauté n’ait pas été tenue au courant de la situation en temps opportun.

Alain Perron, de la CSSM, a souligné que la CSDM demandait depuis plusieurs mois au gouvernement d’investir un peu plus de 100 millions pour rénover le pavillon principal de l’école Sophie-Barat.

Une réunion d’information avec les parents de l’établissement est prévue lundi.